logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

Le FEM sous la menace des 27

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 13.11.2012 | PEGGY CORLIN

Depuis sa création en 2006, le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) a toujours des adversaires parmi les 27 et reste sous la menace d’une suppression. Destiné à accompagner les reconversions des travailleurs, il a le plus profité à la France.

En août dernier, la Commission européenne a débloqué 12 millions d’euros d’aide au plan de départs volontaires de PSA… de 2009. La décision doit encore être validée par le Parlement européen et les 27 pays de l’UE. D’ici à quelques mois, 2 089 travailleurs du groupe automobile auront ainsi pu bénéficier du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM). Mais deux ans après, ils y seront sans doute peu sensibles. Créé fin 2006, le FEM n’intervient qu’après les restructurations, pour aider les travailleurs victimes de licenciements à retrouver un emploi. Doté d’une enveloppe annuelle de 500 millions d’euros, le fonds rembourse la moitié des sommes engagées pour des mesures “actives” et “personnalisées” de réinsertion sur le marché du travail.

Dans la tourmente

L’enveloppe allouée par les 27 ne pèse pas bien lourd; pourtant, sa survie fait l’objet d’âpres négociations à Bruxelles. Opposés au FEM depuis son origine, plusieurs pays, dont l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, refusent de le reconduire après 2013. La mort du fonds, financé sur les marges non dépensées du budget communautaire, permettrait le retour de ces sommes dans les caisses nationales.

Depuis sa création, le FEM n’est jamais sorti de la tourmente : perçu dès 2006 comme destiné à redorer le blason de l’UE au lendemain des échecs constitutionnels européens, il souffre de conditions d’intervention limitées. Les États, seuls habilités à introduire une demande auprès de la Commission, doivent montrer que les licenciements touchent au moins 500 salariés sur une période allant jusqu’à neuf mois et qu’ils sont liés à la mondialisation, par exemple à des délocalisations à l’extérieur de l’Europe ou à une forte hausse d’importations. Ainsi, en 2007, l’UE accorde déjà 2, 5 millions d’euros à PSA pour aider à la réinsertion de 267 travailleurs d’un fournisseur du groupe automobile en liquidation judiciaire. La Commission constate alors que la hausse des importations de voitures coréennes et japonaises a ralenti l’activité française de PSA de 14,3 % en 2006.

Cette intervention, la première en Europe, sera peu suivie les deux premières années tant les critères sont étroits : entre 2007 et 2008, seuls 68 millions d’euros du FEM seront utilisés. L’éligibilité est ensuite élargie aux licenciements liés à la crise économique, avec un financement porté à 65 % maximum des sommes dépensées pour la réinsertion des travailleurs. Les demandes font un bond, qui sera de courte durée : fin 2011, l’Allemagne, la Slovaquie, la Suède, la République tchèque, la Lettonie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni exigent le retour aux conditions initiales du fonds.

Un fonds inexploité

Certains de ces pays en sont pourtant des habitués. L’Allemagne elle-même émarge dans le top 4 des plus gros bénéficiaires, avec 7,5 millions d’euros accordés depuis 2007 ; et la Suède a bénéficié de 7 millions d’euros. La palme des sommes empochées revient néanmoins à la France : 13 millions d’euros pour 6 000 travailleurs et seulement trois demandes – deux pour PSA et une pour Renault. « Le précédent gouvernement avait décidé de ne pas exploiter le FEM. Il l’a mis en œuvre de manière désastreuse sans jamais le faire intervenir sur des bassins d’emploi en région », déplore la députée européenne socialiste Pervenche Berès.

En France, le FEM reste peu connu. Partenaires sociaux, entreprises et particuliers peuvent pourtant le solliciter pour des pertes d’emploi liées à une seule entreprise comme à plusieurs petites et moyennes entreprises situées sur un même bassin d’emploi. Mais les contrôles européens sont drastiques : le dossier individuel de chaque travailleur est épluché pour vérifier que l’aide est bien utilisée pour la réinsertion et non à la faveur de « mesures passives de protection sociale ». Du coup, centraliser les procédures dans une même entreprise dotée de bons juristes apparaît plus simple. Surtout que le FEM ne finance que les mesures complémentaires aux minima légaux prévus pour la réinsertion des travailleurs. « C’est le meilleur aspect du fonds, car cela incite les entreprises à renforcer leur plan d’aide aux salariés, explique-t-on au ministère du Travail. Mais cela entraîne des conflits d’interprétation avec la Commission, peu familière des dispositifs nationaux. »

Renault en a fait les frais pour sa demande introduite fin 2009. Plusieurs fois retoqué, le dossier s’est notamment heurté au refus des services européens de considérer les congés de reclassement étendus à neuf mois comme un effort supplémentaire de l’entreprise par rapport au seuil légal de quatre mois. La somme de 24,5 millions d’euros a finalement été débloquée en 2012 pour 3 500 personnes.

Proposition de réforme

Côté syndical, on s’interroge sur le message envoyé par cette Europe qui n’intervient qu’au stade des réductions d’effectifs. « Le FEM a été un coup de pub facile de l’UE. Mais il faudrait davantage l’associer au Fonds social européen qui finance des projets de formations sur le long terme avec une approche préventive vis-à-vis des changements économiques », explique Claude Denagtergal à la Confédération européenne des syndicats. À Bruxelles, une proposition de réforme est en cours de négociation pour améliorer l’efficacité du FEM. Encore faut-il que les pays réfractaires acceptent d’en prolonger l’existence.

Auteur

  • PEGGY CORLIN