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Trois ans pour se préparer au départ

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 02.10.2012 | CATHERINE SANSON-STERN

Freescale Toulouse a préparé la fermeture de son usine de fabrication de semi-conducteurs en mettant en place un Espace Projet Emploi (EPE) trois ans plus tôt, ce qui a permis à 318 salariés de retrouver un poste avant même le démarrage des congés de reclassement

À Toulouse, la direction du fabricant de semi-conducteurs Freescale a annoncé la fermeture de son atelier de fabrication dès avril 2009, soit plus de trois ans avant l’arrêt de l’usine et l’envoi des notifications de licenciement le 10 août dernier à 397 salariés ; 318 ont déjà quitté l’entreprise depuis l’annonce. Il s’agissait pour la direction de leur donner une chance de se préparer à la reconversion très en amont, grâce à « une stratégie basée sur l’anticipation, la formation, l’accompagnement et l’aide à retrouver du travail », selon Denis Blanc, directeur du site.

Projets personnalisés

L’Espace Projet Emploi (EPE), géré par le cabinet Hommes & Développement (en sous-traitance d’Altédia, signataire d’un contrat au niveau mondial avec Freescale), s’est donc installé dans les locaux de l’entreprise en mai 2009. Il a permis aux salariés de venir, sur leurs heures de travail, réfléchir à leur avenir professionnel avec une équipe qui a oscillé entre 7 et 15 consultants.

En trois ans, plus de 11 000 entretiens individuels ont été réalisés. « On a beaucoup travaillé sur ce dont les salariés avaient envie pour faire émerger des projets professionnels personnalisés, explique Luc de Laroche, directeur associé d’Hommes & Développement. Mais aussi sur leur savoir-faire et leur savoir-être, car certains étaient à Freescale depuis trente ans, voire de père en fils, et n’avaient pas conscience de leurs compétences. »

Des ateliers collectifs sur les techniques de recherche d’emploi, la préparation à l’entretien ou de sensibilisation à la création d’entreprise ont été proposés de façon à ce que chaque salarié, de journée, de nuit ou de week-end, puisse y assister sur ses heures de travail.

L’EPE a effectué un travail de prématching et envoyé plus de 3 300 CV. L’accent a également été mis sur la formation afin de favoriser l’employabilité : 320 personnes ont bénéficié de formations diplômantes ou longues (plus de trois mois), 74 de formations non diplômantes mais reconnues par les industriels comme les CQPM (certificat de qualification paritaire de la métallurgie) et 90 de formations courtes. 14 000 euros par salarié sont prévus pour les frais pédagogiques et le salaire maintenu. Sept démarches de validation des acquis de l’expérience (VAE) sont en cours, deux ayant déjà abouti.

Solutions pérennes

Finalement, sur 821 salariés de la fabrication, 397 ont reçu leur notification de licenciement cet été* ; ceux ayant déjà quitté l’entreprise ont été encouragés par des primes de départ dégressives (40 000 euros en 2010, 25 000 en 2011-2012, contre 15 000 depuis la notification) : 41 % ont retrouvé un emploi dans l’industrie – Airbus et ses sous-traitants ont fait 38 recrutements en CDI, CDD et intérim long –, 17 % dans le commerce, 12 % dans les services aux entreprises, 8 % dans l’éducation et autant dans la construction… Tous ont trouvé une « solution pérenne », selon la direction.

Pour Denis Blanc, « les mesures d’anticipation ont très bien fonctionné ». Mais les syndicats sont moins optimistes. Ils soulignent la souffrance psychologique générée par la perspective du licenciement et par la dégradation des conditions de travail liée au recrutement d’intérimaires insuffisamment formés pour remplacer les salariés partis. « En 2011, le taux d’arrêts maladie et de dépression a augmenté fortement », affirme Éric Hirson, délégué CGT.

Le congé de reclassement choisi par la majorité des 397 salariés notifiés en août leur donnera neuf mois pour continuer à chercher un emploi avec leur salaire maintenu, entièrement durant le préavis (entre deux et six mois) puis avec 65 % de leur salaire brut. Le maintien de salaire sera intégral pour les 29 salariés handicapés et les 113 de plus de 55 ans.

Sur les murs de l’EPE, de nombreuses annonces, classées par profil (ingénieurs, techniciens ou opérateurs), sont punaisées. « Grâce à nos partenariats stratégiques avec 400 entreprises, nous proposons en septembre 730 offres qualifiées, comptabilise Luc de Laroche. Nous avons bon espoir qu’une part significative des 397 retrouve rapidement un emploi. Mais nous accompagnerons tous les salariés jusqu’à l’aboutissement de leur projet professionnel, y compris au-delà des neuf mois de congé de reclassement. »

« On traitera au cas par cas jusqu’à ce que chacun nous indique qu’il a trouvé une solution qui lui convient », confirme Denis Blanc. « En espérant que ce ne sera pas des petits boulots », prévient Thierry Delhomme, délégué syndical CGT, rappelant l’évolution du discours de la direction d’“un CDI pour tous” à “une solution pour tous”.

* 106 personnes seront notifiées ultérieurement : les salariés protégés et 70 participants au démantèlement des équipements.

DATE CLÉS

2007 : premier plan de départ volontaire de l’atelier de fabrication (100 personnes) et accord de méthode sur les modalités de départ et d’accompagnement.

2008 : deuxième plan de départ volontaire (200 personnes).

Mai 2009 : création de l’Espace Projet Emploi et annonce de la suppression de 1 057 postes.

Octobre 2009 : notification du licenciement de 236 cadres et ingénieurs de l’activité téléphonie et confirmation de la fermeture de l’atelier de fabrication (821 personnes) dans les deux ans.

Février 2010 : démarrage du PSE.

Août 2012 : arrêt de la production et notification de licenciement à 397 salariés de la fabrication. Poursuite de l’activité R & D avec 500 ingénieurs.

Auteur

  • CATHERINE SANSON-STERN