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UN DISPOSITIF DE FLEXIBILITÉ À VALORISER

Enquête | publié le : 15.01.2013 | ÉLODIE SARFATI

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UN DISPOSITIF DE FLEXIBILITÉ À VALORISER

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

Pour maintenir les emplois, au moins à court terme, le chômage partiel est une mesure particulièrement adaptée. Il reste néanmoins peu sollicité par les entreprises, qui peuvent pourtant mettre en œuvre des plans de formation ambitieux pendant ces périodes de sous-activité, et mieux préparer l’avenir.

C’est l’un des rares points qui n’a pas fait polémique dans la négociation sur la sécurisation de l’emploi : la refonte du système de chômage partiel en un régime unique et “simplifié” est souhaitée par l’ensemble des partenaires sociaux. En février 2012, ils avaient déjà cherché à rendre plus attractive l’activité partielle de longue durée (APLD, lire l’encadré p. 25). À mesure que le marché du travail se dégrade, les pouvoirs publics tentent de promouvoir le recours au chômage partiel comme outil de prévention des restructurations. Même en Allemagne, des mesures de relance du Kurzarbeit ont été prises récemment (lire p. 25). En France, les annonces se sont multipliées : les usines de Renault Trucks sont touchées depuis le mois de novembre. Chez Trigano VDL (fabrication de caravanes), près de 600 salariés ont été concernés fin 2012, et 150 chez Bosch à Vénissieux…

Toutefois, avec 11 millions d’heures consommées entre janvier et octobre 2012, l’usage de l’activité partielle reste en deçà des besoins, estime notamment Christian Janin, en charge de la sécurisation des parcours à la CFDT : « Je suis convaincu que des emplois auraient pu être sauvés cette année si l’activité partielle avait été davantage utilisée par les entreprises. »

Méconnaissance

Qu’est-ce qui coince ? Manque de lisibilité et méconnaissance des dispositifs sont souvent avancés. L’État a d’ailleurs lancé en novembre un « plan de mobilisation envers les entreprises et les réseaux de prescripteurs (Opca, CCI, organisations d’employeurs, branches professionnelles…) pour mieux faire connaître les dispositifs existants et l’assouplissement des procédures », explique Pierre Ramain, en charge de la sous-direction des mutations de l’emploi à la DGEFP.

Quant à l’APLD, elle ne semble pas avoir connu de développement tangible malgré la réforme de début 2012, d’après les premiers bilans tirés par le ministère du Travail en octobre. « Les entreprises peuvent être freinées par l’obligation de maintenir dans l’emploi les salariés en APLD pendant le double de la durée de la convention », avance Pierre Ramain.

Quelle que soit l’option retenue, le chômage partiel reste un outil ambivalent : « D’un côté cela nourrit les inquiétudes face à l’avenir, de l’autre, cela renforce la confiance des salariés envers l’entreprise, qui fait ce qu’il faut pour maintenir les emplois », résume Jean-Pierre Kiledjian, délégué syndical CFE-CGC à STMicroelectronics sur le site de Tours (lire p. 28).

Chez STX, le chômage partiel, qui a concerné 700 personnes en 2012 dans les bureaux d’études et les ateliers, aura permis de passer un creux important en attendant la commande, annoncée fin décembre, d’un paquebot à livrer en 2016. Le chômage partiel permet surtout à l’entreprise de maintenir les compétences en interne. « Nos métiers ne s’apprennent pas à l’école, relève Daniel Benassy, délégué CFDT de Trigano VDL. La direction fait beaucoup de formation lors des recrutements, c’est aussi intéressant pour elle de pouvoir utiliser le chômage partiel au lieu de licencier. »

