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Enquête

LA FLEXIBILITÉ PAR TEMPS D’AUSTÉRITÉ

Enquête | publié le : 27.11.2012 | MARIE-LINE DARCY

Dicté par le Mémorandum d’entente économique signé en mai 2011 entre le Portugal et la Troïka, le nouveau Code du travail portugais rend le licenciement moins cher et plus simple pour les employeurs.

Au Portugal, la flexibilisation du code du travail a déjà fait l’objet de deux réformes depuis 2003. Mais la dernière en date, entrée en vigueur le 1er août dernier, franchit un pas supplémentaire important. L’accord instituant la réforme du Code du travail n’a d’ailleurs pas été signé par l’un des deux principaux syndicats, la CGTP (Confédération générale des travailleurs), qui s’est très vite retirée des discussions, considérant « qu’il y avait danger pour les droits acquis des travailleurs au cours des dernières quarante années ».

Un droit du travail inscrit dans la constitution

Le changement qui a fait couler le plus d’encre est sans nul doute celui portant sur le motif de licenciement. L’employeur peut désormais invoquer l’inadaptation au poste de travail sans la justifier (par une restructuration de l’entreprise par exemple) ou décréter l’extinction du poste sans obligation d’en trouver un équivalent dans l’entreprise. « Les tribunaux utilisaient cet argument pour annuler les licenciements, explique Pedro Romano Ramirez, professeur de droit du travail à l’université de Lisbonne. Le Portugal dispose d’un arsenal normatif complexe et important. Cas unique en Europe : le droit au travail est inscrit dans la constitution. Il a donc fallu assouplir les normes sans remettre en cause ce droit fondamental. »

Le Code de 2012 revoit aussi le montant des indemnités de licenciement. Pour les contrats de travail signés avant le 1er novembre 2012, la compensation reste de 30 jours par année d’ancienneté ; pour les contrats signés ultérieurement, elle sera de 20 jours par année d’ancienneté. « Les deux systèmes vont se chevaucher, mais nous avons voté en faveur de cette réduction des compensations, en arguant du fait qu’il vaut mieux qu’un travailleur reçoive 20 jours d’indemnités par année d’ancienneté que rien du tout, comme c’est souvent le cas au terme de procès qui s’éternisent et d’insolvabilité constatée des entreprises », justifie Carlos Alves, juriste du Syndicat UGT-Union Générale des Travailleurs.

“Banques d’heures” renforcées

Le Code du travail version 2012 renforce aussi les “banques d’heures”. Institué dans la réforme de 2009, ce volume de 150 heures par an et par travailleur, non majorées, est rarement appliqué en raison de l’obligation d’une négociation collective préalable. Désormais, l’entreprise négocie directement avec le salarié, et la banque d’heures peut être élargie à un groupe de postes de travail.

En outre, la rémunération des heures supplémentaires est réduite de 50 %. « Les heures supplémentaires sont un instrument de flexibilité, mais qui coûte cher. Cependant, la diminution de leur rémunération peut poser des problèmes à des pans entiers de l’économie, comme dans les transports, car les salariés risquent de les refuser, analyse Pedro Romano Ramirez. De fait, elles servent souvent à compenser des salaires très bas [salaire minimum : 485 euros/mois, NDLR]. »

D’autres mesures, comme la suppression de quatre jours fériés à partir de 2013, auront sans doute un impact limité dans les TPE et PME, qui forment 99 % du tissu productif. « Avec cette mesure, je dégage 2400 heures de travail payées au tarif normal, témoigne António de Carvalho, patron d’une usine de 100 salariés en banlieue de Lisbonne. C’est important pour notre travail en flux continu. Mais il faut trouver des mécanismes compensant les manques à gagner des travailleurs, pour ne pa démotiver. »

Des mesures restées au point mort

« Ces mesures ne vont pas permettre de résoudre les difficultés économiques des entreprises, estime pour sa part Pedro Romano Ramirez. Si la plupart des exigences du Mémorandum sur le strict plan du droit du travail sont respectées, des pans entiers de l’accord sont en jachère, comme par exemple la création de l’arbitre des conflits du travail. » La création d’un fonds de financement des licenciements est aussi au point mort. « Il devait garantir le versement d’une partie des indemnités compensatoires au moment du licenciement. Mais les entreprises qui vont bien ne veulent pas cotiser pour celles qui vont mal. Pourtant, c’est l’une des garanties qui nous a amené à signer l’accord », soupire Carlos Alves de l’UGT.

Auteur

  • MARIE-LINE DARCY