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Enquête

« La loi sur l’emploi des seniors a surtout conduit les entreprises à parler des seniors »

Enquête | publié le : 30.10.2012 | LAURENT POILLOT

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« La loi sur l’emploi des seniors a surtout conduit les entreprises à parler des seniors »

Crédit photo LAURENT POILLOT

E & C : Vous avez examiné 126 plans et accords déposés en janvier 2010 auprès de la Direccte Bretagne*. Quels enseignements avez-vous tirés ?

N. P. : Nous avons passé en revue 523 actions. Parmi elles, le tutorat a été la formule la plus utilisée, ainsi que l’accès à la formation – notamment pour favoriser l’accès au DIF et à la VAE – et les entretiens de deuxième partie de carrière – qui ont été prévus par 84 des 126 plans et accords. Ceux-ci sont toutefois un dispositif “passe-partout”. Visiblement, les entreprises ne savaient pas quoi en faire, malgré une circulaire de juillet 2009 proposant des exemples d’application. Concrètement, le contenu de ces entretiens pouvait revêtir deux dimensions : soit préparer le départ à la retraite, soit déceler des solutions de mobilité pour les secondes parties de carrière.

E & C : Qu’avez-vous retenu s’agissant des mobilités ?

Les actions les plus significatives ont été individualisées. Je me souviens qu’une entreprise de fabrication textile a mis du temps pour réussir la mobilité d’une opératrice senior en confection dont le nouveau poste qu’elle lui destinait impliquait des interventions assistées par ordinateur. Il s’agissait d’une promotion, mais la personne craignait d’échouer après dix-huit ans d’ancienneté. Pour lever les freins, la DRH a discuté avec les syndicats et proposé une mise à l’essai de six mois avec possibilité de retour. Sa formation a été difficile, au début. Le tutorat de cette opératrice par un jeune salarié ne marchait pas. Il a fallu que le tuteur soit senior et de même profil qu’elle pour que sa situation s’améliore. Après six mois, elle est devenue aussi efficace que d’autres salariés plus jeunes. On peut donc s’interroger sur les chances de succès de dispositifs de mobilité quand ils sont menés sans concertation, à grande échelle.

E & C : La loi de 2009 sur l’emploi des seniors a-t-elle échoué à changer les fins de carrière ?

Son intérêt a été d’amener les entreprises à parler des seniors. Beaucoup de DRH nous ont confié qu’ils connaissaient mal cette population avant de mettre en place les entretiens de deuxième partie de carrière. Les mentalités évoluent. Mais les résultats sont encore anecdotiques. Ils le sont en termes de recrutements, ainsi que d’aménagement des fins de carrière. Seulement 30 entreprises sur 126 ont pris des mesures d’aménagement des temps. Et seulement neuf ont prévu une orientation des salariés vers des postes plus doux.

E & C : Le contrat de génération peut-il changer la donne ?

Il me rappelle la campagne sur les CCD seniors mis en place en 2005 pour les personnes proches de la retraite, sur une durée de trois ans. Un an après sa mise en œuvre, seulement vingt contrats avaient été signés à l’échelle nationale. Xavier Bertrand, alors ministre du Travail, avait parlé d’échec. En fait, ce contrat n’avait été utilisé que par des entreprises qui, même sans les aides associées à ce contrat, auraient gardé leurs salariés plus longtemps. On peut penser que le contrat de génération suivra la même logique d’économie de charges, mais je doute qu’il suffise à susciter des créations d’emploi.

* “Coopérations intergénérationnelles : Quels outils mobilisés pour quels objectifs ? Une analyse des accords et plans seniors en Bretagne”.

L’étude, réalisée avec Gwénaëlle Poilpot-Rocaboy, professeur de GRH à l’université de Vannes, et Alain Chevance, chargé de mission à l’Aract Bretagne, a porté sur 126 plans et accords déposés en janvier 2010. Étude reprise dans Gestion des seniors dans les entreprises françaises : vers un renouveau ? Encyclopédie des diversités, dir. Jean-Marie Peretti, éd. EMS.

Auteur

  • LAURENT POILLOT