Effets pervers

Reste que cet outil comporte aussi des risques de démotivation. « En 2009, nous avions connu des périodes de chômage partiel classique indemnisées à 60 % du salaire brut, et les salariés en avaient beaucoup souffert », témoigne Pierre Rabel, délégué CFDT à Segula Technologies (lire p. 27), où les syndicats ont poussé leur direction à conclure une convention APLD. Mais celle-ci n’est pas non plus exempte d’effets pervers, souligne Jérôme Tertrais, DRH de Manitou, qui l’a utilisée en 2009 : « Rémunérer longtemps des périodes de chômage à 95 % du salaire n’est pas forcément très vertueux. Quand on reste chez soi avec quasiment tout son salaire, que l’on économise des frais de garde, de transport, c’est compliqué de revenir travailler à 5 heures du matin pour gagner 5 % de salaire en plus. »

Chez Renault, les accords d’entreprise qui assurent aux salariés en chômage partiel 85 % de leur salaire freinent les mobilités intersites que le constructeur veut développer pour résorber le sureffectif de ses sites de Douai et de Sandouville, où se multiplient les périodes chômées, analyse Dominique Chauvin, délégué syndical central CFE-CGC.

Plutôt que le chômage partiel, les entreprises préfèrent donc recourir à d’autres méthodes de flexibilité. Chez Michelin, « un ouvrier sur quatre a été concerné par le chômage partiel en 2012, pour une durée moyenne de cinq jours, soit 2,5 % du temps de travail, indique Stéphane Roy de Lachaise, directeur du service du personnel en France. Or, le volume de production a baissé de 20 % en 2012. Nous avons utilisé le chômage partiel en dernier recours ». Annualisation du temps de travail, non-renouvellement des contrats courts, utilisation des périodes creuses pour réaliser des travaux de maintenance ou des formations à la sécurité et à l’organisation du travail : telles sont les mesures “classiques” qu’a d’abord prises le groupe industriel. Cette année, Michelin a utilisé deux autres leviers : des détachements temporaires, notamment de l’usine de La Roche-sur-Yon vers celle de Cholet, et un accord de modulation signé à Épinal. « En cas de baisse d’activité, l’entreprise maintient le salaire à 100 % pendant quinze jours par an au maximum, puis le salarié “rend” ces jours, à hauteur de 75 %, quand l’activité reprend. Ce système est plus avantageux financièrement pour les salariés, même avec une convention APLD », estime-t-il.

La concurrence entre les dispositifs de flexibilité interne se joue aussi dans les négociations interprofessionnelles. FO et CGT ont souvent justifié leur hostilité aux accords de compétitivité par la possibilité de recourir au chômage partiel pour surmonter des difficultés conjoncturelles.

Mais, pour le rendre plus efficace, les syndicats insistent aussi sur l’enjeu de la formation à dispenser durant ces périodes d’incertitude. Pour refondre le dispositif d’activité partielle, la CFDT propose par exemple d’introduire l’obligation pour l’entreprise de négocier un plan de formation au cours des deux premiers mois. Dans un rapport publié en juin, l’Igas avait également recommandé de développer le dialogue social « à froid » autour du chômage partiel, notamment pour « anticiper les actions de formation ». Elle proposait aussi de les rendre « systématiques » pour les salariés appartenant à des filières en crise ou en déclin structurel.

Pour l’heure, les entreprises ont du mal à former pendant les temps d’activité partielle. « Dans une PME, c’est compliqué d’organiser des formations pour quelques salariés au chômage partiel quelques heures dans la semaine », relève Bruno Clément-Ziza, chef de cabinet de la Direccte Nord-Pas-de-Calais. De plus, ces temps de formation sont rémunérés à 100 %. Quant au type de formation dispensée, « il s’agit plus souvent d’adaptation au poste de travail que de formations qualifiantes, qui demandent d’avoir plus de temps », ajoute Pierre Ramain, de la DGEFP. La CFDT plaide pour que les branches et les territoires « organisent des modules formation sur des compétences transférables de 70 heures maximum, de façon à être utilisables par les entreprises sans délai, comme cela se fait dans la métallurgie », ajoute Christian Janin.

