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Enquête

« Le chômage partiel doit pousser à repenser son organisation »

Enquête | publié le : 15.01.2013 | ÉLODIE SARFATI

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« Le chômage partiel doit pousser à repenser son organisation »

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

E & C : Dans une note d’analyse*, vous soulignez que le chômage partiel peut, dans certains cas, « entraver les ajustements structurels de l’économie et de l’emploi ». Que voulez-vous dire ?

J.-P. N. : Le dispositif du chômage partiel est pleinement efficace pour faire face à un ralentissement temporaire de l’activité, car il permet aux entreprises de préserver les compétences sachant qu’elles seront réutilisées après. Pendant la crise de 2008-2009, il a fait partie des mesures d’ajustement par la réduction des heures de travail que les entreprises, par exemple en France ou en Allemagne, ont mobilisées. Elles ont accepté de perdre en compétitivité quand, dans d’autres pays, on a fait le choix de licencier massivement.

Mais l’on peut s’interroger sur l’efficacité du chômage partiel en cas de crise structurelle. Le risque est de maintenir sous perfusion des entreprises qui ne répondent plus à la demande, ont des modes de production inadaptés et finissent de toute façon par péricliter. Ce qui peut se traduire, pour les salariés, par une perte de qualification et donc d’employabilité lorsqu’ils sont, in fine, licenciés.

E & C : Dès lors, le chômage partiel est-il une réponse adaptée à la situation économique que nous traversons aujourd’hui ?

J.-P. N. : Dans le scénario de décroissance lente que nous connaissons, la question se pose. Toutefois, je pense qu’il reste un outil utile, car remettre des salariés sur le marché du travail dans un contexte de chômage de masse les expose à un risque élevé de chômage de longue durée et de perte d’employabilité. Dans ces conditions, il est opportun de maintenir les salariés en emploi, à condition de faire un effort pour mettre à niveau leurs compétences. Le lien avec la formation est donc essentiel, quand bien même l’outil de production sera restructuré au bout du compte. Mais au-delà de la formation, c’est à une réflexion sur son organisation que ces périodes devraient mener, surtout dans les PME.

E & C : De quelle façon ?

J.-P. N. : Le manque de compétitivité d’une entreprise est souvent dû à des déficits d’organisation qui ne lui permettent pas de répondre de manière optimale au marché. Les PME n’ont en général pas le temps, et ce n’est pas dans leur culture, de se poser ces questions. Le chômage partiel devrait être l’opportunité pour repenser son fonctionnement et redéfinir ses métiers. On pourrait inciter l’entreprise, au moment du dépôt de son dossier de chômage partiel, à avoir une réflexion sur sa stratégie, ce qui permettrait, aussi, de déterminer les formations les plus pertinentes.

E & C : Le chômage partiel est-il complémentaire ou concurrent des autres dispositifs de flexibilité interne ?

J.-P. N. : Complémentaire, d’autant qu’il est surtout adapté aux grandes entreprises du secteur industriel. Les entreprises de service l’utilisent peu, car il leur est plus difficile de catégoriser les emplois suspendus. Dans les PME, le fait d’avoir à consentir des avances de trésorerie est un frein majeur.

Pour autant, il n’y a pas tant d’outils de flexibilité qui soient aussi souples. Certes, en Allemagne, les entreprises ont bien plus massivement utilisé les comptes épargne-temps, dont le solde était alors très élevé. Mais elles sont allées au bout et n’avaient plus de marge de manœuvre à la fin de la crise. C’est un outil utile, mais limité, qui n’a de sens qu’en pluriannuel. Le chômage partiel est davantage « tout terrain » : il permet de s’ajuster sur des cycles courts ou longs.

* “L’ajustement de l’emploi pendant la crise”, coauteure Christel Gilles, Note d’analyse du CAS, septembre 2012.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI