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Enquête

LE MANAGER DE PROXIMITÉ, ACTEUR DE LA DÉMARCHE QVT

Enquête | publié le : 08.01.2013 | AURORE DOHY

À l’opposé d’une logique de reporting, la SNCF entend notamment améliorer la qualité de vie au travail en favorisant l’expression et le débat des équipes sur le travail lui-même.

« Axe stratégique de l’entreprise pour atteindre une performance globale et durable », selon la formule employée par Guillaume Pépy, le président de la SNCF, devant les dirigeants de l’entreprise réunis à Cannes en septembre dernier, la notion de qualité de vie au travail (QVT) a été pour la première fois prise en compte par le groupe en 2009. « Incités par l’État à engager des négociations sur le stress suite à la vague de suicides survenus à France Télécom, nous avons orienté nos réflexions sur l’amélioration de la QVT, approche constructive, répondant à la fois à de fortes attentes de la part des salariés, incluant la prévention des risques psychosociaux et permettant davantage d’anticipation sur les transformations de l’entreprise », explique Pierre Delanoue, le responsable du programme Mieux vivre au travail à la SNCF.

Initiées fin 2009, les négociations n’ont cependant pas permis d’aboutir à un accord. Un document de référence a néanmoins été mis au point par l’entreprise comme socle de la politique à venir et diffusé à partir de mars 2010. Reprenant les six indicateurs* de la QVT définis par l’Anact, avec laquelle la SNCF signe dans la foulée une convention de partenariat, il énonce onze mesures, parmi lesquelles l’amélioration du soutien à la hiérarchie de proximité, le renforcement du rôle des CHSCT ou encore l’engagement de l’entreprise à présenter aux IRP chaque projet de réorganisation. En parallèle, un observatoire paritaire des conditions de vie au travail, chargé de constituer des groupes de réflexion - éventuellement assistés par des intervenants extérieurs - sur des questions jugées prioritaires et de formuler des recommandations est également mis sur pied, toujours avec le soutien de l’Anact. Des travaux sont actuellement en cours sur les questions de l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, du rôle du CHSCT ou encore de l’évolution des missions des managers de proximité.

« De par son activité, la SNCF s’était dotée de longue date de dispositifs de prévention spécifiques tels qu’un soutien psychologique pour les agents victimes d’un stress post-traumatique lié à un suicide sur les voies ou un suivi médical renforcé en raison des conditions spécifiques d’exploitation du service public, horaires décalés ou aux missions de sécurité, etc. L’approche QVT a progressivement permis d’apporter un regard plus organisationnel sur les questions de prévention et de santé au travail. » Et les managers de proximité sont la pierre angulaire de la politique QVT de la SNCF. « La question centrale peut être résumée ainsi : les encadrants ne passent-ils pas aujourd’hui plus de temps à “manager” le système, notamment via la multitude de reportings auxquels ils sont astreints, plutôt que leurs propres équipes ? », interroge Pierre Delanoue.

Afin de permettre aux collectifs de travail, même les plus petits, de débattre à nouveau de leur travail dans une période de fortes transformations de l’entreprise, selon les recommandations du psychologue du travail Yves Clot, la SNCF a formalisé un outil de diagnostic d’équipe. Ces réunions, animées par un consultant interne, mettent en présence l’ensemble des membres du collectif, leur encadrant, un membre du CHSCT et le médecin du travail.

Ils permettent à chacun d’exprimer son ressenti sur l’organisation du travail au niveau local, les relations sociales, les éventuelles difficultés, et doivent aboutir à un plan d’action.

Vers un accord d’entreprise ?

Depuis mars 2010, plusieurs centaines de diagnostics ont été conduits, mais la SNCF n’ayant pas souhaité imposer un reporting supplémentaire aux managers, il n’est pas possible d’en connaître le nombre exact. « Il était temps en effet de reconnaître que les encadrants de proximité sont aujourd’hui la population la plus exposée de l’entreprise, et de renforcer les soutiens à leur intention, souligne de son côté Patrice Préteux, secrétaire fédéral de l’Unsa-Cheminots. S’il est encore difficile d’en percevoir les effets concrets, l’approche QVT de la SNCF va néanmoins dans le bon sens, en particulier grâce à l’impulsion donnée par l’observatoire et par l’Anact. »

La prochaine étape sera-t-elle celle d’un accord d’entreprise en bonne et due forme ? Trois ans après l’échec de la première négociation, les partenaires sociaux du groupe se sont récemment réinstallés autour de la table. Un accord pourrait être signé d’ici au printemps prochain.

* Qualité des relations sociales et de travail, qualité du contenu du travail, qualité de l’environnement physique du travail, qualité de l’organisation du travail, possibilités de réalisation et de développement professionnel, conciliation entre vie au travail et vie hors travail.

SNCF

• Activité : transport ferroviaire.

• Effectif : 245 000 salariés.

• Chiffre d’affaires 2011 : 32,6 milliards d’euros.

Une grille d’analyse de l’impact humain des changements chez Areva

Après un an de travail préalable - notamment avec l’Anact et au sein de groupes régionaux réunissant les RH, les partenaires sociaux, les responsables santé, et les managers - et un an de négociation, la direction d’Areva a signé, le 31 mai 2012, avec la CFDT, FO et l’Unsa-Spaen, un accord sur le développement de la qualité de vie au travail (QVT).

L’accord comporte notamment* un chapitre entièrement dédié à « la prise en compte de l’évolution des organisations ». Areva prévoit, lorsqu’un projet implique « un aménagement important et significatif des conditions de travail des salariés », l’utilisation d’un référentiel commun à toutes les entités du groupe afin d’évaluer l’impact humain des évolutions d’organisation.

« Un de nos établissements - celui de La Hague - avait testé cette grille avec son CHSCT, rappelle Philippe Thurat, directeur diversité et de l’égalité des chances, en charge du développement de la QVT. L’idée est que le chef de projet portant le changement remplisse la grille avec d’autres membres du groupe de travail, les RH, le médecin du travail et le responsable sécurité. »

Cette analyse est réalisée à travers 24 facteurs de risque tels que la clarté des rôles, la justice organisationnelle, la latitude décisionnelle, le souci du bien-être, le contrôle et la prévisibilité de la charge, la conciliation vie professionnelle-vie personnelle, le soutien des supérieurs, etc. Un code couleur est attribué à cette évaluation, vert s’il n’y a pas de risque identifié, orange s’il y a un risque identifié mais qu’une action peut être engagée sans empêcher la mise en place du projet, rouge, si l’action doit être engagée avant le processus de changement.

Le document est validé avec l’avis du médecin du travail et le plan d’action associé; il est joint à la documentation d’information du CHSCT, en vue de sa consultation. Plusieurs mois après l’avis rendu par le CHSCT et la mise en place de la nouvelle organisation, il est prévu un retour d’expérience avec une nouvelle analyse pluridisciplinaire munie de la même grille. « Idéalement, nous devrions limiter les demandes d’expertise sur ce thème », souligne Philippe Thurat.

* Il prévoit de nombreuses autres dispositions, dont celles relativesà la conciliation de la vie professionnelle et de la parentalité, un droit à la déconnexion, la généralisation des dispositifs d’écoute et d’accompagnement pour les salariés en difficulté et un observatoire national paritaire de la qualité de vie au travail.

Auteur

  • AURORE DOHY