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« Les entreprises appréhendent encore trop la pénibilité de façon défensive »

Enquête | publié le : 12.02.2013 | V. L.

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« Les entreprises appréhendent encore trop la pénibilité de façon défensive »

Crédit photo V. L.

E & C : Quel regard portez-vous sur la dynamique d’appropriation par les entreprises des exigences légales relatives à la pénibilité ?

L. B. : De nombreuses entreprises adoptent une réaction formelle au cadre législatif. C’est dommage, elles appréhendent encore la santé de manière défensive, dans un objectif de mise en conformité. Si elles avaient pris le sujet au regard de leurs réels enjeux, dans un contexte de vieillissement et d’allongement de la vie professionnelle, le dispositif pénibilité aurait eu davantage de sens. Pour une majorité d’entreprises, les enjeux se posent en termes de maintien en emploi, mais le fil conducteur des négociations reste la pénibilité. Point positif toutefois, les obligations relatives à la pénibilité ont créé une amorce et orienté les entreprises vers la formalisation d’actions concrètes, ce qui est intéressant, mais il aurait fallu aller plus loin. La prévention est un processus d’apprentissage dans la durée, pour lequel la participation des opérateurs et de l’encadrement s’impose. Les délais liés à ces négociations n’ayant pas permis un travail de fond, il aurait été pertinent d’élaborer des accords prévoyant des mesures qui touchent davantage au processus de prévention telles que la formation des membres du CHSCT, le recours à des appuis externes et à des expérimentations…

E & C : Comment se concrétisent les engagements des entreprises qui tentent d’intégrer la pénibilité dans une dimension plus stratégique ?

L. B. : Celles qui prennent de vrais engagements ont une posture plus proactive. Elles n’ont pas attendu l’obligation pour agir. Elles disposent d’un diagnostic approfondi des situations de pénibilité et des caractéristiques des personnels. Elles s’autorisent à définir la pénibilité en cohérence avec la réalité des situations de travail. C’est le cas d’une entreprise du logement social qui fait référence aux incivilités subies par les gardiens d’immeuble. Elles agissent dans la continuité en cherchant à mieux articuler leurs différents accords, en donnant un cadre plus politique à leur démarche. Par ailleurs, quand on regarde la palette des accords conclus sur le sujet, certains abordent les questions de compensation, d’autres s’intègrent dans un cadre plus vaste (qualité de vie ou santé au travail, par exemple), alors que le cadre réglementaire est très technique. Cela démontre que l’on ne peut pas nier l’importance du contexte de l’entreprise, son histoire, dans sa manière de prendre en compte la pénibilité.

E & C : Existe-t-il une différence d’approche entre les petites et les grandes entreprises ?

L. B. : Cela peut sembler paradoxal mais, d’après une étude en cours menée par l’Aract Poitou-Charentes, plus la taille des entreprises est grande – là où le dialogue social est potentiellement plus soutenu –, moins on observe d’accords ou de plans d’action. Outre la question du temps incompressible pour préparer les négociations, nous constatons que la question de la compensation est souvent sous-jacente. Et, dans les branches, elle éclipse celle de la prévention.

E & C : Au-delà de la formalisation d’accords ou de plans d’action relatifs à la pénibilité, les entreprises doivent rédiger des fiches individuelles d’exposition professionnelle. Sont-elles équipées pour ce travail ?

L. B. : L’usage de cette fiche n’a pas été clairement défini pour l’entreprise au-delà d’alimenter le dossier médical des salariés concernés. Peu d’entreprises font le lien entre la question de la traçabilité des expositions professionnelles et leur négociation ou la construction de leur plan d’action sur la pénibilité. Or les fiches individuelles peuvent être un outil très utile en prévention. Grâce à elles, l’entreprise dispose de données quantitatives qu’elle pourra suivre dans le temps et, idéalement, qui l’aideront à alimenter une réflexion de fond sur la construction de parcours professionnels favorables au maintien de salariés en bonne santé.

E & C : L’Anact a initié il y a un an un dispositif dénommé Tempo. En quoi a-t-il consisté et les entreprises ont-elles répondu à l’appel ?

L. B. : L’objectif était de créer un espace d’échanges dans les régions entre les entreprises représentées par un binôme paritaire, et de parvenir in fine à construire des plans d’action. Surtout, nous voulions les accompagner sur la traduction de différentes problématiques en adoptant des outillages convergents sur l’égalité professionnelle, les seniors et la pénibilité. Le dispositif Tempo, qui se poursuivra avec le contrat de génération, a bien fonctionné puisqu’environ 300 entreprises ont été accompagnées par les Aract.

Auteur

  • V. L.