logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

Limiter les accidents en réduisant les déplacements

Pratiques | publié le : 18.12.2012 | AURORE DOHY

Image

Limiter les accidents en réduisant les déplacements

Crédit photo AURORE DOHY

Mener une réflexion sur l’organisation du travail et des déplacements est l’une des pistes recommandées par la Cnamts pour prévenir les accidents de trajet domicile-travail ou de mission. Des risques encore trop souvent sous-estimés par les entreprises.

En dépit d’importants progrès (une baisse de 60 % d’accidents de mission et de 45 % d’accidents de trajet depuis dix ans), le risque routier reste la première cause de décès dans le cadre professionnel et coûte chaque année 725 millions d’euros aux entreprises. Pour les seuls accidents de trajet, la Sécurité sociale comptabilise plus de 350 morts liées aux déplacements domicile-travail et près de 100 000 accidents avec arrêt de travail.

Autre objet d’inquiétude : les accidents qui surviennent sur le chemin quotidien des salariés diminuent moins vite que les accidents de la circulation en général. « Lié à l’allongement croissant de la distance entre lieu d’habitation et lieu de travail, l’usage de la voiture – et du deux-roues motorisé – pour les déplacements domicile-travail n’a cessé d’augmenter ces dernières années, induisant une hausse mécanique de l’exposition au risque », expliquait en février dernier la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) dans un livre blanc.

Le guide de prévention à l’usage des entreprises rappelait en outre l’impact du développement des emplois précaires (CDD, intérim, stages), qui génère davantage de déplacements et des modifications plus fréquentes du lieu de travail, ainsi que la multiplication des horaires atypiques qui contraint souvent les salariés à recourir à leur véhicule personnel plutôt qu’à utiliser les transports en commun.

Néanmoins, à en croire l’étude Ifop-Assurance maladie, réalisée auprès de 500 grandes entreprises et rendue publique le 9 février dernier, le risque routier reste encore insuffisamment pris en compte par les employeurs. Au-delà du document unique qui porte sur les risques d’accidents de mission – les entreprises n’ont aucune obligation légale à y inscrire les accidents de trajet –, seule une petite moitié (46 %) des sondés ont cherché à mieux connaître et à recenser les risques d’accidents encourus par les salariés sur le chemin domicile-travail. Au total, 60 % seulement des entreprises ont mis en place des actions de prévention, tous déplacements confondus.

Sensibiliser à la sécurité

Lorsqu’elles existent, ces actions relèvent essentiellement de la sensibilisation (90 %), du contrôle des équipements (76 %), de protocoles de bon usage des outils de communication au volant (65 %), de stages de sécurité routière (55 %) et d’incitations à prendre les transports en commun (47 %).

L’aménagement des horaires de travail ne concerne que 35 % des entreprises et la définition d’un plan de déplacement d’entreprise (PDE) visant à limiter les déplacements, notamment par des visioconférences, des procédures de télétravail ou du covoiturage, n’a été relevé que dans 18 % d’entre elles, 34 % déclarant même ne pas en percevoir l’intérêt. « Réduire, lorsque c’est possible, la nécessité de se déplacer jusqu’à son lieu de travail est pourtant la première mesure de prévention à envisager, affirme le livre blanc de la Cnamts. En outre, donner aux salariés une plus grande souplesse horaire pour la prise de poste réduit la contrainte et donc le risque d’accident. La nécessité d’arriver à une heure précise sur son lieu de travail peut en effet inciter à une prise de risque excessive sur la route. » Basée à Châteauroux, dans l’Indre, la société Andritz Environnement & Process a ainsi aménagé l’horaire du déjeuner de ses salariés sédentaires. Pour éviter le pic de circulation dans la zone industrielle et en ville, ceux-ci peuvent prendre leur pause à partir de 11 h 45.

« Soucieuses de réduire le coût de leur poste carburant et de limiter les émissions de CO2, de plus en plus d’entreprises proposent à leurs salariés des formations à l’écoconduite, souligne Alain Wucher, du Groupement des organismes de prévention du risque routier (GP2R). L’efficacité certaine de cette démarche ne doit pas faire oublier la nécessité première d’éliminer le risque à la source et de s’interroger avant tout sur la pertinence de se déplacer en voiture comme on l’a fait jusqu’à présent. »

Améliorer les compétences sur la route

Alain Wucher invite également les entreprises à reconnaître que la possession d’un permis de conduire ne présage en rien de la compétence à conduire un véhicule dans un cadre professionnel, susceptible d’entraîner des contraintes horaires et une pression supérieures à celles rencontrées dans un contexte personnel : « Si la médecine du travail est encore très rarement sollicitée pour délivrer une habilitation ad hoc, rien n’empêche les employeurs de considérer dès à présent leurs véhicules d’entreprise comme un équipement de travail et, par conséquent, de s’engager à fournir à leurs salariés l’ensemble des prérequis nécessaires à leur utilisation. »

Dans le cadre de sa politique de prévention, le groupe de propreté multiservice Onet, qui possède une flotte de 6 000 véhicules, mise sur l’amélioration des compétences sur la route grâce à un mode de formation original : depuis 2009, c’est le référent risque routier du groupe qui se rend dans chaque agence – limitant ainsi les déplacements des autres collaborateurs –, équipé d’un simulateur de conduite, pour former les salariés au cours d’une séance individuelle de 90 minutes. « Pas un pilote d’avion ou un conducteur de char qui ne prenne le manche sans passer par un simulateur. Or, rares sont les écoles de conduite, en France, à proposer cette approche, la seule à pouvoir véritablement confronter le stagiaire avec sa gestion d’un risque, explique Patrick Cézard. En outre, notre approche individuelle permet à chacun d’exprimer ses peurs ou difficultés. » Depuis 2009, 2600 collaborateurs ont été formés ; les tout premiers à l’avoir été recevant aujourd’hui, avec une nouvelle visite de Patrick Cézard, leur piqûre de rappel.

Colas s’appuie sur ses 400 relais-terrain

Chez le constructeur de routes Colas, la volonté de « passer d’une situation de consommation d’assurances et de gestion des accidents à une véritable politique de prévention des risques » a été énoncée dès 1997. En près de quinze ans, malgré une augmentation de 98 % de sa flotte de véhicules, la fréquence des accidents a diminué de 62 %. La clé de cette réussite ? La mise en place d’une structure permettant de diffuser les messages de prévention au sein des 20 filiales du groupe en France – chacune dotée d’un correspondant sécurité routière – et des 400 établissements – chacun doté d’un relais sécurité routière. « Les recommandations transmises par un de ses propres collègues, au plus près des situations quotidiennes, sont souvent mieux comprises et ont plus de chances d’être suivies », souligne Jean-Yves Bignon, le directeur risques et assurances. Chaque relais-terrain dispose également d’une importante latitude dans la diffusion auprès de ses collègues du programme Scope de gestion des risques routiers, élaboré par Axa et sélectionné par Colas, ou encore dans la définition des publics prioritaires pour les audits de conduite dans chaque établissement.

L’ESSENTIEL

1 Souvent sous-estimé par les employeurs, le risque routier reste la première cause de décès dans le cadre professionnel en France. Il coûte chaque année 725 millions d’euros aux entreprises.

2 Limiter la nécessité des déplacements et assouplir les contraintes horaires des salariés est la première mesure de prévention.

3 Conduire un véhicule dans un contexte professionnel engendre certaines obligations : la délivrance d’une habilitation par la médecine du travail ou la généralisation des audits de conduite sont des pistes à envisager.

Auteur

  • AURORE DOHY