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FONCTION RH

Pratiques | publié le : 19.02.2013 | EMMANUEL FRANCK

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FONCTION RH

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

La France a jusqu’à la fin du mois de mars pour convaincre les pays membres de l’ISO du bien-fondé d’une norme internationale sur la gouvernance humaine. Si le projet aboutit, toute la fonction RH disposera d’une ambition commune et d’une légitimité accrue. Mais il reste encore à réaliser un gros travail de lobbying.

D’ici à deux ans, une norme internationale sur la “gouvernance humaine” devrait voir le jour. Elle est actuellement en cours d’élaboration dans le cadre de l’Organisation internationale de normalisation (ISO). Si le projet aboutit, la fonction ressources humaines sera naturellement chargée de la mettre en œuvre dans les entreprises. Du même coup, la profession sera dotée d’une ambition et d’outils communs, propres à renforcer sa légitimité vis-à-vis de la direction de l’entreprise. Le “DRH stratège”, souvent théorisé mais rarement constaté, deviendrait alors une réalité.

D’ici là, il reste du pain sur la planche. Depuis un an et demi environ, à raison d’une réunion générale en présentiel par an - la dernière à Melbourne au mois de septembre - et de multiples réunions intermédiaires, une vingtaine de pays participent activement au projet, et une vingtaine d’autres sont observateurs. En première ligne se trouvent la France, les États-Unis, les Pays-Bas et l’Australie. Chacun porte une thématique. La France est en charge de la “gouvernance humaine”. Les États-Unis des “modèles opérationnels”, des “pratiques RH”, de la “mesure” et du “coût du recrutement”. Les Pays-Bas travaillent sur la “terminologie” et “l’employabilité durable”. Et l’Australie s’occupe de communiquer sur le projet afin de mobiliser des experts dans les différents pays.

La gouvernance humaine est la clé de voûte de cet édifice en construction. « C’est la première fois que la France a le leadership sur une norme qui va s’imposer partout », commente Izy Béhar, président du comité technique français de la future norme et membre du bureau national de l’ANDRH.

Avec une vingtaine d’autres personnes (DRH, consultants, représentants des pouvoirs publics et des organisations syndicales et patronales), il travaille actuellement sur le contenu de la « gouvernance humaine ». Jusqu’à fin mars, son texte fera des allers-retours avec les autres pays. À l’issue de la consultation, on saura si le sujet est retenu.

Les Français tentent de faire valoir que « les conséquences humaines soient envisagées à chaque stade de la prise de décision dans l’entreprise ».

Izy Béhar, président du comité technique français.

Puis, en septembre 2013, une réunion plénière de l’“ISO TC 260 GRH” - intitulé du projet dans le jargon ISO -, permettra à chaque pays de faire le point sur l’avancement de son projet.

Il est déjà acquis que la norme ne sera pas d’application obligatoire. Son pouvoir reposera sur le fait « qu’il est particulièrement difficile de justifier qu’on ne suive pas une norme », explique Izy Béhar.

Ce que tentent de faire valoir les Français est que « les conséquences humaines soient envisagées à chaque stade de la prise de décision dans l’entreprise », explique Izy Béhar. « J’ai passé ma vie à appliquer des décisions que j’aurais pu anticiper », regrette l’ancien DRH d’Eutelsat, du CCF et de Japan Airlines, retraité depuis peu. Il milite pour que le DRH « intervienne en prévention et non en thérapie ». « La gouvernance humaine est une posture de la direction générale, qui élève les questions RH dans la hiérarchie des préoccupations de l’entreprise », complète Jean-Pierre Hulot, membre du comité technique français et administrateur du groupe IGS.

Proche de la RSE

Concrètement, « une norme sur la gouvernance humaine pourrait prévoir que l’entreprise réalise un document contenant des informations sociales, à l’image du bilan social français, ou encore qu’il y ait des administrateurs représentant les membres du personnel et/ou des DRH parmi les administrateurs élus par l’assemblée générale », illustre Damienne Verguin, autre membre du comité technique, par ailleurs en charge des études sur les relations sociales à la direction des relations sociales du groupe France Télécom.

Cette posture, proche de la RSE, séduira-t-elle les autres délégations ? « Ce serait une surprise que la consultation soit négative », commente Izy Béhar. « Je suis assez optimiste, déclare Jean-Pierre Hulot. Je vois mal les Américains faire machine arrière. »

Reste que, pour aboutir à un texte, il faut convaincre tout le monde, car, dans l’univers ISO, le consensus est de mise. Pour autant, « il ne faudrait pas aboutir à un texte dépourvu de contenu et donc d’intérêt », met en garde Damienne Verguin, qui estime qu’il faut parvenir à « un texte concret ». « Ne pas oublier de faire du lobbying, prévient de son côté Fatma Bensalem, chef de projet pour la future norme à l’Afnor. Cela ne sert à rien de travailler sur un texte avec lequel les autres ne seront pas d’accord ; nous ne sommes pas dans l’entre-soi d’une société savante. »

Or, qui dit lobby, dit activation de réseaux, mobilisation de moyens humains et recherche de financements. « Ce dont nous avons besoin, ce sont de gens de réseaux pour faire vivre l’idée », déclare Izy Béhar. Les pouvoirs publics ont apporté un soutien officieux « fort », dixit Izy Béhar, mais, dans l’état actuel des finances du pays, rien de sonnant et trébuchant.

« La dimension financière est un problème, admet Jean-Pierre Hulot. Ce n’est pas gratuit d’aller à Melbourne, et l’Afnor fait payer ses prestations. Quant aux entreprises, elles ne sont guère intéressées à entrer dans le tour de table », à ce stade. Elles ne sont pourtant pas avares lorsqu’il s’agit d’argumenter sur les bénéfices économiques de la RSE.

L’ESSENTIEL

1 Une norme ISO sur la “gouvernance humaine” dans les entreprises pourrait voir le jour d’ici à deux ans. L’enjeu est de mieux prendre en compte les conséquences d’une décision de l’entreprise sur les salariés.

2 Les DRH seraient chargés de la mettre en œuvre et se feraient ainsi davantage entendre des directions générales.

3 Le texte, défendu par l’ANDRH, est en cours de négociation.

Une idée américaine

À l’origine, en 2011, la norme ISO sur les ressources humaines est l’idée des Américains. Ces derniers la conçoivent comme « un moyen, pour les entreprises américaines ayant des filiales à l’étranger, de normaliser les processus », explique Izy Béhar, président du comité technique français de la future norme et membre du bureau national de l’ANDRH. Leur insistance à mesurer les coûts du recrutement provient d’une loi américaine qui impose le suivi de tout indicateur qui pèse plus de 3 % dans les charges de l’entreprise. Mais cette approche très gestionnaire et américano-centrée n’a pas tenu au-delà de la première réunion plénière de novembre 2011. Depuis, les Américains se sont rangés derrière l’approche plus qualitative défendue par les Français.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK