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Des bénéficiaires du RSA mieux préparés à intégrer l’entreprise

Pratiques | publié le : 04.12.2012 | HUBERT HEULOT

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Des bénéficiaires du RSA mieux préparés à intégrer l’entreprise

Crédit photo HUBERT HEULOT

Le conseil général de Loire-Atlantique, en collaboration avec l’Afpa, a inventé un nouveau cocktail d’insertion : des employeurs invités à revoir leurs critères de sélection à la baisse et des allocataires du RSA “entraînés” à rejoindre des secteurs en pénurie de main-d’œuvre ou peu connus.

En Loire-Atlantique, « nous regorgeons d’offres de contrats de professionnalisation, résume Elise Balcon, responsable d’affaires à l’Afpa. Nous en avons eu 400 en 2011, la moitié non pourvues, car exigeant des compétences rares ou fixant des critères trop élevés. En face, nous disposons d’un énorme vivier de 30 000 personnes au RSA, dont 22 000 au RSA socle. » Alors, depuis quelques mois, le département tente une expérience : il propose aux entreprises d’“embaucher” des personnes au RSA contre la promesse qu’elles deviennent plus aptes à faire l’affaire.

« Nous avons progressé dans l’accompagnement des allocataires, explique Alain Robert, vice-président du conseil général, délégué aux solidarités et à l’insertion. Nous avions pris en charge le RMI dès 2003, quand l’État nous l’a proposé. Nous connaissons donc par cœur ce public. Aux travailleurs sociaux, qui traitent avec eux les questions de logement, de permis de conduire, de garde des enfants, etc., nous avons ajouté une soixantaine de spécialistes du retour dans l’entreprise. Ce sont des gens qui les suivent de près dans l’accomplissement de leur projet professionnel. Et avec l’Afpa, nous allons encore plus loin dans la préparation de chacun. Ce qui nous a permis de rassurer les entreprises. »

Avec 250 CDI ou contrats de professionnalisation en 2012, les objectifs d’embauche sont néanmoins mesurés, y compris dans les grandes entreprises : 20 postes ont été proposés dans les deux usines Airbus de Nantes et de Saint-Nazaire ; 14 chez ERDF. Vinci Énergies et Vinci Construction n’osent pas annoncer de chiffres.

Casser l’image négative des allocataires

Les emplois proposés sont variés. ERDF et Vinci Énergies cherchent des monteurs-réseaux, de préférence entre 25 et 30 ans, qui grimperont sur les poteaux des réseaux électriques pendant quelques années. « En dix ans, nous n’avons réussi à intégrer que quatorze personnes sorties du système scolaire sans diplôme, explique Jacky Jodeau, responsable de l’agence régionale de Vinci Énergies. Les services sociaux ont du mal à les accompagner. Pourtant, nous sommes prêts à les former », assure-t-il. De son côté, Vinci Construction espère avoir déniché un nouveau vivier pour ses métiers du bâtiment qui n’attirent pas.

Airbus est, pour sa part, confronté aux départs en retraite massifs de ses chaudronniers. Le constructeur aéronautique a aussi besoin de monteurs en systèmes mécaniques (réseaux d’air et d’eau) et de monteurs-câbleurs. Cofely Ineo (groupe GDF Suez) cherche des ouvriers de chantier, notamment des monteurs de réseaux électriques pour ses opérations de travaux publics (tramways aussi bien qu’hôpitaux) et ses partenariats publics-privés à quinze, vingt, voire trente ans. « Si les grandes entreprises réussissent avec nous, nous aurons un peu cassé l’image négative des allocataires du RSA. Il y aura un effet d’entraînement », souhaite Alain Robert, qui s’est personnellement chargé de démarcher les grands acteurs.

Gommer les défauts

Par le biais de l’Afpa, l’expérience est aussi menée auprès de 150 PME. « À côté de métiers que nous n’avions pas identifiés, comme les monteurs-réseaux, d’autres sont simplement mal connus, comme ceux de la viande, de l’agroalimentaire ou encore les métiers des centres d’appels ou de la relation clients », commente Élise Balcon. La botte gagnante, espère l’Afpa, consiste à faire passer les allocataires du RSA, présélectionnés par le département, dans ce qu’elle appelle son « sas » : sept semaines, un peu plus s’il le faut, pour gommer les défauts de comportement qui freinent l’intégration des personnes dans l’entreprise et qui sont liés à la ponctualité, l’assiduité, la responsabilité, la capacité d’intégration dans un collectif de production.

