Un inédit d’un dialogue entre Christopher Lasch, historien américain, et Cornelius Castoriadis, psychanalyste français, est toujours un événement. Il s’agit ici de la retranscription d’une émission de télévision diffusée en mars 1986 en Angleterre, ce qui explique peut-être que le texte soit resté à ce jour inconnu du public français. Cette télédiffusion faisait partie d’une série d’émissions consacrées au prix à payer pour la modernité.

Étonnamment, le recul de quelques décennies approfondit encore la portée des propos, dont on peut dire qu’ils étaient non seulement d’actualité mais encore prémonitoires. Les deux auteurs y abordent les effets moraux, psychologiques et anthropologiques induits par le capitalisme moderne. Ils y décrivent comment, dans un système qui cherche à s’étendre à tout ce qui peut faire marché, les liens sociaux et de voisinage s’étiolent au profit d’une universalisation abstraite des relations entre individus dans les échanges marchands, d’une part, et d’un repli sur la sphère privée, de l’autre, faute de vrais espaces partagés.

L’égoïsme devient non seulement la règle de survie dans un environnement hostile, mais la valeur suprême émergeant. Gauche comme droite semblent s’entendre pour promouvoir le profit comme valeur cardinale. Toute la question étant de savoir si, pris par la frénésie de consommation qui accompagne cette logique dévoratrice, tout espoir de bonheur, voire de démocratie ne devient pas tout simplement caduc.

La Culture de l’égoïsme

Christopher Lasch et Cornelius Castoriadis, Flammarion, 112 pages, 10 euros.