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ET MAINTENANT, AUX PME D’AGIR

Enquête | publié le : 22.01.2013 | EMMANUEL FRANCK

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ET MAINTENANT, AUX PME D’AGIR

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

Les PME tardent à mettre en place des démarches en faveur de l’égalité professionnelle. Essentiellement par manque de temps, de moyens et d’informations. Le gouvernement veut leur faire prendre le train en marche en jouant la sanction et l’incitation.

Le précédent gouvernement avait réussi à entrouvrir les conseils d’administration aux femmes, l’actuel réussira-t-il à faire avancer les PME sur la voie de l’égalité professionnelle ? Depuis début janvier, le gouvernement a lancé un site Internet dédié à ce sujet, dont le contenu reste un peu succinct (www.ega-pro.fr). Les PME peuvent s’y renseigner sur leurs obligations en fonction de leur taille (lire l’encadré p. 22), vérifier si elles sont couvertes par un accord de branche (l’accord n’est toutefois pas accessible), connaître les aides financières auxquelles elles ont droit (pas toutes cependant) ou consulter des fiches conseil. Il manque encore des exemples de bonnes pratiques et quelques fiches, que l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) devrait bientôt fournir. « Cela va dans le bon sens : l’accès à l’information est un vrai souci pour les PME », déclare Rachel Silvera, chercheuse au Mage (Marché du travail et genre) du CNRS.

Le gouvernement s’est en outre engagé à envoyer un courrier « à toutes les entreprises de plus de 300 salariés » pour leur présenter le nouveau cadre juridique et les outils d’accompagnement mis à leur disposition. Il a également lancé un programme baptisé “Territoires d’excellence pour l’égalité professionnelle” dans neuf régions pilotes. « Il s’agit, à travers la signature de conventions tripartites – syndicats, organisations patronales et pouvoirs publics –, de mobiliser les acteurs territoriaux et d’aller rechercher des bonnes pratiques », explique François Fatoux, délégué général de l’Orse. « C’est bien de valoriser les bonnes pratiques, mais il faut également savoir sanctionner », commente, de son côté, Rachel Silvera.

Pas de sanction systématique

La question du contrôle est l’objet du deuxième volet du plan gouvernemental. Jusqu’à présent, l’administration du travail ne pouvait vérifier la conformité des entreprises (être couvertes par un accord ou un plan unilatéral, disposer d’un rapport de situation comparée) qu’à l’occasion d’une inspection. De ce fait, très peu d’entreprises ont été sanctionnées financièrement jusqu’à présent. Leur nombre se compterait sur les doigts d’une main. Mais, désormais, elles doivent déposer à l’inspection du travail leur plan en faveur de l’égalité professionnelle accompagné d’un procès-verbal attestant qu’elles ne sont pas parvenues à un accord. L’administration dispose donc de tout ce qu’il faut pour repérer les fautives.

Reste à savoir comment elle appliquera la sanction financière, qui peut atteindre 1 % de la masse salariale. « Chaque fois que la situation le justifiera », c’est-à-dire pour que le dispositif de sanction soit « crédible », déclare Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, dans l’interview qu’elle nous a accordée. Il n’y aura donc rien de systématique, mais certaines entreprises pourraient servir d’exemple. « Le gouvernement a manifestement la volonté de faire passer l’égalité professionnelle dans les faits, mais pas au point de sanctionner les entreprises, au risque de créer des tensions avec le Medef », analyse de son côté Rachel Silvera.

Peu d’actions concrètes

Cela suffira-t-il à faire avancer l’égalité professionnelle dans les PME ? Les difficultés se résument en quelques chiffres. Si l’on s’en tient aux écarts de salaire hommes-femmes, la situation dans les petites et moyennes entreprises n’est pas pire qu’ailleurs. La différence de salaire horaire est de 13 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés et de 15 % dans celles de 50 à 199 salariés, contre 14 % en moyenne (Dares 2012, sur les salaires 2009). Le problème est que les PME n’ont pas enclenché d’actions pour réduire ces écarts, contrairement aux grandes entreprises. Ainsi, 71 % des PME accordent de l’importance à l’égalité professionnelle, mais seulement 28 % ont mis en place une action concrète, selon une enquête d’Agefos-PME (1). Le rapport de situation comparé (RSC) n’a été mis en place que dans 25 % des entreprises de moins de 300 salariés (52 % dans les plus de 300) selon l’Apec (2). Tandis que 29 % des PME (de 50 à 149 salariés) sont couvertes par un accord d’entreprise sur l’égalité professionnelle (63 % des plus de 1 000 salariés).

