logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION

Le contrôle des dépenses de formation en question

LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION | Enjeux | publié le : 09.10.2012 | VALÉRIE GRASSET-MOREL

Des micro-ordinateurs servant de supports pédagogiques durant une formation, et qui sont donnés aux stagiaires à la fin de ladite formation : est-ce pour un organisme de formation une dépense rattachable à l’action de formation dispensée, ou un cadeau à la clientèle dans le cadre de son activité commerciale ? Il y a quelques mois, les contrôleurs de la formation ont opté pour le deuxième avis, et Egilia, l’organisme en cause, a été sanctionné.

Le 2 juillet dernier, saisi par cet organisme et un autre plaignant (La Fourmi) dans le cadre d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité), le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la conformité à la Constitution des articles du Code du travail relatifs au contrôle administratif des dépenses engagées par les prestataires de formation(1). Un contrôle qui, d’après les avocats de ces organismes, serait entaché par « le caractère trop flou de la notion de bien-fondé des dépenses » et qui « entraverait la liberté d’entreprendre ».

Le 21 septembre, les neuf sages du Conseil constitutionnel ont répondu : « Le législateur a défini de façon suffisamment précise les obligations dont la méconnaissance est réprimée. Il en va notamment ainsi de l’obligation de justifier le bien-fondé des dépenses effectuées au titre de la formation professionnelle continue. Le législateur a poursuivi un but d’intérêt général, et n’a pas porté une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre. »

Cette réglementation ainsi que la doctrine administrative sur l’imputabilité des dépenses obligent les organismes de formation à de savantes contorsions pour rester dans les clous. Cette décision clarifie-t-elle la situation ? Les experts divergent. « On ne peut pas se satisfaire d’une pareille décision, alors que nous sommes régulièrement sollicités par des organismes qui s’estiment victimes de contrôles abusifs, commente Cyril Parlant, avocat de La Fourmi. Elle a cependant le mérite de faire avancer le débat et de circonscrire le contrôle aux dépenses utiles à la réalisation des formations. » Ce qui permettra, selon l’avocat, de distinguer plus clairement les dépenses liées à l’activité de formation et celles relevant du fonctionnement commercial des entreprises.

Jean-Pierre Willems, expert en droit de la formation, ne partage pas cet optimisme : « Il n’y a aucune avancée dans cette décision, mais presque une restriction dans la notion de dépenses utiles par rapport à celle de rattachement à l’activité de formation, déjà introduite dans le Code du travail en 2005. »

« Cette QPC est une erreur tactique : on pouvait s’attendre à ce que le Conseil constitutionnel valide le fait que le contrôle ne pose aucun problème. Les contrôleurs ne peuvent que se satisfaire d’une telle décision, alors que l’on constate des pratiques disparates et discutables. Par exemple, ils ont pris des positions individuelles très variables sur les évaluations post-formation, contraires au principe édicté par la DGEFP. On a l’impression d’une suspicion, d’une mauvaise compréhension et d’une non-maîtrise technique de l’activité de formation. Une véritable clarification est à conduire sur ce qui est contrôlable ou pas. » Le ministère est sorti de son long silence par deux circulaires successives sur le contrôle, qui n’ont en rien conféré un cadre plus précis. Au contraire, selon Jean-Pierre Willems : « La circulaire du 15 novembre 2011 acte que “l’appréciation de cette nécessité du rattachement à l’activité de formation laisse une grande marge de discrétion à l’agent de contrôle”. Plutôt qu’une QPC, il aurait mieux valu poursuivre un travail d’explication auprès du ministère. De plus, la période est favorable, avec un pouvoir qui se targue d’être à l’écoute. Résultat : un vrai problème, mais une mauvaise manière de le régler. »

(1) Art. L. 6362-5, 6362-7, 6362-10 du Code du travail.

Auteur

  • VALÉRIE GRASSET-MOREL