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Enquête

UN DROIT DU TRAVAIL TOUJOURS PLUS SOUPLE

Enquête | publié le : 27.11.2012 | STEPHANIE SALTI

Le gouvernement conservateur veut assouplir encore davantage une législation du travail, qui est déjà l’une des plus flexibles en Europe.

Dans un environnement de faible croissance et de chômage encore marqué, le gouvernement de David Cameron entend lever les derniers freins à l’embauche. « Le rapport de forces semble aujourd’hui avoir glissé du côté de l’employeur », explique Richard Fox, associé au sein du cabinet d’avocats Kingsley Napley LLC. Toutefois, si les effets d’annonce n’ont cessé de se multiplier ces derniers mois, le Royaume-Uni, qui a signé le protocole sur le volet social annexé au traité de Maastricht, reste soumis aux règles européennes en matière de droit du travail : « Le gouvernement Cameron n’a donc que des pouvoirs limités et son unique point d’action porte sur le licenciement abusif, qui tombe sous la prérogative des États membres de l’Union européenne », précise Julie Calleux, fondatrice du cabinet britannique EmployEase. Ainsi, depuis une loi du 6 avril 2012, la période d’ancienneté nécessaire pour attaquer en justice son employeur pour des licenciements abusifs a été portée de un à deux ans. « Cette loi ne s’applique que pour les salariés ayant commencé à travailler à partir d’avril 2012 », nuance Julie Calleux.

Fin de la gratuité des actions en justice

D’autres mesures dissuasives vont être introduites à compter de l’été 2013 : les plaignants devront s’acquitter de frais pour assigner leur employeur devant les tribunaux, une action jusqu’à présent gratuite, sauf pour les personnes n’ayant pas ou peu de revenus. « Les personnes qui ont retrouvé du travail n’ont aucun intérêt à attaquer », décrypte Julie Calleux.

Baisse du plafond des indemnités

Malgré cela, le gouvernement planche sur de nouvelles mesures d’assouplissement du licenciement. Un temps évoqué, le licenciement minute, qui visait à autoriser un employeur d’une entreprise de moins de 10 salariés à licencier sans justifications, a finalement été abandonné. Mais d’autres fronts restent ouverts. La baisse du plafond des indemnités de licenciement, actuellement établi à 72 300 livres (90 200 euros), est à l’étude : « Nous allons revenir peu ou prou au début de la législature de Tony Blair, au cours de laquelle ce plafond avait été porté de 25 000 à 50 000 livres, puis progressivement augmenté », prévoit Julie Calleux. Une mesure symbolique : en 2011, le montant moyen des indemnités versées tournait autour des 9 000 livres (11 200 euros).

Des actions en échange de certains droits

Début octobre, le chancelier George Osborne, équivalent du ministre des finances, a proposé que les salariés puissent recevoir entre 2 000 et 50 000 livres d’actions de leur entreprise en échange du renoncement à un certain nombre de droits, notamment celui de contester son licenciement. Mais aussi celui d’obtenir des horaires aménagés ou des temps de formation. Les salariées mères de famille, qui doivent actuellement informer leur employeur huit semaines avant leur date de retour de congé maternité, devraient le faire seize semaines en amont. Vivement critiqué par le monde syndical, ce dispositif (employee owner scheme) a également été vilipendé par les experts qui en ont énuméré les lacunes. « Refuser à une mère la possibilité de travailler en horaires flexibles est potentiellement une discrimination indirecte », explique Julie Calleux.

« On voit mal certaines entreprises, et en particulier les sociétés familiales dans la City, accepter de donner des actions à leurs salariés », fait observer Richard Fox.

Le glissement du statut de salariés à celui d’actionnaires pourrait aussi causer quelques difficultés. « Le droit des actionnaires est beaucoup plus important que celui des salariés, et suppose que l’on établisse un pacte d’actionnaires, beaucoup plus onéreux qu’un simple contrat de travail », ajoute-t-elle. L’association de représentation des avocats spécialisés en droit du travail (ELA) s’est fendue d’un rapport de 30 pages sur cette proposition.

Reste à savoir quelles dispositions seront écoutées par le gouvernement.

Auteur

  • STEPHANIE SALTI