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Enquête

RÉAGIR VITE POUR ÉVITER LE POURRISSEMENT

Enquête | publié le : 16.10.2012 | E. F.

Ouverte il y a un an et demi, la cellule d’alerte de Bouygues Telecom a été peu sollicitée et n’a jamais identifié de discriminations au sens légal. Toutefois, elle a permis de repérer des situations délicates et d’y mettre fin.

Bouygues Telecom est l’une des premières entreprises, après Casino et Randstad, à avoir obtenu, en octobre 2011, l’autorisation de la Cnil de créer une alerte antidiscriminations. L’opérateur n’avait cependant pas attendu le sésame administratif pour ouvrir, dès le mois d’avril 2011, son dispositif. « Nous avons pris la décision avant la délibération de la Cnil car, à l’époque, l’obligation de sa saisine n’était pas encore claire », rappelle Béatrice Le Fouest, directrice de l’égalité des chances et de la diversité à Bouygues Telecom. L’entreprise se conforme ainsi au cahier des charges du label Diversité, qu’elle obtient en juillet 2011.

Depuis un an et demi, 7 300 salariés de l’opérateur – ceux qui travaillent dans les boutiques ne sont pas concernés – ont donc la possibilité, s’ils s’estiment victimes d’une discrimination, de composer le numéro de téléphone du responsable diversité, « un ancien responsable syndical, avec de l’ancienneté, et qui ne vient pas de la filière RH », précise Béatrice Le Fouest. Les syndicats ont été consultés et ont validé le dispositif ainsi que le choix du correspondant antidiscriminations.

La rapidité privilégiée

La question s’est un moment posée d’externaliser le dispositif. Cela aurait eu pour avantage de rendre indifférent le choix du correspondant. « Nous avons préféré privilégier la rapidité de traitement, la réactivité, la proximité et la confidentialité », déclare Béatrice Le Fouest.

L’alerte a été peu sollicitée : depuis avril 2011, elle a reçu 20 appels, dont six qui laissaient présumer une discrimination, surtout autour de l’origine et de l’âge. « Il y a eu des amalgames entre discrimination, mal-être et harcèlement », explique la directrice diversité. Et le comité de traitement n’a eu à se prononcer que pour deux cas – « les autres ont estimé qu’ils ne voulaient pas aller au bout de la procédure » – sans jamais conclure à une discrimination. « Nous n’avons pas conclu à une discrimination au sens de la loi, en revanche, nous avons souvent estimé préférable que les plaignants changent de service », déclare-t-elle. Elle précise qu’aucune procédure interne n’a, à sa connaissance, débouché sur une plainte devant les tribunaux. « Je m’attendais à davantage de réclamations, reconnaît Béatrice Le Fouest. Le fait qu’il y en ait si peu est le signe que les relais classiques – managers, RH, représentants du personnel – fonctionnent bien. »

Bernard Allain, délégué central de FO, le deuxième syndicat chez Bouygues Telecom, confirme que le dispositif d’alerte est complémentaire du rôle des représentants du personnel : « L’alerte permet de ratisser plus large que le canal syndical, qui suppose de s’afficher en rupture avec l’entreprise. En revanche, elle n’est pas adaptée à une discrimination comme la discrimination syndicale, qui nécessite de monter un dossier et d’aller au clash ; elle convient mieux aux petites discriminations larvées et quotidiennes qui pourrissent la vie des salariés. » À noter par ailleurs que l’entreprise est couverte par des accords égalité professionnelle, handicap et seniors.

Selon Béatrice Le Fouest, il n’était pas nécessaire, compte tenu du petit nombre de saisines, « de dépenser de l’argent auprès d’un prestataire extérieur ». Elle estime que la clé du succès de l’alerte est sa rapidité : « L’enquête doit aller vite pour qu’on trouve rapidement des solutions, car, à délaisser un salarié dont le mécontentement est en général ancien, il y a un risque que la situation s’envenime jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus être réglée sans recours contentieux. »

UNE PROCÉDURE POUR SE PRÉMUNIR DES DÉLATIONS ABUSIVES

Après un premier échange avec le responsable diversité, le salarié dispose de 48 heures pour maintenir ou non sa réclamation. Dans le premier cas, le responsable RH du plaignant est alerté et une enquête « de dix jours maximum » est diligentée, selon Béatrice Le Fouest, directrice de l’égalité des chances et de la diversité de Bouygues Telecom. Un « comité de traitement », composé du responsable diversité, du RRH du plaignant et du responsable des affaires sociales, décide s’il s’agit d’une discrimination. Le cas échéant, le dossier est instruit. La personne incriminée, l’auteur de la plainte, le directeur et le CE du site, ainsi que le président du comité d’éthique, sont alors informés. Selon le résultat de l’instruction, le RRH décide des suites à donner. Si le comité de traitement estime qu’il n’y a pas de discrimination, le plaignant est informé que l’action s’arrête, et le dossier est détruit ; seule demeure une trace de la plainte.

Conformément aux exigences de la Cnil, très attentive au droit de rectification et au respect du contradictoire, le système de Bouygues Telecom est donc restreint dans son champ ; facultatif par rapport à d’autres canaux de réclamation comme les IRP ; non anonyme ; il dispose de moyens dédiés ; des données personnelles ne sont conservées que le strict nécessaire ; la personne mise en cause est informée, et toutes les personnes identifiées ont accès aux informations qui les concernent et peuvent les rectifier.

BOUYGUES TELECOM

• Activité : fournisseur d’accès à Internet et de téléphonie mobile.

• Effectif : 9 800 salariés en France.

• Chiffre d’affaires France : 5,7 milliards d’euros en 2011.

Auteur

  • E. F.