Pour éclatantes qu’en soient parfois les manifestations et insupportables les causes, le mal-être au travail pouvait, il y a quelques années encore, sembler relativement anecdotique : il concernait quelques salariés, voire quelques entreprises ayant perdu le sens de la mesure. Si le concept de harcèlement moral a pu faire florès, c’est justement parce qu’il pointait chez certains responsables ou dans certains contextes de travail des dysfonctionnements individuels à la limite de la perversion. Il est patent désormais que tous les salariés, du public comme du privé, sont soumis au stress professionnel à un degré plus ou moins élevé. Non que la perversion de quelques-uns se soit généralisée, mais simplement, et de manière beaucoup plus inquiétante, parce que l’organisation même du travail, dans un monde largement dominé par la philosophie néolibérale, est devenue radicalement perverse.

Pour Vincent de Gaulejac, sociologue clinicien, et Antoine Mercier, journaliste à France Culture, la logique de la performance qui érige en normes l’exigence du “toujours plus”, la multiplication des injonctions paradoxales à l’endroit des salariés, l’obsession du chiffre et de l’évaluation, l’intensification du travail, la culture de l’urgence et le fait de gérer les salariés comme de simples pions sont les raisons de ce mal-être généralisé dans le monde du travail. Et il devient urgent de se mobiliser, tant individuellement que collectivement, pour le contrer.

Les auteurs rappellent également que les politiques ont aussi leur rôle à jouer en contribuant à restaurer l’équilibre des pouvoirs dans l’organisation du travail, et celui entre les intérêts privés et l’intérêt général

Manifeste pour sortir du mal-être au travail

Vincent de Gaulejac et Antoine Mercier, Desclée de Brouwer, 190 pages, 15 euros.