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L’AUDACE PAIE !

Enquête | publié le : 04.12.2012 | E. F.

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L’AUDACE PAIE !

Crédit photo E. F.

Afin de stabiliser les majorités syndicales, les partenaires sociaux d’EADS ont décidé de calculer les audiences tous les quatre ans. Une solution pragmatique dans un groupe constitué de multiples sociétés, mais contestable sur le plan du droit.

Il fallait oser. Dès 2009, les partenaires sociaux d’EADS se sont employés à combler les vides de la loi sur la démocratie sociale pour la rendre applicable dans un groupe employant environ 50 000 salariés en France, dans 32 sociétés comportant une quarantaine de comités d’entreprise, élus à des moments différents. Leur solution consiste à prolonger le système précédent, fondé sur la représentativité de droit, tout simplement.

Ils ont décidé que la période transitoire, pendant laquelle les syndicats conservent leur présomption irréfragable de représentativité, durerait jusqu’au 13 octobre 2012, quatre ans après la dernière élection du cycle précédent. Ils se sont accordé un délai de deux mois au-delà de la limite – le 22 août 2012 – fixée par une jurisprudence postérieure. Ce n’est qu’à partir de cette date que le géant de l’aéronautique a pour la première fois calculé l’audience de ses organisations syndicales au niveau du groupe*.

Toujours en 2009, les partenaires sociaux ont également décidé que les audiences (et les moyens) des syndicats seraient désormais recalculées tous les quatre ans, en prenant le 13 octobre 2012 pour point de départ, et non pas au fil des élections. Donc, nonobstant le franchissement par un syndicat de la barre des 10 % (dans un sens ou dans l’autre) ou l’implantation d’un nouveau venu dans l’intervalle.

Une négociation collective de qualité

Ils ont, en outre, décidé que la règle serait la même dans les sociétés du groupe comptant plusieurs établissements. La représentativité s’y apprécie à l’issue d’un cycle complet. Si une élection venait à être décalée, l’audience des syndicats serait alors mesurée à la date théorique de la dernière élection du cycle. Tant pis pour les retardataires. Les DRH des entreprises d’EADS sont ainsi assurées d’avoir les mêmes interlocuteurs syndicaux pendant quatre ans, et ces derniers de conserver leur représentativité pendant cette période. Ceci revient à recréer une représentativité de droit pendant quatre ans. Il semble que cela n’altère ni l’envie de voter des salariés, ni la négociation collective, importante et de qualité, selon les syndicats.

Préciser les règles de décompte

Ces règles ont été posées dans l’accord de dialogue social du 13 février 2009, signé par tous les syndicats sauf la CGT. Cet accord consacre un chapitre remarquable de pragmatisme à l’application de la loi sur la démocratie sociale. Outre les règles sur la période transitoire et sur le calcul de l’audience, ce chapitre précise les règles de décompte pour les sociétés qui sortent ou entrent dans le groupe, et celles de la consolidation des suffrages pour les syndicats catégoriels (ces suffrages sont comptés dans le deuxième collège). « La direction voulait des mandats de quatre ans et un nouveau calcul à cette échéance, se souvient Jean-Marie Peeters, coordinateur adjoint groupe de la CFDT. Cela paraissait plus simple et arrangeait tout le monde. Il n’y a pas eu de débat, la disposition a fait consensus. »

L’inspection du travail n’a, pour sa part, rien trouvé à redire. « Les juristes de notre fédération nous ont donné le feu vert, relate Philippe Fraysse, ex-coordinateur FO d’EADS, aujourd’hui secrétaire fédéral de la branche aéronautique, espace, défense. Je suppose que la direction a également dû prendre conseil de son côté. » Cette dernière n’a pas pu répondre à nos sollicitations.

De l’aveu de ces deux syndicalistes, les dispositions sur la représentativité se sont appliquées sans contestation, y compris de la CGT, non signataire de l’accord. Alors qu’elles sont très contestables, si l’on se réfère à l’esprit de la loi ; la Cour de cassation dira le droit sur ce sujet au mois de janvier.

Il faut dire qu’EADS bénéficie de circonstances particulièrement favorables. Outre que les cinq syndicats historiques dépassent les 10 %, « il n’y a pas eu d’implantation de SUD, ni de l’Unsa », relève Philippe Fraysse. « Si cela avait été le cas, cela aurait posé des problèmes », concède Jean-Marie Peeters. Aussi précis soit-il, l’accord n’évoque pas cette possibilité.

Par ailleurs, presque toutes les sociétés d’EADS ont joué le jeu du mandat de quatre ans. « Seules une ou deux petites sociétés ont conservé les mandats de deux ans », constate Jean-Marie Peeters. Les audiences de leurs syndicats ne seront donc agrégées au niveau du groupe qu’une élection sur deux. Mais la distorsion est minime, compte tenu de la taille des sociétés concernées.

Le gel de la représentativité pendant quatre ans n’a cependant pas empêché une représentativité à géométrie variable, avec un paysage syndical local différent du paysage national. Ce qui peut poser des problèmes dans la déclinaison d’un accord de groupe. « Il est vrai que c’est difficile, mais la question se posait déjà avant. Il arrivait qu’une CFDT locale ne soit pas d’accord avec ce que nous avions décidé au niveau groupe », pondère le coordinateur adjoint de la CFDT.

Reste enfin la question de la concurrence entre organisations syndicales, qui ne peuvent plus se répartir les territoires à l’intérieur du groupe. Puisque maintenant, chaque voix compte pour l’audience globale, mieux vaut présenter des listes partout. Or, là encore, EADS bénéficie d’une histoire favorable. Jusqu’à la réforme, la CFTC, FO et la CFE-CGC avaient pris l’habitude de se présenter ensemble. Elles ne le font plus désormais, la CFE-CGC ayant reçu des ordres de sa confédération pour ne surtout pas être assimilée à un syndicat généraliste. Les voilà donc maintenant concurrentes. Sauf que, « on ne pouvait pas se reprocher un mandat que nous venions de finir en commun », analyse Philippe Fraysse, pour qui les élections « se sont bien passées ».

Finalement, le principal reproche de Jean-Marie Peeters porte sur la déclinaison des règles de négociation collective au niveau local et sur les carrières des syndicalistes. Selon lui, « il y a beaucoup de disparités : à certains endroits, les non-représentatifs sont invités à la table de négociation, à d’autres non. Parfois, ceux qui ont perdu leur mandat repartent en production, mais pas partout. Nous passons beaucoup trop de temps à vérifier l’application de cet accord, car certains essaient de le contourner ». Tout comme pour la loi.

* FO : 32,53 %; CFE-CGC : 27,11 % (33 % dans les collèges 2 et 3) ; CFDT : 15,52 %; CFTC : 12,53 %; CGT : 12,3 %.

Retrouvez l’accord sur <www.wk-rh.fr> Entreprise & Carrières ; docuthèque.

GROUPE EADS

• Activité : aéronautique et défense.

• Effectifs : 133 115 salariés.

• Chiffre d’affaires 2011 : 49 milliards d’euros.

Auteur

  • E. F.