Autrement dit, les PME sont convaincues de l’importance de l’égalité professionnelle, mais elles ont un problème de formalisation et de réalisation. Or la formalisation (RSC, plan, accord) n’est pas une option mais un préalable à toute mise en œuvre d’une démarche car, selon François Fatoux, « le RSC permet d’objectiver les choses ». C’est tout l’enjeu de la politique d’accompagnement et de sanctions du gouvernement. Citons à ce propos l’initiative de l’Apec “Agir durablement pour l’égalité professionnelle femme-homme”, grâce à laquelle des dirigeants de PME de 50 à 300 salariés se forment gratuitement à l’élaboration d’un RSC, d’un accord ou d’un plan. L’opération, lancée en 2011, doit se poursuivre en 2013. Restera ensuite la réalisation. Les freins sont connus : manque de temps, de moyens, d’informations, dictature du carnet de commandes. Des PME sont cependant parvenues à mettre en place des démarches intéressantes (lire p. 23 à 27) : Mondial Relay, qui sensibilise ses salariés aux stéréotypes grâce au théâtre et fait entièrement financer la formation par son Opca ; Maquet, signataire d’un accord d’égalité très complet comportant même une enveloppe de résorption des écarts de salaires (6 000 euros). L’hypermarché U de Mende, qui a réduit le temps partiel subi et les écarts de salaires entre salarié(e)s, avec l’aide de l’Anact, d’Opcalia et du Medef local. La menuiserie Atulam, qui a embauché trois femmes à des postes de production en profitant de la mécanisation des métiers.

Les points communs entre ces entreprises sont une relative prospérité et la présence, en leur sein, de quelques responsables convaincus que l’égalité professionnelle est un enjeu. Par ailleurs, plusieurs se sont fait aider par des institutions (Opca, Anact, Medef) auprès de qui elles ont trouvé conseils ou financements. « Les PME n’utilisent pas assez les aides à leur disposition », constate à ce sujet Rachel Silvera. D’aide, Christian Cortambert, alors dirigeant d’Allio, une petite entreprise d’aménagement urbain rachetée depuis, n’en a cependant pas trouvé lorsqu’il a embauché une femme conductrice d’engins (lire p. 26). Faute de quoi, cette dernière a dû se passer de toilettes séparées sur les chantiers. Et le patron faire sans sa salariée, lorsque la médecine du travail l’a arrêtée au tout début de sa grossesse. Aujourd’hui, celle-ci est toujours en poste, mais il n’y en aura sans doute pas d’autres.

Finalement, qu’a-t-il manqué à Christian Cortambert ? « Un guide de bonnes pratiques pour son secteur d’activité », répond François Fatoux. S’il avait disposé d’un tel document, ce chef d’entreprise aurait pu s’inspirer de ce qu’ont fait ses confrères sur la question des toilettes, et, surtout, anticiper la décision de la médecine du travail. « C’est là qu’on voit la limite de la politique territoriale adoptée par le gouvernement », estime le délégué général de l’Orse, qui plaide donc pour une approche par secteur.

(1) Baromètre annuel “Perspectives 2013”, décembre 2012, réalisé auprès de 506 dirigeants et RRH de TPE-PME (1 à 499 salariés).

(2) Enquête Apec, mai 2012.

L’ESSENTIEL

1 Le gouvernement a lancé en janvier un site dédié à l’égalité professionnelle : <www.ega-pro.fr>.

2 Après l’information vient la question du contrôle des entreprises pour vérifier qu’elles sont couvertes par un accord ou un plan et disposent d’un rapport de situation comparée.

3 Ces deux volets aideront peut-être les PME à mettre en place des actions concrètes. Elles sont peu nombreuses à l’avoir fait pour le moment.

Les obligations des PME

→ Pour les plus de 50 salariés

Être couvertes par un accord collectif ou par un plan unilatéral comportant des objectifs chiffrés en matière d’égalité professionnelle, sous peine d’une sanction financière. Les plans unilatéraux comme les accords doivent être déposés auprès des Direccte (décret du 18 décembre 2012). Obligation de réaliser un rapport de situation comparée simplifié pour les entreprises de 50 à 299 salariés (L. 2323-47 du Code du travail).

→ Pour les plus de 300 salariés

Obligation de négocier un accord collectif avant de mettre en place un plan unilatéral ; le défaut d’accord est attesté par un procès-verbal de désaccord (article 6 de la loi du 26 octobre 2012 sur les emplois d’avenir).

Obligation de réaliser un rapport de situation comparée (L 2323-57 du Code du travail).

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK