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Salariés et chômeurs pourront-ils encore compter sur l’Afpa ?

Actualités | publié le : 02.10.2012 | LAURENT GÉRARD, VALÉRIE GRASSET-MOREL

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Salariés et chômeurs pourront-ils encore compter sur l’Afpa ?

Crédit photo LAURENT GÉRARD, VALÉRIE GRASSET-MOREL

90 000 chômeurs mais aussi 70 000 salariés en poste sont formés chaque année par l’Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). Le plan de refondation de son nouveau président va-t-il encore le permettre ?

Le 24 septembre, le nouveau président de l’Afpa, Yves Barou, a présenté un plan de refondation de l’association dans un contexte interne inédit de crise financière, identitaire, organisationnelle et pédagogique, l’Afpa ayant frôlé la cessation de paiement cet été. Ce plan de refondation est donc ressenti par les 9 300 salariés de l’Association pour la formation professionnelle des adultes comme le dernier plan avant le naufrage.

Recentrage

Yves Barou souhaite refonder l’Afpa autour « d’une nécessaire recapitalisation de l’association, une restructuration territoriale, mais aussi un abandon des activités d’hébergement et de restauration traditionnellement dévolues à l’association, au profit d’un recentrage sur son activité d’ingénieur et de dispensateur de formation ». Les précisions techniques de cette refondation sont loin d’être clarifiées à ce stade. Un jeu subtil et complexe est engagé entre la nouvelle direction de l’association, la tutelle gouvernementale et la gouvernance interne dans laquelle les syndicats sont administrateurs. L’avenir nous dira dans quel type de détails le diable se manifestera. Quoi qu’il en soit, Yves Barou vise « un retour à l’équilibre budgétaire en 2015 et une situation d’excédent en 2016 »!

Le sort de l’Afpa ne peut laisser les DRH indifférents, car 42 % des personnes formées chaque année par l’association sont en effet des salariés en poste en entreprise. Les autres sont des demandeurs d’emploi. Ces chiffres peuvent surprendre ceux qui ne voient l’Afpa que comme une “usine de formation des chômeurs”. L’association a certes formé 92 267 demandeurs d’emploi en 2011, mais ils ne représentent que 15 % des demandeurs d’emploi en formation annuellement. La même année, 67 542 salariés en poste ont suivi une formation dans un des 216 centres Afpa. Parmi eux, 4 706 jeunes y sont entrés en contrat de professionnalisation, soit une croissance de 17 % par rapport à 2010. Les secteurs tertiaire et industriel concentrent respectivement 79 % et 14 % des nouveaux contrats. Parallèlement, 53 000 salariés en poste sont venus à l’Afpa se perfectionner dans un métier, essentiellement dans le bâtiment et l’automobile. Enfin, 5438 salariés y ont poursuivi un CIF.

86,5 % de réussite

Bilan, selon Yves Barou, dans son rapport d’activité 2011 à paraître prochainement : « Le taux de réussite aux titres professionnels des salariés est supérieur à celui des demandeurs d’emploi. Il est de 86,5 % à la suite d’une formation et de 82,7 % dans le cadre de la VAE. Le volume d’heures de formation salariés a atteint 10,2 millions en 2011, ce qui représente 8 % du chiffre d’affaires. Mais ces actions marquent un recul aussi bien en nombre d’entrées (- 0,8 %) qu’en nombre d’heures. Cette diminution traduit le raccourcissement des parcours de formation pour répondre à la demande des clients et prescripteurs de les adapter et de les individualiser davantage. Parallèlement, l’activité CIF a baissé de 2,6 %, du fait de la diminution de 3 % du nombre d’entrées, et de la réduction des formats des formations désormais proposées. Mais elle est aussi imputable à la diminution du taux d’acceptation des dossiers par les Fongecif. »

Mettre en valeur les points forts

Ce bilan pose la question de la compétitivité de l’offre Afpa. Yves Barou en fait le 10e point de son plan de refondation : « L’analyse des contrats perdus met en lumière les faiblesses à corriger : failles dans la qualité de réponses aux appels d’offres, insuffisante réactivité, réponses perçues comme trop rigides et insuffisamment sur mesure, écarts de prix. Notre compétitivité-prix doit s’améliorer significativement. Mais, parallèlement, la qualité des réponses aux appels d’offres doit permettre de mieux mettre en valeur nos points forts et la qualité de l’accompagnement. C’est un des objectifs du plan de refondation. »

Une analyse que ne réfute pas Éric Peres, secrétaire général de FO Cadres et membre du collège des organisations syndicales du conseil d’orientation de l’Afpa : « Ce plan de refondation rompt drastiquement avec les deux plans stratégiques consécutifs imposés par la direction précédente et, en cela, c’est une bonne chose ! Ces précédents plans ont privé l’association de ses capacités d’innovation en matière de formation. »

Comment cette thématique fondamentale, qui touche au cœur même du savoir-faire pédagogique de l’Afpa va-t-elle être gérée par la nouvelle équipe de direction ? Ce sera certainement une des clés de l’affaire.

« Ambition et inquiétude », pour la CGT

« Le projet de refondation de l’Afpa présenté par Yves Barou va dans le bon sens et est ambitieux », commente Jacques Coudsi, administrateur CGT de l’association. « L’Afpa paie le prix fort de l’entretien d’un patrimoine qui ne lui appartient pas, mais peine également à recruter des stagiaires pour remplir ses sessions de formation, d’autant que la décentralisation a eu pour effet de la placer en concurrence directe avec d’autres organismes de formation, parfois publics. L’Afpa n’est plus, aujourd’hui, en situation de pouvoir assurer sa mission, alors que la barre des trois millions de chômeurs vient d’être franchie et que les plans sociaux se multiplient. Il s’agit moins de sauver l’Afpa que d’assurer la pérennité du service qu’elle rend au pays ! Si l’on reste dans une logique où seule prévaut la survie de l’association et l’assurance de son équilibre financier, alors nous ne sortirons pas de la spirale infernale dans laquelle elle a été plongée. Laurent Wauquiez s’était déjà engagé sur des promesses de recapitalisation, qui n’ont jamais été tenues. Quant à la sous-traitance des activités de restauration, on nous a alertés sur le cas d’apprenants ne pouvant prendre qu’un seul repas par jour pour cause de prix trop élevés ! »

« Des procédures d’achat à assouplir », selon l’ARF

« L’État n’a pas rempli ses obligations envers l’Afpa, aujourd’hui en grande difficulté financière et sans fonds propres : c’est à lui que revient la mission de recapitaliser l’institution », déclare Jean-Paul Denanot, président du conseil régional du Limousin et de la commission formation de l’Association des régions de France. « Le plan de refondation va dans la bonne direction en réaffirmant sa mission de service public auprès des demandeurs d’emploi et des salariés dont l’emploi est détruit, et en insistant sur la préservation de son maillage territorial. Par ailleurs, l’ARF travaille avec le nouveau président à un accord spécifique qui pourrait être conclu entre l’Afpa et les régions sur la façon de passer commande au-delà d’une année, sur trois à cinq ans par exemple. Cela sécuriserait l’Afpa. Yves Barou a bien compris qu’il fallait trouver une solution pour assouplir les procédures d’achat de l’Afpa tout en respectant le droit de la concurrence. Enfin, les régions feront le point prochainement pour préciser celles qui accepteraient de devenir propriétaires du patrimoine immobilier de l’Afpa et celles qui ne le souhaitent pas. La solution des baux emphytéotiques de longue durée entre les sites Afpa et l’État n’est pas satisfaisante. De sérieux ravalements sont parfois nécessaires, et les ateliers de formations industrielles et du BTP sont très lourds à entretenir. Les régions sont prêtes à contribuer financièrement, mais pas à n’importe quel prix… »

Le gouvernement n’exclut pas une recapitalisation

« L ’Afpa n’est pas encore au bout de sa réflexion sur ses besoins financiers exacts : nous attendons ses propositions pour peut-être envisager une recapitalisation, et ne nous fixons pas de date limite. » Ainsi s’est exprimé Michel Sapin, ministre du Travail, le 25 septembre. « Quand nous sommes arrivés, l’Afpa était proche du dépôt de bilan. Mais le gouvernement a souhaité garder un service public de la formation. Nous avons donc choisi de prendre des mesures. Les premières sont intervenues en juin et concernaient notamment la gouvernance de l’association. Ceux qui étaient à la tête de l’Afpa n’y sont plus aujourd’hui, et un nouveau directeur doit bientôt être nommé. Reste que certains points doivent encore être réglés, dont la question immobilière et l’entrée de l’Afpa sur le marché concurrentiel. L’association présente des particularités qu’aucun autre organisme ne peut offrir, telles que des hébergements longue durée ou encore des plateaux techniques importants. Nous pourrons clarifier la question dans le respect de la législation européenne. »

Auteur

  • LAURENT GÉRARD, VALÉRIE GRASSET-MOREL