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Enquête

LES HEURES DE LA DISCORDE

Enquête | publié le : 25.09.2012 | C. F., STÉPHANIE MAURICE

Les heures supplémentaires restent un sujet conflictuel dans l’entreprise et pas seulement pour des questions d’exonérations sociales et fiscales. Beaucoup de contentieux se cristallisent sur leur déclaration. C’est le cas à La Poste : « Parce que le nombre de facteurs se réduit, les tournées donnent lieu à des heures supplémentaires de plus en plus systématiques, commente Claude Quinquis, responsable des activités postales CGT Fapt. Mais, ces heures sont rarement payées dans leur totalité. Le management n’en retenant dans son comptage souvent qu’une partie. »

Un problème qui contribue selon les syndicats au mal-être des postiers. L’inspection du travail aurait déjà dressé plusieurs PV pour déplorer l’impossibilité de vérifier si les horaires étaient respectés, et de nombreuses actions aux prud’hommes sont en cours, précise Claude Quinquis.

Mesurer correctement le nombre d’heures

La direction de La Poste conteste et fait valoir qu’elle n’a jamais été condamnée pour travail dissimulé : « Les heures supplémentaires donnent lieu à une rémunération ou à un repos conformément à la réglementation. » Elle ajoute que « les tournées des facteurs font l’objet d’un découpage fin issu d’études régulières permettant de les dimensionner ou redimensionner en fonction de l’évolution de l’activité du courrier afin qu’elles n’excèdent pas 35 heures en moyenne par semaine. »

Ces conflits sont fréquents dans les entreprises. « C’est le motif de contentieux le plus récurrent, rappelle Franck Morel, du cabinet Barthélémy. Mais attention, devant la justice, la preuve reposera à la fois sur l’employeur et le salarié. Le décompte des heures peut émaner en effet de différentes sources : enregistrement automatisé, déclaration du salarié ou contrôle par un autre salarié. » L’usage d’instruments de gestion des temps d’activités (IGTA) qui automatisent le calcul des heures sup et évite les contestations est conseillé par Abdelkader Berramdane, directeur de la veille législative à ADP : « Ces outils sont d’ailleurs de plus en plus utilisés et régulièrement modernisés par les entreprises ».

Michel Miné, professeur de droit au Cnam, rappelle que beaucoup d’incompréhensions résultent aussi de la présence de nombreux dispositifs dérogatoires de mesure du temps de travail (annualisation, forfaits, etc.): « C’est devenu un véritable maquis où le salarié a du mal à se repérer. »

Inégalité de traitement

Les salariés à temps partiel se sentent également floués par le dispositif des heures complémentaires. Avant de bénéficier d’heures sup majorées, ils passent d’abord par les heures complémentaires. Celles-ci ne sont pas majorées, mais ne peuvent excéder 10 % du volume horaire prévu par le contrat de travail. Des entreprises employant de nombreux contrats à temps partiel en sont friandes : les heures complémentaires avoisinent ainsi, à Camaïeu, les 70 000 heures annuelles, selon les syndicats, pour 2 200 personnes travaillant moins de 35 heures par semaine. Profil type : les vendeuses, souvent embauchées sur des contrats de 22 heures

A contrario, les heures sup ne représentent que 300 heures chaque année. « Il y a trop de temps partiels chez Camaïeu, estime Cherif Lebgaa, délégué syndical FO. Nous souhaitons que l’employeur augmente les heures de travail à 35 heures, mais il veut garder la souplesse de ce système. » Il rappelle qu’un contrat de 22 heures est rémunéré 680 euros net.

À Kiabi, autre acteur important du prêt-à-porter, un accord de modulation limite désormais le recours aux heures complémentaires. « Le temps de travail a été annualisé, avec des semaines allant de 0 à 34 heures, explique Murielle Gasperment, déléguée centrale CGT Kiabi. Il n’y a des heures complémentaires qu’après la période de modulation. » Le salarié doit être prévenu de son volume horaire hebdomadaire dix jours avant. Mais le respect de cette règle reste encore variable, déplore la syndicaliste.

« Il y a une forte inégalité de traitement entre les temps partiels et les temps pleins, commente Michel Miné. Demain, la Cour de cassation pourrait se saisir de cette question et imposer une majoration de 25 % dès la première heure qui excède le temps partiel, comme cela existe pour les temps pleins. Elle pourrait utiliser l’argument de l’égalité homme-femme. Les temps partiels étant surtout occupés par les femmes, on peut en effet considérer qu’il y a discrimination. Ce motif avait été retenu par une jurisprudence européenne, le 6 décembre 2007, dans une affaire qui concernait une salariée allemande. »

Auteur

  • C. F., STÉPHANIE MAURICE