logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

La bataille des critères se poursuit

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 19.02.2013 | MARIETTE KAMMERER

Deux ans après la signature d’un accord sur l’égalité professionnelle qui prévoyait de corriger les écarts de salaire entre hommes et femmes, direction et syndicats ne s’entendent pas sur la méthode.

Dans son troisième accord sur l’égalité professionnelle signé en février 2011, STMicroelectronics s’est engagé à corriger les écarts de rémunérations entre hommes et femmes. En effet, les rapports de situation comparée de 2010 et de 2011 révélaient des inégalités de salaires entre hommes et femmes, de 2 %, 4 %, 6 % pour certains échelons de cadres et techniciens, voire de 10 % et de 18 % dans quelques cas isolés au sein du personnel administratif et d’agents de maîtrise.

Identifier les écarts anormaux

« Nous avons demandé à la direction de corriger ces inégalités », précise André Granier, élu CFDT. Restait à trouver une méthode pour repérer les écarts individuels anormaux. Plutôt que de faire appel à un organisme extérieur spécialisé en statistiques, ST a confié cette mission à un groupe de travail paritaire, composé de représentants syndicaux, de membres de la direction des RH et de responsables RSE, qui s’est réuni de février à juillet 2012.

En 2012, dans la population ingénieurs et cadres, 204 femmes sur 972 ont demandé à la DRH d’analyser leur rémunération. « Sur ces 204 situations, 120 ont donné lieu à une augmentation de salaire de 4 % en moyenne », rapporte François Suquet, DRH France et vice-président du groupe. En 2012, une enveloppe de 0,2 % de la masse salariale a été dédiée à la correction de ces écarts et entièrement utilisée. « Je pense que l’essentiel des écarts corrigés était antérieur à 2006, date de notre premier accord, ajoute-t-il. Nous estimons que ce modèle statistique est valable et qu’il réduit les écarts. » Il faudra néanmoins attendre le prochain rapport de situation comparée, à la fin du premier semestre 2013, pour apprécier cette évolution. Cet outil permanent d’analyse est appelé à être utilisé autant de fois que nécessaire. Toutefois, les organisations syndicales regrettent que ce travail ait pris du retard pour la population des techniciens et opérateurs.

Trois critères retenus par la direction

Les syndicats contestent également la méthode statistique choisie par la direction pour mesurer les écarts : « Nous avons fait un brainstorming, et la direction a retenu trois critères essentiels ayant une influence sur la rémunération : l’ancienneté dans l’entreprise, l’ancienneté dans l’échelon et la moyenne des notes obtenues à l’évaluation annuelle ces cinq dernières années », explique Nadia Salhi, élue CGT. La moyenne de ces trois critères pour tous les salariés d’un échelon définit un profil référent; les données d’une salariée sont ensuite comparées à ce profil référent afin de détecter d’éventuelles anomalies. « Nous avons estimé que le critère “notation” devait peser plus lourd (coef 3) que les deux autres critères (coef 1) dans la définition du profil référent, explique le DRH, car la performance est importante dans nos métiers. » Et c’est là que le bât blesse. Les organisations syndicales estiment que cette méthode minimise les inégalités et gomme les anomalies. « Parmi les femmes ayant un salaire inférieur au profil référent, seules celles qui ont été bien notées pendant cinq ans seront détectées par l’outil, explique Nadia Salhi. Or les courbes de répartition hommes-femmes des notations montrent justement que les femmes sont globalement moins bien notées que les hommes. »

Expertise indépendante demandée par un comité d’établissement

Pas très convaincu par la pertinence de la méthode adoptée, le comité d’établissement de Grenoble a fait réaliser une expertise indépendante par une statisticienne de l’université de Grenoble, rendue en mai 2012. S’agissant d’une expertise libre, l’universitaire n’avait pas accès à toutes les données dont dispose la direction sur les rémunérations. L’expertise propose de prendre en compte davantage de facteurs ayant une influence sur le salaire et de ne pas définir, a priori et arbitrairement, le poids de chaque critère. « Puisque l’objectif est de détecter une discrimination hommes-femmes, il faudrait voir quels ont été les déterminants du salaire sur la période, chez les hommes, et chez les femmes, ajoute Nadia Salhi, résumant les conclusions de l’expertise. Il ne faut donc pas établir un profil référent à partir d’une population globale mélangeant hommes et femmes, mais plutôt comparer la situation d’une salariée à un panel d’hommes du même échelon », poursuit l’élue CGT au CE. « Je pense qu’en revoyant le modèle statistique, nous détecterions davantage d’écarts, affirme André Granier, élu CFDT. Nous serons vigilants au moment de renégocier l’accord fin 2013. »

De son côté, la DRH n’a pas eu connaissance des résultats de cette analyse réclamée localement par un syndicat. Elle souhaite plutôt avancer sur un autre axe important de l’accord : la carrière des femmes et leur accès aux postes à responsabilité, sur lequel se réunit un autre groupe de travail paritaire. « Nous souhaitons augmenter la part des femmes ingénieures et cadres à hauteur de 30 % », précise Jean-François Suquet. Le numéro un du semi-conducteur – 10 000 salariés en France – emploie 32 % de femmes, parmi lesquelles 25 % de techniciennes, 50 % d’opératrices et 22 % d’ingénieures et cadres.

Auteur

  • MARIETTE KAMMERER