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Le doute et la vulnérabilité

Enjeux | LA CHRONIQUE DE MERYEM LE SAGET, CONSEIL EN ENTREPRISES À PARIS. <> | publié le : 19.02.2013 |

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Le doute et la vulnérabilité

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Nous avons construit le mythe du manager infaillible, superman, capable de “performer” en toutes circonstances. Entouré de collaborateurs du même acabit, motivés et compétents, il est paré pour tous les défis. Comme si la météo était sans cesse au beau fixe, sans intempéries, et même sans nuit, car un temps d’obscurité paraît comme une gêne au milieu de ce tableau parfait. Mais ce n’est pas la vie. Les parcours de chacun sont irréguliers, “bosselés”, on traverse régulièrement des phases d’incertitude.

Qui peut se targuer d’être en permanence en pleine forme, sans aucune baisse de régime, physique ou moral ? Quand le monde se transforme autour de soi, il y a bien sûr des jours où l’on se demande si son métier va être touché ou si l’on sera à la hauteur de ces nouveaux défis technologiques, économiques et sociaux. D’ailleurs, le doute ne se cantonne pas au seul registre professionnel. On craint de ne pas arriver à préserver son équilibre familial, de ne pas trouver sa place dans la vie, c’est-à-dire une place qui soit en accord avec ses aspirations profondes. Bref, on se sent fragile et on n’aime pas cela.

En fait, nous ne sommes pas encore habitués à accepter le doute et la fragilité. La vulnérabilité est pourtant l’essence même de notre particularité d’être humain. Vivre, c’est être animé d’émotions, et donc ressentir des sentiments et des états intérieurs, des doutes mais aussi des forces. Nous sommes bien loin de l’image “inoxydable” du héros moderne. Une présentation de Brené Brown sur TED, cette fantastique université du 21e siècle à la disposition de tous, s’est répandue de façon virale sur Internet : son thème était justement le pouvoir de la vulnérabilité. Et les plus fascinés par cette vidéo étaient souvent des hommes.

Peut-être a-t-on collectivement de fausses croyances sur la vulnérabilité : on va se sentir humilié, mis à nu devant les autres, découvert dans ses faiblesses. C’est un risque pour son image, pour l’intégrité de sa personne, pour son avenir. En fait, c’est faux. La vulnérabilité rapproche des autres, montre Brené Brown, développe l’empathie. Elle permet d’accéder au courage, à la force intérieure.

Il faut donc apprendre à faire la paix avec sa nature humaine profonde, au lieu de croire que la seule normalité acceptable est d’être lisse et “au contrôle” de la situation. Le doute présente beaucoup d’avantages : il permet de progresser, de laisser mûrir les réflexions ou les décisions au lieu de se précipiter. Il rend plus humble, car on n’a pas la réponse à tout. On est poussé à lâcher prise, à accepter que la vie n’obéisse pas à ses ordres. Ces périodes de “creux” sont comme des alternances permettant un renouvellement en profondeur. À l’image du pied que l’on relève de l’accélérateur afin de passer la vitesse supérieure en voiture.

Aux États-Unis, les investisseurs demandent aux jeunes entrepreneurs qu’ils envisagent d’accompagner financièrement s’ils ont déjà échoué. Si l’entrepreneur répond oui, c’est un plus. S’il répond non, c’est un risque. Pourquoi ? Parce que celui qui a déjà essuyé des échecs a connu des hauts et des bas, a traversé des doutes et, en fin de compte, a davantage appris de ses erreurs que celui qui a tout réussi.