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Ces retraités qui reprennent le chemin de l’entreprise

Pratiques | publié le : 11.12.2012 | Sabine Germain

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Ces retraités qui reprennent le chemin de l’entreprise

Crédit photo Sabine Germain

C’est un mouvement engagé depuis près de dix ans. Aujourd’hui, environ 500 000 retraités ont gardé une activité professionnelle pour compléter leurs revenus ou pour rester en contact avec la vie active. Certains employeurs apprécient tout particulièrement ces profils expérimentés et disponibles.

Entre 2006 et 2011, le nombre de retraités actifs a plus que doublé : pour le seul régime général, il est passé de 137 000 à 308 000, selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav). Tous régimes confondus, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) estime, pour l’année 2010, à plus de 500 000 le nombre de jeunes retraités ayant repris le chemin de l’emploi(1). Pour moitié par envie de rester actifs, pour l’autre par nécessité économique, estime-t-on à la Cnav.

Ces aspirations rejoignent les besoins de certaines entreprises. Acadomia, le leader français du soutien scolaire, a ainsi lancé l’an passé une campagne de recrutement spécialement destinée aux enseignants à la retraite : « Entre 500 et 1 000 d’entre eux nous ont rejoints, explique Sandra Jaoui, directrice des ressources humaines. Ils ont plutôt 65 ans que 75 ans et travaillent entre 5 et 10 heures par semaine. Pour compléter leurs revenus, bien sûr, mais aussi et surtout pour rester en contact avec la vie active. »

L’entreprise y trouve son compte : « Ces jeunes retraités sont disponibles, motivés et très souples dans la gestion de leur emploi du temps. » Ils ont naturellement de l’expérience, davantage de patience que les jeunes actifs « et une vraie passion pour leur métier, ajoute Sandra Jaoui. Du reste, ils ont souvent commencé à travailler en solo avant de nous rejoindre : en gérant leur emploi du temps et leurs formalités administratives, nous leur simplifions la vie ».

La configuration est différente mais les motivations assez semblables finalement à SGS, leader mondial de l’inspection, du contrôle et de la certification (2 700 salariés en France). Le groupe recrute en moyenne 500 personnes par an… dont une poignée de jeunes retraités « qui ont déjà liquidé leur retraite ou sont en âge de le faire », explique Françoise Rembotte, directrice des ressources humaines du pôle Automotive. Une quinzaine sont actuellement en poste : ils ont entre 65 et 70 ans et travaillent au minimum vingt à vingt-cinq jours par an et jusqu’à 80 % d’un équivalent temps plein.

Cumul emploi-retraite

L’objectif de cette entreprise est clair : « Nous avons envie de garder des personnels expérimentés, qui ont une solide expertise technique et connaissent bien la culture et les pratiques de l’entreprise », précise Françoise Rembotte. Cela se fait toujours sur la base du volontariat… « même s’il nous arrive de faire des appels du pied à certains de nos collaborateurs », sourit-elle. Autre cas de figure : « Nous recevons quelques candidatures spontanées de jeunes retraités qui ont envie de garder une activité professionnelle, au moins tant que leur conjoint continue à travailler. » Bien qu’elle n’ait pas à proprement parler de problèmes de recrutement, Françoise Rembotte regarde toujours ces profils avec intérêt : « Ces cadres sont vraiment motivés et nous apportent une expérience et une expertise très utiles pour mener certaines missions ou études. » À Acadomia comme à SGS, le volume d’activité décline à mesure que les salariés avancent en âge : les collaborateurs de plus de 70 ans sont rares. Pour autant, la réforme des retraites de 2010, qui a reculé l’âge légal de départ, n’a pas freiné les ardeurs des jeunes retraités : leur activité salariée progresse toujours d’au moins 10 % par an. Essentiellement sous la forme du cumul emploi-retraite(2) : le dispositif de la retraite progressive n’a été utilisé que 944 fois en 2011. Parce qu’il est encore méconnu. Et parce que les entreprises profitent de l’assouplissement de ce cumul : le plafond de rémunération et le délai de carence de six mois entre la fin du contrat de travail et le début du cumul ont été supprimés en 2009.

Afflux de candidatures dans les activités saisonnières

Initié en 2003, après la réforme “Fillon”, le mouvement de retour au travail des retraités n’a cessé de prendre de l’ampleur. Et la dynamique semble bien enclenchée. Selon le dernier baromètre seniors en entreprise Entreprise & Carrières/Notretemps.com/Horemis Menway (lire Entreprise & Carrières n° 1120), 30 % des seniors de 46 ans et plus interrogés – mais 63 % des plus de 61 ans – envisagent désormais de poursuivre leur activité au-delà de l’âge de leur retraite à taux plein. Il est vrai que les retraités d’aujourd’hui gardent une bonne vingtaine d’années d’espérance de vie, dont au moins cinq à dix ans en pleine forme. Mais tous ne reviennent pas dans le monde du travail de gaieté de cœur : certains continuent à travailler par nécessité économique.

Difficile d’expliquer autrement l’afflux inhabituel de candidatures seniors enregistré cet été dans les activités saisonnières telles que le tourisme (hôtellerie, restauration, commerce et loisirs) et l’agriculture (vendanges ou cueillettes) : des métiers physiquement difficiles, qui n’attirent plus seulement des jeunes en quête d’un job d’été. « Les jeunes retraités qui postulent à un emploi saisonnier sont de plus en plus nombreux », a observé Jean-Yves Montrange, conseiller Pôle emploi dans le Beaujolais, lors du lancement des vendanges. Le faible taux d’emploi des seniors, les incidents de fin de carrière et le recul de l’âge du départ à la retraite à taux plein obligent certains à jouer les prolongations pour engranger quelques trimestres de cotisation supplémentaires.

Mixité générationnelle

Pas sûr que ces travaux éprouvants leur permettent de débuter leur retraite dans les meilleures conditions. C’est pourquoi les professionnels du recrutement préfèrent les orienter vers des métiers moins pénibles : les centres d’appels, par exemple. Une filière qui, là encore, y trouve son compte : la maturité, le sérieux (notamment la ponctualité) et l’engagement des seniors sont un atout pour une profession minée par un turnover endémique. La mixité générationnelle apparaît également comme un facteur de cohésion des équipes. Reste que la profession n’est pas accessible à tous les jeunes retraités : les plus qualifiés vivent l’expérience avec un sentiment de déclassement ; quant aux moins qualifiés – les ouvriers de l’industrie notamment –, ils ont du mal à acquérir le savoir-être indispensable. Les opérateurs ayant implanté des centres d’appels dans d’anciens bassins industriels peuvent en témoigner.

(1) Évaluation du cumul-emploi retraite, Igas, juin 2012.

(2) Le cumul-emploi retraite se définit comme la possibilité de cumuler une pension et un revenu d’activité.

L’ESSENTIEL

1 Maintien du niveau de vie ou envie de rester actif : quelle que soit la raison, de plus en plus de retraités décident de continuer à travailler.

2 Ces aspirations sont en adéquation avec les attentes de certaines entreprises qui ont besoin d’expertise et de souplesse.

3 Par nécessité, certains retraités se tournent maintenant vers les activités saisonnières, traditionnellement occupées par les jeunes.

Auteur

  • Sabine Germain