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Royaume-UniæLE LIVING WAGE EN DÉBAT

Pratiques | International | publié le : 29.01.2013 | STÉPHANIE SALTI

Conçu en 2001, ce revenu permettant une existence décente est plus avantageux que le salaire minimum. Mais pas obligatoire. Il revient dans l’actualité et suscite le débat entre ses partisans et ses opposants, sur fond de crise économique. Peu d’entreprises l’ont adopté.

Verser ou pas une rémunération décente aux Britanniques est devenu depuis quelques mois l’un des axes de réflexion politique outre-Manche. Le living wage, à la différence du minimum wage – le salaire minimum introduit par le gouvernement travailliste de Tony Blair en 1999 –, est calculé selon le coût de la vie au Royaume-Uni. Il permet aux salariés de percevoir une rémunération leur assurant une vie décente.

Élaboré par The Greater London Authority, une administration chargée de la gestion du Grand Londres, en collaboration avec des chercheurs de l’université de Loughborough, cette forme de rémunération, revue régulièrement, atteint aujourd’hui 8,55 livres par heure dans la capitale et 7,45 livres à l’extérieur, contre 6,19 livres pour le salaire minimum. Son calcul, du moins pour Londres, repose sur l’élaboration d’un budget « à bas coûts, mais acceptable » pour 14 types de foyers dans la capitale.

Adapté aux coûts de la vie londonienne

L’idée n’est pas nouvelle et remonte à la deuxième révolution industrielle outre-Manche. Mais ce n’est qu’en 2001 que certaines associations communautaires dans l’est de Londres ont relancé l’idée de ce calcul de rémunération plus adapté aux coûts de la vie dans la capitale que le salaire minimum. Le living wage recueille, à l’heure actuelle, le soutien d’un certain nombre de leaders politiques, et en particulier celui de Boris Johnson, maire de Londres, ainsi que celui du leader du parti travailliste Ed Milliband. Le Premier ministre David Cameron a lui aussi remis au goût du jour cette initiative, affirmant en 2010 que « le temps était venu pour le living wage ».

Le retour de ce concept de salaire décent doit bien sûr beaucoup à la crise économique qui pèse sur les rémunérations au Royaume-Uni : selon les statistiques, une personne sur 5, soit 4,7 millions de citoyens, y est considérée comme un travailleur à faible salaire. Ce taux n’atteint rien moins que 69 % dans le secteur de l’hôtellerie et 41 % dans celui de la distribution. Ces deux secteurs ne comptent pourtant que très peu d’entreprises acquises à ce concept : seuls la chaîne de cosmétiques naturels Lush et huit hôtels londoniens dans le giron du groupe Intercontinental Hotels se sont engagés à offrir des contrats de living wage à leurs salariés.

Même frilosité pour l’ensemble de l’économie : à côté de neuf administrations publiques locales, de rares sociétés privées, dont KPMG, Deloitte, Linklaters, et le marché de l’assurance londonien Lloyd’s of London ont reçu le label “We are a living wage employer”, délivré par la Living Wage Foundation, en charge de dispenser ces accréditations. Des études récentes ont pourtant démontré les bénéfices de ce dispositif, dont auraient d’ores et déjà bénéficié 45 000 salariés à travers le Royaume-Uni depuis son introduction.

Pour Marc Constantine, directeur général de Lush, ses salariés sont tout simplement plus efficaces et capables d’un meilleur service s’ils ne sont pas obnubilés par la nécessité de savoir comment ils paieront leur loyer. En outre, l’adoption du living wage cadre avec la position éthique de l’enseigne, qui veille à proposer des cosmétiques à base de produits naturels et obtenus par la culture biologique.

Les Lloyd’s ont, eux, souhaité prendre en compte la situation spécifique des personnels d’entretien obligés de vivre dans le bassin londonien, où la vie est plus chère que dans le reste du pays ; 80 % des employeurs accrédités disent avoir constaté une amélioration moyenne du travail de leurs salariés et un recul de l’absentéisme de l’ordre de 25 %. Le ministère des Finances ferait aussi partie des grands bénéficiaires de cette initiative puisqu’elle lui permettrait d’économiser quelque 3,6 milliards de livres par an : le Trésor n’aurait plus à verser des allocations aux salariés les plus pauvres et ce processus permettrait aussi d’augmenter les recettes fiscales.

Les milieux d’affaires restent sceptiques

Afin de généraliser l’utilisation du living wage, la Resolution Foundation recommande d’ailleurs que tous les départements gouvernementaux et les autorités locales londoniennes s’engagent à rémunérer leurs salariés directs au minimum sur la base du living wage d’ici à avril 2015. De leur côté, les autorités publiques locales à l’extérieur de Londres sont vivement encouragées à produire des études d’impact sur ce sujet d’ici à la même date. Les milieux d’affaires restent cependant sceptiques. L’organisation en charge des chambres de commerce outre-Manche, le BCC, craint que l’obligation pour les entreprises de pratiquer le living wage finisse par amoindrir la compétitivité de l’économie britannique. Le sujet continue donc à faire débat.

Auteur

  • STÉPHANIE SALTI