L’histoire de la modernité occidentale est celle de la montée en puissance d’une représentation dominante du temps, le temps des horloges, qui répond aux exigences de coordination des activités sociales à des échelles toujours plus grandes. Ce temps abstrait, comme extérieur à l’individu, a longtemps permis de quantifier le travail et sa pénibilité. Il ne permet plus d’en rendre clairement compte, à la fois parce que le travail est devenu plus flexible avec la multiplication d’horaires atypiques et parce qu’à l’intérieur d’unités semblables de temps, les charges de travail peuvent considérablement varier selon l’emploi, les moments, le contexte et les enjeux de la tâche.

C’est ainsi qu’une réforme comme celle des 35 heures, louable dans son principe, a eu des conséquences mitigées, puisque ce que nombre de salariés ont gagné en temps libre d’un côté s’est souvent soldé par une intensification et une flexibilisation de leur travail, source de pénibilités accrues.

Selon l’auteur, sociologue, directeur de recherche au CNRS, cette conquête sociale s’inscrit dans une conception taylorienne du travail, en voie d’être dépassée pour de nombreux salariés. Réfléchir sur les évolutions récentes du travail donne l’occasion à l’auteur de distinguer les temps de travail des salariés selon l’autonomie qui leur est ou non laissée pour se l’approprier, le gérer et lui donner sens, de telle sorte que le travail le plus long ou effectué dans des conditions a priori difficiles, comme le travail de nuit, n’est pas toujours perçu subjectivement comme le plus aliénant.

Temps de travail et temps de vie

Paul Bouffartigue, en collaboration avec Jacques Bouteiller, PUF, 240 pages, 28 euros.