logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

Les tensions internes dépistées à l’aide d’une grille d’indicateurs

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 23.10.2012 | SOLANGE DE FRÉMINVILLE

La démarche mise au point par Michel Vézina, spécialiste québécois de la santé au travail, a été expérimentée en Languedoc-Roussillon en 2011-2012. Elle a permis d’identifier des risques psychosociaux, puis de mettre en place des actions de prévention.

En 2011 et 2012, sollicités par le le centre de bilans de compétences (CIBC) Gard-Lozère-Hérault et par des médecins du travail, douze établissements employant de 27 à 380 salariés ont accepté d’expérimenter une démarche innovante destinée à identifier et prévenir les risques psychosociaux. Élaborée sous la direction de Michel Vézina, professeur à l’université Laval (Québec) et spécialiste de la santé au travail, l’approche a pour première particularité de cibler les risques liés à l’organisation du travail et aux pratiques de gestion, grâce à une grille précise d’indicateurs, qui sert de cadre aux interventions.

« Il s’agit d’aller au-delà des ressentis individuels en recueillant des faits concrets. Le but est de dresser un tableau aussi objectif que possible de la situation », souligne Irène Bianzina, psychologue au CIBC, qui a conduit l’expérimentation dans plusieurs entreprises. Pas de questionnaires individuels remis aux salariés – méthode habituelle en France –, mais des entretiens collectifs conduits par deux psychologues du CIBC : le premier avec des dirigeants et des représentants des salariés, le deuxième avec quelques salariés volontaires, connaissant bien l’entreprise et appartenant aux différents métiers ou services.

Douze indicateurs

Un troisième entretien se déroule avec le médecin du travail. Toujours selon le même canevas, la grille définie par Michel Vézina est composée de douze indicateurs. Les six premiers portent sur le contexte de l’emploi, l’absentéisme et les politiques favorisant la santé au travail. Les six autres ciblent les principaux facteurs de risque : la charge de travail, l’autonomie décisionnelle, la reconnaissance et le soutien social (de la part des collègues ou de la hiérarchie). « Si la charge de travail est élevée et l’autonomie faible, il y a un risque d’épuisement professionnel. De même, si les efforts demandés sont importants, alors que la reconnaissance est faible », explique Michel Vézina. Au regard des informations recueillies lors des entretiens, le psychologue cote chacun des indicateurs de 0 (aucun risque) à 3 (niveau de risque le plus élevé) et aboutit ainsi à une note globale. « La grille est simple, concrète et facile à intégrer au document unique (DU). Le fait d’objectiver grâce à un système de cotation est rassurant pour les chefs d’entreprise. Cela permet aussi de dégager quelques pistes d’action et de les noter dans le DU », souligne Nelly Sellier, médecin du travail au CMIST (service interentreprises de santé au travail, à Alès), qui a participé à l’expérimentation. La dernière étape, la restitution des résultats de la grille avec tous les participants, est essentielle, puisqu’elle a pour objectif d’échanger sur les mesures à prendre pour prévenir les risques identifiés et de susciter une mobilisation collective.

« Cette démarche permet d’évoquer des sujets qu’on n’aborde jamais de manière collective et de mesurer le climat social, remarque Gilles Capdessus, dirigeant de la société gardoise MSL, fabricant de stores, qui emploie 28 salariés. Le premier résultat a été une sensibilisation du personnel aux risques psychosociaux. Au quotidien, quand une situation se tend, nous nous référons à nos échanges au cours de cette démarche collective. Nous avons aussi mesuré les risques liés à notre saisonnalité. Désormais, je renforce l’effectif pendant la période où notre activité augmente fortement. » Dans un magasin Intermarché qui emploie 150 salariés à Juvignac (Hérault), l’outil s’est également révélé mobilisateur. L’investigation a fait ressortir deux principales sources de mal-être : l’agressivité des clients et des tensions entre les différents services. Convaincue de la nécessité d’agir, la direction a accepté une série de mesures destinées à épauler le personnel : dépôt de plainte en cas de parole déplacée d’un client ; écoute anonyme et confidentielle des salariés par une déléguée syndicale, chargée ensuite d’alerter la direction ; rédaction de chartes, l’une portant sur les risques d’agression, l’autre sur les règles de bonne conduite, etc.

Faible niveau de risques

Même dans des organisations qui se veulent exemplaires, la démarche a porté ses fruits. Dans un établissement d’Idexx, un groupe américain spécialiste du diagnostic vétérinaire qui emploie 43 salariés à Montpellier, l’application de la grille a mis en évidence de faibles niveaux de risques sur la plupart des indicateurs. Un bilan positif, qu’aurait pu mettre en péril un point noir : une charge de travail élevée en 2011. « La démarche a permis de faire remonter un diagnostic objectif auprès du groupe et, ensuite, de mettre en place un plan d’actions. Par exemple, nous avons décidé de mieux répartir la production dans l’année, de bannir les réunions tardives, de recourir à l’intérim en cas de congé maladie ou maternité », explique Anne-Marie Ros, responsable des ressources humaines.

Si le bilan de l’expérimentation est positif, il doit cependant être relativisé. « Toutes les entreprises étaient volontaires. Elles n’étaient pas en mauvaise santé et n’avaient pas de problèmes aigus », précisent Irène Bianzina et Nelly Sellier. Alors que, désormais, la démarche est adaptée au contexte français et que plusieurs psychologues du CIBC alésien sont formés, l’expérimentation pourrait être renouvelée dans l’Hérault.

Auteur

  • SOLANGE DE FRÉMINVILLE