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Le salarié ne peut plus être de mauvaise foi

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 20.11.2012 |

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Le salarié ne peut plus être de mauvaise foi

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Certes, le Code du travail prévoit en son article L. 1222-1 que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ». Ce principe n’est d’ailleurs que la reprise d’un article du Code civil (article 1134 alinéa 3). Mais ça, c’est la théorie. La pratique est tout autre… parfois !

Que dire dans l’exemple qui suit. Un salarié est licencié pour motif économique par le liquidateur de l’entreprise alors qu’il est, dans le même temps, conseiller du salarié pour assister les salariés lors des entretiens préalables au licenciement dans les entreprises n’ayant pas de représentants du personnel. La qualité de conseiller du salarié lui confère une protection contre le licenciement, et ne pas respecter la procédure qui y est attachée entraîne la nullité du licenciement et sa réintégration. La protection du conseiller du salarié court à compter du jour où cette liste est arrêtée par le préfet ; elle est ensuite publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture (art D. 1232-5 du Code du travail). Mais que se passe-t-il lorsque cette liste n’a pas encore été publiée ? Pour les juges du fond et la Cour de cassation, pas de problème : « La protection du conseiller du salarié inscrit sur la liste prévue par l’article L 1232-7, alinéa 2 du Code du travail, court à compter du jour où cette liste est arrêtée dans le département par le préfet en application de l’article D 1232-5 du même Code, indépendamment des formalités de publicité prévues par ce dernier texte. »(1)

Et la bonne foi du salarié, me direz-vous ? Là également, cet argument était balayé d’un simple revers de main : « Et attendu que la cour d’appel a souverainement estimé qu’aucun manquement à son obligation de loyauté ne pouvait être reproché au salarié ». Plus récemment encore, la Cour de cassation a jugé que « seule une fraude du salarié peut le priver de la protection attachée à son mandat, le manquement à son obligation de loyauté à l’égard de l’employeur ne pouvant avoir d’incidence que sur le montant de l’indemnisation due au titre de la violation de son statut protecteur »(2).

Ces situations, régulières, se soldaient toujours de la même façon : par la condamnation de l’entreprise.

Mais voilà que le 14 mai 2012(3), à la suite d’une QPC (dont l’objet était la contestation de la constitutionnalité de la protection spéciale accordée aux salariés membres ou administrateurs d’une caisse de sécurité sociale), le Conseil constitutionnel, tout en déclarant conforme à la Constitution la protection, a assorti celle-ci d’une réserve : « Ces dispositions ne sauraient […] permettre au salarié protégé de se prévaloir d’une telle protection, dès lors qu’il est établi qu’il n’en a pas informé son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement. »

La Cour de cassation n’a pas tardé à se conformer à cette réserve et, dans un arrêt du 14 septembre 2012(4), emboîte le pas du Conseil, considérant cette fois que cela « constitue un manquement à son obligation de loyauté à l’égard de l’employeur »!

Quelles modalités pour cette information ? Le Conseil constitutionnel et, dans sa foulée, la Cour de cassation donnent une indication sur la date à laquelle cette information doit être communiquée, en précisant qu’elle peut l’être « au plus tard lors de l’entretien préalable » ou « s’il s’agit d’une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l’acte de rupture », ajoute la Cour de cassation.

Les conséquences du défaut d’information paraissent simples : le salarié ne peut se prévaloir de la protection, donc non seulement du bénéfice de la protection, mais également de l’annulation du licenciement, du droit à la réintégration et de celui à l’indemnisation spécifique qui lui est accordée.

Qu’en est-il du délit d’entrave ? Selon le Conseil constitutionnel, l’employeur ne peut être exposé « …à des sanctions pénales réprimant la méconnaissance d’obligations auxquelles il pourrait ignorer être soumis »(5).

Il est dommage d’avoir dû attendre aussi longtemps pour voir appliquer, de façon équilibrée, ce principe de base : l’exécution de bonne foi du contrat de travail.

Stéphane Béal, directeur du département droit social de Fidal, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.

(1) Cass. soc. 22 septembre 2010 n° 08-45 227, Sté Duquesnoy et associés c/Masquelier.

(2) Cass. soc., 16 février 2011, n° 10-10592, Gosselin c/Sté Forclumeca Normandie.

(3) QPC 14 mai 2012, n° 2012-242.

(4) Cass. soc. 14 septembre 2012, n° 11-21307.

(5) Les sanctions sont le délit d’entrave, et les sanctions spécifiques prévues aux articles L. 2431-1 à L. 2437-1 selon le mandat en cause.