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Deux accords pour allonger le temps de travail

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 08.01.2013 | PASCALE BRAUN

En 2007, l’usine de pneus Continental de Sarreguemines adoptait par référendum le passage aux 40 heures pour conforter le site. Depuis, la direction a investi massivement et recruté 550 salariés. Signé en 2010, l’accord Cap 2014 a confirmé l’augmentation du temps de travail pour absorber une partie de la production de l’usine fermée à Clairoix.

Le donnant-donnant peut paraître probant. Cinq ans après avoir accepté de renoncer aux 35 heures, les salariés de l’usine de pneus Continental de Sarreguemines (en Moselle) ont obtenu des garanties quant à la pérennité du site. Sur cette période, l’effectif a atteint 1 880 salariés, dont 200 nouvelles recrues et 350 intérimaires. L’usine a engagé 130 millions d’euros et augmenté de 40 % sa surface de production. Mais la fermeture de l’usine Continental de Clairoix, dans l’Oise, en 2009, et les nouvelles ambitions du groupe en termes de productivité, ont joué au moins autant que les augmentations de temps de travail dans cette relance industrielle.

Un vote massif très médiatisé

En décembre 2007, les salariés mosellans, alors au nombre de 1 400, avaient opéré un choix très médiatisé en votant à 75 % des voix pour le retour aux 40 heures. Continental Sarreguemines constituait alors la dernière usine française de production de pneumatiques du groupe allemand à ne pas encore avoir franchi le pas. Le site de Clairoix, dans l’Oise, avait consenti cet effort quelques mois auparavant.

En Moselle, l’augmentation du temps de travail paraissait constituer la seule réponse possible aux nouveaux impératifs de production, que la direction fixait alors à 200 000 pneus supplémentaires par an, portant la production quotidienne à 22 000.

Représentatifs de 80 % du personnel, les syndicats CFTC, CFDT, CFE-CGC, CGT et FO, qui n’avaient pas donné de consigne de vote lors du référendum, ont négocié des compensations jugées plus favorables que celles obtenues à Clairoix. Largement détaillé par la direction lors de la campagne en faveur du retour aux 40 heures, l’accord prévoyait 60 embauches en CDD dès sa signature, 6 % d’augmentation de salaire et 10 millions d’euros d’investissements immédiats consacrés pour partie à des améliorations de l’ergonomie des postes de travail. Les négociations avaient intégré un avenant sur la pénibilité permettant aux salariés âgés de plus de 55 ans de rester aux 35 heures - moyennant la renonciation aux augmentations salariales.

Signé par toutes les organisations syndicales, à l’exception de FO, moins d’une semaine après la consultation, l’accord mis en application au 1er janvier 2008 prévoyait sept jours supplémentaires de travail par an pour les ouvriers en travail posté, la suppression de trois jours fériés pour les équipes VSD (vendredi-samedi-dimanche) et un allongement de 15 à 30 minutes par jour pour les employés.

Mais ces mesures n’ont pas résisté à la tourmente industrielle de mi-2008. En mars 2009, l’usine de Clairoix fermait ses portes en dépit d’une intense mobilisation syndicale. En Moselle, le site est revenu aux 35 heures durant plus d’une année. Confrontée à une chute de l’activité, l’usine de Sarreguemines a peut-être dû son salut à l’arrêt de la production dans l’Oise. Le transfert d’une partie de l’activité vers la Moselle a conduit la direction à présenter un nouvel objectif de 34 000 pneus par jour.

Intégrée dans le cadre du projet Cap 2014, cette nouvelle réorganisation a donné lieu à un an de négociations serrées, ponctuées de mouvements sociaux. Début 2010, les salariés ont accepté par référendum - à 60 % cette fois - une variante des 35 heures assortie de 121 heures supplémentaires annuelles. Le recul de l’adhésion traduisait en bonne partie la défiance des salariés vis-à-vis du groupe à la suite de la fermeture de Clairoix, dont le retour aux 40 heures devait assurer le maintien. « Dans un premier temps, le projet Cap 2014 a été très mal accueilli. Il était vécu comme un accord gagnant-perdant où les heures supplémentaires n’auraient pas été compensées. Il a fallu un réel rapport de force et une grande capacité de négociation pour le faire évoluer », témoigne Christian Eyen, secrétaire CFTC du comité central d’entreprise et du CHSTC de Continental Sarreguemines.

Promesses tenues, voire dépassées

Les promesses de la direction ont été tenues, voire dépassées, avec 200 embauches contre une centaine annoncées et un investissement de 130 millions d’euros contre 100 prévus. Dans le nouvel accord, les salariés ont obtenu des augmentations salariales moyennes de 5 % par an, un plafonnement de l’intéressement à 4 500 euros contre 2 000 euros précédemment, assorti d’une clause de garantie de 1 084 euros par an. Le cas des seniors a fait l’objet d’un avenant augmentant le nombre de jours de congés après 55 ans. La direction a consacré 800 000 euros à l’amélioration des conditions de travail.

La nouvelle organisation s’est également traduite par une difficile refonte des plannings à la production. Lourd de répercussions sur la vie de famille, le système obligeant certains salariés à travailler durant deux jours ouvrables et deux jours le week-end s’est révélé intenable. Il a également affecté l’organisation des équipes et la productivité. En 2012, syndicats et direction sont revenus d’un commun accord à l’organisation antérieure en équipes. Ces difficultés, conjuguées à des problèmes de logistique, ont retardé l’accomplissement des objectifs industriels. L’usine a produit en 2012 une moyenne de 33 000 pneus par jour. En janvier, ce rythme devrait même baisser, cette fois pour cause de ralentissement conjoncturel.

Auteur

  • PASCALE BRAUN