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EspagneCOMPÉTITIVITÉ : NISSAN CRÉE UNE DOUBLE ÉCHELLE DES SALAIRES

Pratiques | International | publié le : 26.02.2013 | VALÉRIE DEMON

Élément majeur de l’accord de compétitivité signé à Nissan Espagne, le 5 février, une double échelle de salaires maintiendra les rémunérations des nouveaux embauchés 20 % en dessous de celles des autres. La comparaison avec Renault Espagne a pesé sur les négociations.

Le secteur automobile espagnol continue de débroussailler à la hache le chemin de la compétitivité. Après l’accord de Renault Espagne, en novembre dernier, c’était au tour de Nissan (4 700 salariés) de conclure le sien au début du mois de février. À la clé : des investissements pour la production de nouveaux modèles, dès juillet 2014, dans les usines de Barcelone. Les volumes augmenteront de 104 000 unités et l’entreprise dépensera 130 millions d’euros. Mille nouveaux postes devraient être créés. Les négociations ont pourtant été beaucoup plus laborieuses que chez Renault, où cinq semaines de discussions avaient suffi, contre sept mois pour Nissan.

« Il faut tenir compte du contexte des négociations qui n’avaient rien à voir entre les deux entreprises », justifie Raúl Lopez, secrétaire général de la section intercentre de Commissions Ouvrières (CC.OO) de Nissan. Dans les deux cas, les dirigeants proposaient d’approfondir la double échelle salariale.

Débutants moins payés

Ce système, implanté en Espagne depuis le milieu des années 1990, consiste à payer moins cher les nouveaux salariés, afin de réduire la masse salariale sans pour autant diminuer la rémunération des collaborateurs en poste. La jurisprudence fixe plusieurs conditions pour un tel système. L’entreprise doit démontrer que le manque d’expérience des nouveaux est déterminant pour la productivité, que des emplois vont être créés et que les salaires atteindront au bout de quelques années le niveau de rétribution du reste des salariés.

Temps de formation

« Nissan ne nous proposait pas la même chose que chez Renault. Ils voulaient que le salaire des nouveaux soit fixé à 20 000 euros bruts contre 32 000 euros bruts pour les salariés en poste, mais aussi qu’ils soient plafonnés au bout de six ans à 26 000 euros bruts », explique Raúl Lopez. « C’était une pierre d’achoppement », renchérit Enrique Saludas, responsable du syndicat Sigen-Usoc chez Nissan. Les syndicats ont pourtant accepté la permanence d’une double échelle prévoyant une différence de salaires de 20 %. Mais à la condition que cette différence soit compensée par des temps de formation sur les heures de travail pour les nouveaux embauchés. Une commission contrôlera ce point de l’accord. Si l’entreprise ne fournit pas cette formation, elle devra passer le salaire à 32 000 euros bruts. Les syndicats ont bordé la question de l’emploi : au cas où Nissan voudrait licencier lors d’une baisse de production, l’ancienneté sera le premier critère. « Une manière d’éviter le licenciement des salariés les plus chers au profit des nouveaux collaborateurs », explique Raúl Lopez.

Les syndicats ont aussi accepté des mesures de flexibilité pour tous. Les salariés devront travailler 7 minutes de plus par jour, (soit trois jours de repos par an). Il offriront à l’entreprise deux minutes de travail par jour. Une quatrième rotation sera créée pour faire tourner les usines près de 365 jours par an. Actuellement, l’accord d’entreprise ne permet pas le travail les samedis après-midi ni les dimanches. « Mais la direction embauchera pour couvrir les fins de semaine », assure Raúl Lopez.

Syndicats sous pression

Les syndicats ont négocié sous pression. « Auparavant, la direction comparait nos conditions aux autres usines de Nissan. Cette fois-ci, pour la première fois, elle nous a comparés à Renault Espagne », signale le secrétaire général de la section intercentre de CC.OO. Or, le salaire moyen des usines de Renault en Espagne ne dépasse pas les 26 000 euros bruts, loin derrière les 32 000 euros de Nissan. Enrique Saludas, estime que les syndicats ne peuvent pas lutter contre cette dynamique : « C’est l’Europe qui devrait trouver une solution, ou tenter d’harmoniser le salaire minimum ».

La réforme du marché du travail, de février 2012, donne une plus grande marge de manœuvre aux employeurs pour modifier les conditions de travail et de salaires. « Comme le gouvernement ne peut pas dévaluer la monnaie, la compétitivité passe par une baisse des salaires », déplore Manuel Garcia Salgado, secrétaire fédéral de la fédération métallurgie et construction à l’Union générale des travailleurs. Une raison de plus pour que les syndicats négocient longuement.

Auteur

  • VALÉRIE DEMON