« Dès mes débuts dans le secteur des services à la personne, j’ai été confronté à des demandes discriminatoires de la part de nos clients. Nous étions démunis, nous n’avions pas d’arguments », confie Frédéric Réginard, directeur de L’Île Aux Services, qui emploie 110 salariés à Sète. De même que deux autres associations héraultaises, Tout pour la famille et Sesam 34, cette entreprise a ouvert ses portes à ISM Corum, un cabinet lyonnais spécialisé dans la mesure des discriminations, pour une étude sur les risques discriminatoires dans les services à la personne, en 2011-2012, à la demande de Pléiades Emploi Services, un satellite du conseil général de l’Hérault, et sur un financement du Fonds social européen. Au terme d’entretiens avec les dirigeants, les cadres intermédiaires et quinze employés des trois structures, ISM Corum a relevé de multiples traces de « traitements inégalitaires » en lien direct avec l’origine, mais aussi le sexe, l’âge, l’apparence physique… Et cela à tous les niveaux : de la part des clients, parfois ouvertement, mais aussi de façon plus insidieuse, masquée, lors des recrutements et de l’affectation des intervenantes à domicile.

L’enquête d’ISM Corum relève que, pour plusieurs raisons, le secteur des services à la personne est particulièrement exposé : l’employeur se trouve en position d’intermédiaire, travaillant dans l’urgence, entre des clients souvent fragiles, ayant un fort sentiment d’insécurité, et des salariées peu ou pas qualifiées, embauchées avant tout comme “femmes de ménage”. Dans le huis clos des domiciles, comme dans les relations avec des recruteurs qui travaillent vite et sans outil formalisé, règnent les stéréotypes : « pas d’Arabe », « pas d’homme », « plutôt une Portugaise »…

Comment éviter les discriminations ? Sous l’impulsion de son dirigeant, l’Île Aux Services s’est engagée dans une démarche de prévention. Premier axe : les relations avec les clients. « La responsable de secteur accompagne systématiquement l’intervenante chez le client pour la présenter. Cela permet de mettre en avant ses compétences », explique Frédéric Réginard.

À ce premier bouclier s’en ajoute désormais un second : la création d’un poste de responsable exploitation qualité, chargé d’évaluer les prestations. Là aussi, l’objectif est de valoriser les compétences et leur adéquation avec un cahier des charges précis. En plaçant la relation sur un terrain purement professionnel, il s’agit au final d’échapper aux considérations personnelles.

Deuxième axe : la gestion des ressources humaines. Chaque recrutement s’appuie sur une grille d’évaluation des curriculum vitæ qui récapitule les savoir-faire et les savoir-être. Le principe de non-discrimination, déjà affiché dans les cinq agences de L’Île Aux Services, sera également l’un des points abordés dans le livret d’accueil du salarié, que la responsable exploitation qualité a pour mission de rédiger en 2013.

Par ailleurs, L’Île Aux Services s’appuie toujours sur Pléiades Emploi Services, qui forme l’encadrement sur la question des discriminations. L’intérêt est d’être dans la légalité, d’éviter les contentieux, « mais aussi de revaloriser ces emplois d’aide à domicile, qui demandent en réalité beaucoup de compétences », estime Sandrine Argant, chargée d’études d’ISM Corum.