« Disposer de salariés fiables est, dans le fond, la seule exigence des entreprises, assure-telle. Pour cela, nous les plaçons en situation de travail dans nos centres de formation. Nous les familiarisons même avec leur nouveau milieu par des visites ou de courts stages en entreprise. » Les futurs aide-bouchers ou désosseurs visitent des boucheries artisanales, des rayons de supermarchés, des ateliers de découpe de volaille et des usines de charcuterie. La pure compétence technique est ensuite l’affaire de l’entreprise.

Obligation d’embauche

Pendant ces sept semaines, les personnes retenues continuent de percevoir le RSA. Ensuite, elles sont rémunérées par les entreprises, dans le cadre d’un contrat de professionnalisation, ou par la région, en tant que stagiaires de la formation professionnelle, dans le cadre des actions de recrutement par la formation (ARF). La région prend également en charge les frais pédagogiques de leur formation, qui peut durer plusieurs années. Les entreprises ont ensuite l’obligation de les embaucher.

Les grandes sociétés réagissent bien à la proposition du département de la Loire-Atlantique. « Le progrès vient du fait que l’Afpa fait le tri des candidats pour nous », apprécie Jacky Jodeau, de Vinci Énergies. « Le monde de l’insertion est devenu bien plus pragmatique, souligne Olivier Roland, directeur régional d’ERDF. Il est d’abord venu à notre rencontre et a étudié nos besoins. Les recrues se révèlent en général très motivées. »

Opportunités d’emplois pérennes

Dominique Legru, responsable du développement des ressources humaines à l’usine Airbus de Saint-Nazaire, se dit « sûr de réussir ». Les dix futurs ex-allocataires du RSA entrant chez le constructeur aéronautique se fondront parmi les 2 500 salariés, en particulier les 180 jeunes formés en alternance chaque année. « Ensuite, nous ferons plus facilement appel à ces profils selon nos besoins, parce que les acteurs de l’insertion que nous sommes, le conseil général, l’Afpa, et nous-mêmes, auront appris à nous connaître », estime Dominique Legru, totalement soutenu par Force ouvrière, le premier syndicat dans l’usine. « Profitons d’avoir du travail pour donner des emplois pérennes aux allocataires du RSA », acquiesce Frédéric David, délégué syndical FO.

Dans les plus petites sociétés, la difficulté réside surtout dans l’encadrement des nouvelles recrues. « Nous avions raté une première expérience dans les boucheries artisanales parce qu’elles ne pouvaient pas former un allocataire du RSA en plus de leurs apprentis », raconte Frédéric Teffereau, de l’interprofession bovine des Pays de la Loire.

Engagement managérial

Trouver des tuteurs en entreprise apparaît d’ailleurs partout comme une question cruciale pour la réussite de l’expérience. ERDF emploie ainsi un tuteur à plein temps pour chaque monteur-réseau en formation. « L’engagement managérial est important, explique Olivier Roland. Mais 25 % de notre personnel va partir en retraite dans les cinq ans. Et comme nous intervenons sur tout le territoire en tâchant d’éviter les trop longs déplacements, nous ne pouvons négliger aucune piste d’embauches locales. »

Cofely Ineo, de son côté, dégage 20 % du temps de ses salariés tuteurs pour l’accompagnement. Quant à Airbus, il en appelle à ses salariés expérimentés « qui ont envie de travailler avec des personnes fragilisées ». Avec l’objectif de tordre le coup à l’idée qu’Airbus soit une entreprise inaccessible. « Un message à l’adresse de tous ceux qui peuvent orienter des chômeurs vers nous ! », insiste Dominique Legru.

Favoriser la diversité

Ces deux entreprises cherchent aussi, par ce biais, à recruter davantage de femmes. Pour Airbus, l’objectif est d’atteindre au plus vite 20 % des effectifs, tandis que Cofely Ineo espère embaucher 30 % de femmes en 2015. Bref, si le dispositif répond d’abord à des besoins de recrutement non couverts par les canaux habituels, il favorise aussi la diversité. De quoi, selon Stéphane Randretsa, directeur général adjoint en charge des ressources humaines chez Cofely Ineo, améliorer l’image de l’entreprise et lui permettre de se distinguer face à la concurrence.

L’ESSENTIEL

1 La Loire-Atlantique compte 30 000 bénéficiaires du RSA. Pourtant, la moitié des offres de contrats de professionnalisation ne sont pas pourvues.

2 Le conseil général a donc décidé de rassurer les entreprises en améliorant la capacité d’intégration de ses allocataires.

3 L’encadrement de ces nouvelles recrues est délicat à organiser. Mais les grandes entreprises semblent convaincues de l’utilité du dispositif.

Auteur

  • HUBERT HEULOT