Mobilisation des fonds de formation

En 2009, Manitou a ainsi mis en place des CQP de quinze jours pour 750 opérateurs durant les périodes de sous-activité : « Cela nous a permis de remonter la qualité de nos produits au moment de la reprise », se souvient Jérôme Tertrais. Ces formations ont été prises en charge dans le cadre d’une charte d’engagement passée à l’époque par les partenaires sociaux des Pays de la Loire avec l’État, la région et les Opca. Il s’agissait de mobiliser les différents fonds de formation (Edec, FNE, fonds paritaires, etc.) « de façon coordonnée, pour apporter une réponse rapide et efficace aux entreprises, et notamment aux PME-TPE, qui déposaient des dossiers de chômage partiel, et les inciter à former leurs salariés à la place », relate Stéphane Lepron, coordinateur régional pour la formation professionnelle au Medef Pays de la Loire. Entre mai 2009 et décembre 2010, 934 000 heures de formation ont été organisées pour plus de 5 600 salariés, pour un total de près de 30 millions d’euros. Et, en juin 2011, un volet « offensif » destiné aux entreprises en mutation est venu compléter ce texte pour les aider à adapter les compétences de leurs salariés à de nouvelles activités. Sans attendre qu’elles soient face à des difficultés qui les amènent vers l’activité partielle.

L’ESSENTIEL

1 Le système de chômage partiel devrait faire l’objet d’une refonte en 2013 pour être plus attractif pour les entreprises.

2 Celles-ci lui préfèrent souvent d’autres dispositifs de flexibilité qu’elles jugent moins démotivants.

3 Néanmoins, certaines entreprises mettent à profit ces périodes pour organiser des formations et adapter les compétences des salariés.

Le chômage partiel en chiffres

D’après l’OCDE, le chômage partiel a permis, pendant la crise de 2008-2009, de sauver 18 000 emplois en France, bien moins qu’en Allemagne (220 000), en Italie (124 000) ou en Belgique (43 000).

Après le pic de consommation en 2009 (87,5 millions d’heures), le nombre d’heures chômées est descendu à 28 millions en 2010, puis s’est “stabilisé” à 12 millions en 2011, d’après la Dares. En moyenne, il a concerné, en 2011, 34 000 salariés par mois, contre 83 000 en 2010 et 229 000 en 2009.

75 % des heures de chômage partiel concernent l’industrie et un tiers sont consommées par le seul secteur automobile. Plus de la moitié sont consommées par des entreprises de plus de 250 salariés.

Entre fin 2009 et 2011, 54 % des heures éligibles à l’APLD ont été consommées dans ce cadre.

UN ACCORD POUR RENFORCER L’APLD

En février 2012, un avenant à la convention État-Unédic a revu les conditions de prise en charge de l’APLD. Ainsi, l’Unédic participe au financement dès la première heure, à hauteur de 2,90 euros par heure chômée, qui s’ajoutent à l’allocation versée par l’État (4,33 ou 4,84 euros selon la taille de l’entreprise,). Le salarié en APLD perçoit 75 % de son salaire brut, au lieu de 60 % en chômage partiel “classique”.

La durée minimale des conventions APLD a également été abaissée à deux mois au lieu de trois ; cette mesure expérimentale a été prolongée jusqu’à fin mars 2013.

L’employeur qui conclut une convention APLD ne peut pas licencier les salariés concernés pour motif économique pendant une durée double de celle de la convention. Il doit proposer aux salariés concernés un entretien individuel en vue notamment d’examiner les formations pouvant être organisées dans ce cadre. À la demande des partenaires sociaux, le décret du 7 février 2012 a permis d’organiser tout type de formations pendant les périodes chômées, sans perte de salaire.

En mai 2012, une circulaire de la DGEFP a fait de l’APLD le régime de droit commun du chômage partiel, prévoyant qu’elle soit « systématiquement privilégiée ».

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI