Le communisme, le consulting, la psychanalyse… ont eu le leur. Cette fois, ce sont les DRH qui font l’objet d’un “livre noir”. Jaquette noire, comme il se doit, et grosses lettres rouges en couverture : DRH, le livre noir, au-delà des intentions bien compréhensibles dd Seuil d’en faire un “coup” éditorial, a-t-il de quoi faire trembler toute une profession ? « L’objectif assumé est de provoquer le débat et de susciter une réaction », selon l’auteur, Jean-François Amadieu, professeur de GRH à l’université Paris 1-Panthéon Sorbonne, spécialiste des questions de discrimination et promoteur du testing à l’embauche.

Il veut en particulier « sonner l’alarme des pouvoirs publics et des professionnels des RH, ANDRH en tête », sur des pratiques comme l’usage de la graphologie – honorée d’une norme Afnor du recrutement –, la certification de coachs aux méthodes ésotériques, le piston, toujours présent, mais mieux considéré aujourd’hui sous les apparences modernes de l’effet réseau.

Est ainsi passée au crible une série d’aberrations qui gangrènent le monde du travail, faisant des entreprises des lieux de discriminations à l’embauche et à la progression de carrière, d’inéquité en matière de rémunérations, ainsi que de stress et de souffrance. L’ouvrage présente, souvent en nommant les personnes et les entreprises concernées – le plus souvent des prestataires de services en ressources humaines –, la somme des dérapages, techniques employées à mauvais escient, effets de mode managériaux auxquels sacrifient les directions d’entreprise.

De fait, le livre ne se veut pas un réquisitoire contre les DRH. Mais, tout en soulignant « l’action courageuse » ou « la lucidité » de certains, il stigmatise l’impuissance de la plupart.

Compilant essentiellement des résultats d’études statistiques, universitaires ou de recherche, sous une forme vivante et accessible, il en apprendra sans doute peu aux professionnels des RH, mais vise à une prise de conscience plus générale.

Analyse, ci-contre, des principaux maux du management des ressources humaines, selon l’auteur. Et réponse d’un DRH.

E & C : Comment réagissez-vous à ce livre noir sur la fonction RH ?

J.-C. S. : Je ferais une distinction entre la forme et son contenu. Il est sûrement possible de titrer “livre noir” sur toute une série de métiers. Mais c’est le fond qui importe. En l’occurrence, l’analyse de Jean-François Amadieu me paraît pertinente dans certains domaines, mais elle n’embrasse pas l’ensemble du métier des ressources humaines – l’auteur est d’abord un spécialiste des questions de recrutement – et elle me paraît un peu datée sur certains points. Par exemple, la question de la graphologie ne se pose plus vraiment : plus personne n’écrit à la main ; la lettre manuscrite n’est plus demandée aux candidats. Il s’agit donc d’une pratique éteinte ou en voie d’extinction.

Par ailleurs, certaines statistiques ou études mentionnées sont un peu anciennes et, de ce fait, ne prennent pas en compte les évolutions rapides de la fonction RH, qui continue de se professionnaliser. Sur les rémunérations, par exemple, il met en cause les méthodes d’évaluation des salaires par poste ; mais il faut évoquer tout l’effort d’objectivation des critères de performance, domaine dans lequel les entreprises ont avancé.

E & C :N'y a-t-il pas pour les DRH un avertissement à entendre dans cet ouvrage ?

J.-C. S. : Bien sûr. Il est sain que la fonction RH soit “challengée” par des chercheurs ou des universitaires. Il y a de vrais sujets dans cet ouvrage à prendre très au sérieux. La discrimination à l’embauche reste une question prégnante, en particulier la discrimination ethnique. À cet égard, Jean-François Amadieu revient sur les avantages du CV anonyme, et je pense qu’il a raison de regretter son abandon.