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Le succès explosif d’un dispositif qui facilite les séparations

Actualités | publié le : 08.01.2013 | ROZENN LE SAINT

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Le succès explosif d’un dispositif qui facilite les séparations

Crédit photo ROZENN LE SAINT

L’application du forfait social à 20 % va-t-il freiner la vague des ruptures conventionnelles ? Depuis 2008, la tendance ne s’est pas démentie, le dispositif ayant dépassé la barre du million de départs en octobre dernier, malgré les critiques récurrentes dont ces ruptures font l’objet et les condamnations d’employeurs qui en ont abusé.

Le nombre de ruptures conventionnelles a dépassé le million depuis sa mise en place il y a trois ans et demi. Depuis août 2008, il n’a cessé de croître : entre janvier et octobre 2012, 261 000 divorces à l’amiable entre salariés et employeurs ont été conclus. Alors que les négociations sur la sécurisation de l’emploi reprendront les 10 et 11 janvier, la rupture conventionnelle est aussi née de la volonté de flexibiliser le marché du travail, avec un avantage pour les deux parties. D’une part, le salarié peut quitter son poste d’un commun accord avec son employeur tout en s’assurant de bénéficier des droits au chômage et d’indemnités égales à celles d’un licenciement. D’ailleurs, une étude de juillet 2012 du Centre d’études de l’emploi montre que les salariés y trouvent leur compte, puisqu’à peine la moitié des ruptures conventionnelles sont à l’initiative de l’employeur. D’autre part, ce dernier s’est aussi approprié ce dispositif, plus rapide, socialement mieux accepté et juridiquement moins risqué qu’un licenciement.

Résultat, aujourd’hui, près d’un salarié sur dix quitte son emploi via une rupture conventionnelle. Mais, depuis le 1er janvier, les indemnités liées à ces séparations d’un commun accord sont soumises à un forfait social de 20 % dû par l’employeur (et non seulement celles dépassant deux fois le montant du plafond annuel de la Sécurité sociale, comme auparavant).

Licenciements cachés

De quoi ralentir l’expansion fulgurante de ce dispositif ? La mesure permettra de « limiter » les cas où la rupture conventionnelle est « un artifice pour masquer un licenciement », a affirmé Jérôme Cahuzac, ministre du Budget. Une étude de la Dares de juin 2011 révèle une étrange concordanc : entre le 1er semestre 2009 et le 1er semestre 2011, la part des licenciements économiques dans les fins de CDI a chuté, passant de 12 % à 6 %, alors que celle des ruptures conventionnelles, elle, est passée de 7 % à 13 %.

Catherine Lemorton (PS), présidente de la commission des Affaires sociales, s’interroge elle aussi « sur l’augmentation exponentielle de ces ruptures de gré à gré en pleine crise, surtout de salariés de 58 ou 59 ans ». Depuis la mise en place de la rupture conventionnelle, certains syndicats dénoncent en effet des licenciements économiques déguisés et une façon de se débarrasser des seniors plus facilement. La réalité est plus complexe, explique François Taquet, juriste et auteur de Départs négociés et ruptures conventionnelles* : « Il y a des abus. La rupture conventionnelle remplace parfois les systèmes de préretraite pour les seniors. Mais cela se fait le plus souvent avec l’accord des salariés qui ont envie de s’arrêter de travailler. Le système a un grand mérite : celui de la transparence. Auparavant, cela se faisait avec des licenciements accompagnés de transactions. »

Pour Gilles Verrier, directeur du cabinet Identité RH, la notion de commun accord appelle inévitablement à des dérives, puisqu’« on est dans un rapport de force déséquilibré entre l’entreprise et l’employé. Au cours de la négociation, l’employeur peut toujours brandir la menace de raconter des faits déplaisants sur le salarié, qui pénaliseraient une future embauche ».

La question de savoir si la volonté de rupture du contrat de travail est réellement partagée reste sous-jacente. « Quand un employeur annonce à un salarié qu’il souhaite se séparer de lui, la nouvelle peut être très mal reçue. J’en connais même un qui a perdu connaissance en l’apprenant, témoigne le consultant. Mais cela a été habillé en rupture conventionnelle, avec l’accord du salarié, qui voulait sauver la face. Ainsi, au lieu d’annoncer qu’il s’était fait renvoyer, il expliquait que cela résultait d’une volonté commune… »

Une procédure plus légère

« La rupture conventionnelle reste pratique, la procédure étant plus light, puisqu’il n’y a pas de consultation du personnel. Par ailleurs, certaines entreprises disent qu’elles ne procéderont jamais à un licenciement économique, à cause de l’image que cela renvoie », admet un DRH, membre de l’ANDRH de Franche-Comté. Lequel met également le doigt sur un autre abus, émanant cette fois du salari : « Certains collaborateurs insistent fortement pour pouvoir bénéficier du chômage, or, si l’employeur refuse la rupture conventionnelle, c’est mal perçu et difficile à gérer, car la personne est démotivée. Cela se termine souvent en arrêt maladie… Il faut en débattre dans un climat serein, où l’on en arrive à la conclusion que les deux chemins se séparent. »

Pour ce DRH, toutefois, les entreprises font désormais « attention à ne pas abuser des ruptures conventionnelles. Elles ont pris des risques, et l’inspection du travail a mis son nez dedans. À présent, elles savent qu’avec les ruptures conventionnelles, elles ne sont pas à l’abri d’une procédure aux prud’hommes, contrairement à ce qu’elles pensaient auparavant », assure-t-il (lire ci-contre). Un sentiment qui ne se traduit manifestement pas dans les chiffres locaux : en Franche-Comté, les ruptures conventionnelles représentaient 40 % des inscriptions à Pôle emploi à la mi-2012.

* Éditions Gereso, 2012.

Auteur

  • ROZENN LE SAINT