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Sodimedical, Metaleurop : la mère, la fille et les coemployeurs…

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 15.01.2013 |

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Sodimedical, Metaleurop : la mère, la fille et les coemployeurs…

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Une société mère peut-elle abandonner sa filiale et la laisser supporter seule les conséquences d’un licenciement collectif ? C’est la question qui s’est à nouveau posée dans deux affaires à propos desquelles les juges ont décidé que les lois de la filiation imposent à la société mère un devoir d’assistance et de secours au profit des salariés concernés…

La mère privant sa fille de toute autonomie doit être condamnée à fournir du travail aux salariés de sa fille et à payer leurs salaires. C’est ce qu’a jugé la cour d’appel de Reims, le 11 juillet 2012, dans l’affaire Sodimedical. En 2010, la SARL Sodimedical a mis en place une procédure de licenciement collectif. Des contentieux successifs seront intentés pour des motifs variés, mêlant griefs de procédure, critiques du PSE et nullité pour défaut de motif économique. Fin 2010, le plan semble définitivement bloqué sur ce terrain.

Certains salariés décident alors d’assigner la société mère de leur employeur, Lohmann & Rauscher GmbH & Co KG. Le conseil de prud’hommes, puis la cour d’appel de Reims ont reconnu la société mère allemande coemployeur et l’ont condamnée à fournir du travail aux salariés et à payer leurs salaires. Les juges ont notamment relevé que le rapport de l’expert du comité d’entreprise avait conclu que, « de toute évidence, l’arrêt de l’activité de Sodimedical fait suite à une décision du groupe bien pesée, la chute de l’activité étant bien trop brutale pour être attribuée au contexte général de crise et aux difficultés du secteur… ». Ils se sont aussi fondés sur le rapport du juge-commissaire expliquant que depuis deux ans, Sodimédical n’avait pour client unique que Lohmann & Rauscher, que sa comptabilité et ses budgets étaient également gérés par Lohmann & Rauscher. Selon eux, « ces documents justifient d’une apparence de confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre la société mère allemande […] et la société Sodimedical, qui ne disposait d’aucune autonomie », de sorte que la société mère doit être condamnée à fournir aux salariés la prestation de travail conformément au contrat de travail et ce sous astreinte, à payer les rappels de salaires et à reprendre le paiement de ceux-ci.

Et cette responsabilité de la mère à l’égard des salariés de sa fille perdure au-delà de la rupture du contrat de travail… De son côté, la Cour de cassation vient de juger que la société Metaleurop SA devait être reconnue coemployeur des salariés de sa filiale Métaleurop Nord et l’a condamnée à indemniser les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse.

Après avoir constaté la communauté d’intérêts et d’activités résultant de l’appartenance à un même groupe, les juges ont considéré qu’il existait, au-delà, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre les deux sociétés, qui se manifeste notamment par une immixtion directe de la mère dans la gestion du personnel de sa filiale, sans qu’il soit nécessaire de constater l’existence d’un rapport de subordination individuel de chacun des salariés de la société Metaleurop Nord à l’égard de la société mère (Cass. Soc. 12 septembre 2012, n° 11-12343).

Le licenciement décidé et prononcé par l’un des coemployeurs mettant fin au contrat de travail, chacun des coemployeurs doit en supporter les conséquences et indemniser les salariés licenciés, peu important que leur qualité de coemployeur n’ait été reconnue qu’après les licenciements.

Ainsi, au nom de la filiation, les juges retiennent une conception particulièrement large de la notion de coemploi, laissant de côté le critère essentiel du lien de subordination. Si certains ont pu saluer cette évolution permettant de sanctionner les groupes provoquant volontairement la fermeture d’une filiale, elle n’en demeure pas moins discutable par sa généralité. D’autres voies, telles que la responsabilité délictuelle, auraient sans doute permis de sanctionner les agissements critiquables de quelques sociétés mères, en évitant un tel forçage du concept de coemploi au péril de l’ensemble des groupes de sociétés.

Caroline Froger-Michon, avocate à CMS Francis Lefebvre, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.