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LA CELLULE D’ALERTE EST AUSSI UN OBSERVATOIRE

Enquête | publié le : 16.10.2012 | E. F.

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LA CELLULE D’ALERTE EST AUSSI UN OBSERVATOIRE

Crédit photo E. F.

Installée depuis plus de deux ans, la cellule d’alerte antidiscriminations du ministère de l’Économie est aussi devenue une cellule d’écoute et un moyen de repérer des problèmes ayant jusque-là échappé à la vigilance de Bercy.

Faire ou faire faire ? L’éternelle question s’est posée au ministère de l’Économie lorsqu’il a décidé, courant 2009, de créer une « cellule de prévention des discriminations », dans la perspective du label Diversité – obtenu en décembre 2010. Faut-il monter un dispositif interne d’alerte pour les salariés s’estimant victimes de discrimination, ou le confier à un prestataire ? « Nous avons considéré que, sur ce sujet délicat, qui peut mettre des services en difficulté, il fallait quelqu’un qui connaisse l’administration », explique Dominique Prince, délégué à la diversité et à l’égalité professionnelle du ministère. Qui plus est, Bercy, qui compte 150 000 agents répartis sur des milliers d’implantations, a une « culture spécifique forte ». Le ministère opte donc pour une cellule interne. Choix opportun, quoique encore contesté par certains syndicats, car à l’usage, la cellule ne s’avère pas seulement un outil de traitement des discriminations mais aussi une sorte d’observatoire social et de pourvoyeur de conseils RH.

130 alertes en 2011

Ouverte au cours du premier semestre 2010 sans autorisation de la Cnil, la cellule, qui est maintenant connue de 70 % des agents, est saisie par ces derniers via un mail ou un courrier. Elle s’efforce d’accuser réception « dans les dix jours », selon Dominique Prince. Le dossier est ensuite instruit ; s’il y a présomption de discrimination, la cellule entre en relation avec le responsable RH de l’entité d’où provient la plainte. Le cas échéant, la cellule émet une recommandation. Entre-temps, l’agent incriminé est informé de l’accusation qui pèse sur lui.

La cellule est composée d’une seule personne qui y consacre environ 70 % de son temps, dont une part de conseils RH. La chargée de mission qui occupe le poste a reçu 130 alertes en 2011 ; 110 étaient de vraies alertes, en provenance d’agents, mais aussi de services, ayant également eu des besoins de conseils, ou tout simplement de parler. Sur ces 110 dossiers, 25 étaient en réalité des accusations de harcèlement. La chargée de mission s’occupe dans ce cas d’orienter les agents vers leur responsable RH.

Neuf recommandations

Les 85 dossiers restants ont donné lieu à neuf recommandations auprès des RH de proximité. « Les recommandations ont permis de résoudre les problèmes », déclare Dominique Prince. Il n’a pas connaissance d’affaires ayant finalement abouti sur le bureau du Défenseur des droits ou du procureur. Les 76 autres dossiers manquaient de preuves pour aller plus loin. Pour autant, le travail de la chargée de mission ne s’est pas arrêté au classement du dossier. « Beaucoup d’agents rappellent après le classement du dossier, explique Dominique Prince. Souvent, ce sont des ressentis très anciens. Quand nous disons aux agents qu’il faut démontrer ce qu’ils avancent, ce n’est pas ce qu’ils ont envie d’entendre. Là commence un dialogue qui peut durer plusieurs mois. »

FO Finances, le troisième syndicat du ministère, regrette que le dossier du plaignant soit uniquement traité par le ministère. « L’accusé est aussi le juge », explique Philippe Grasset, secrétaire général adjoint, qui aimerait que les syndicats soient davantage associés, voire soient une « autorité extérieure ». Il soutient néanmoins la cellule, porte d’entrée complémentaire pour traiter des discriminations.

LA SANTÉ, UN PROBLÈME REPÉRÉ GRÂCE AUX ALERTES

Les 85 dossiers de discrimination présumée instruits par la cellule de prévention du ministère de l’Économie n’ont pas permis d’identifier un discriminé type. L’âge, le sexe, la catégorie, la localisation géographique, etc., des plaignants sont proportionnels à ce qu’ils représentent dans le ministère.

En revanche, il apparaît que le handicap est la première cause de discrimination ressentie, devant l’âge, l’origine, la santé et le genre. « La question de la santé nous préoccupe, car nos responsables RH ne l’avaient pas identifiée comme un risque de discrimination », commente Dominique Prince. Le ministère a, depuis, lancé une étude auprès de ses acteurs de la santé au travail et des chefs de service. Il y sera notamment question des retours de congé maladie.

À noter qu’au niveau national, l’origine et la santé/ handicap sont les deux premières causes de réclamations devant la Halde (devenue Défenseur des droits).

Auteur

  • E. F.