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« L’entreprise doit apprendre et désapprendre vite »

Enquête | publié le : 18.09.2012 | L.G.

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« L’entreprise doit apprendre et désapprendre vite »

Crédit photo L.G.

E & C : Où en est le knowledge management, ou la gestion des connaissances, aujourd’hui ?

P. P. : Il sert au plus près et au plus vite les besoins de l’entreprise. Il est devenu un “KM action”, parfois sans pouvoir prendre en compte totalement les besoins non immédiats, les travaux de fond, la gestion des prochains cycles de connaissances ni le moyen terme.

Cette proximité du business influe sur les structures de rattachement de la fonction : direction générale, R & D, direction des opérations, DRH, direction du marketing ou de la communication… Cela a un effet bénéfique, car le sponsor des projets est directement impliqué ; mais aussi un effet négatif quand les transversalités intermétiers, interpays, intergroupes ne sont pas assez prises en compte.

E & C : Pourtant, les premières manifestations du KM ont laissé des souvenirs de bureaucratie, de lourdeur.

P. P. : En effet, le terme de knowledge management fait parfois peur, car il évoque des souvenirs désagréables de cartographies exhaustives, de saisies de métadonnées… Le KM a vu le jour à la fin des Trente Glorieuses, lorsque les entreprises ont dû développer des avantages concurrentiels durables grâce à des compétences distinctives et à des actions d’amélioration de la qualité des produits. Le KM était alors centré sur la gestion des stocks de connaissances : cartographie des connaissances, gestion des documents, capture, formalisation et stockage des savoirs informels… C’était l’époque du “KM écureuil” ou “KM frigo” : l’entreprise capitalisait les connaissances comme les écureuils le font pour les noisettes, et, comme eux, avait du mal à retrouver ses trésors !

Ces activités étaient utiles, voire vitales ; elles se sont depuis considérablement diversifiées et complexifiées, grâce aux nouveaux ordinateurs, langages et logiciels, à l’augmentation continue de la puissance de calcul, puis à l’Internet. Aujourd’hui, il n’y a plus un, mais des KM, chaque entreprise ayant à faire face à des problématiques spécifiques : stratégie, marché, longueur du cycle d’innovation, contexte social et financier…

E & C : L’enjeu du knowledge management aujourd’hui est-il d’opérer un passage de la gestion du stock à celui des flux ?

P. P. : Absolument, mais sans perdre le stock ! Le cycle de réutilisation des connaissances peut être très long : 40 ou 50 ans pour les activités minières ou nucléaires. Ces durées excèdent la durée de travail des collaborateurs porteurs de ces connaissances. Il est indispensable de conserver ces savoirs en s’attaquant à deux problèmes : déterminer les connaissances potentiellement réutilisables ; et les formaliser pour les utiliser dans le futur, dans un contexte technique, économique, culturel qui aura évolué. Il faut vaincre le temps et l’espace.

À l’inverse, quand les connaissances ont un cycle de vie très court, l’entreprise doit surtout apprendre et désapprendre vite, et de façon collective, afin que tous les collaborateurs disposent des connaissances actualisées nécessaires. C’est un des cas où les entreprises vont utiliser les techniques sociales du KM : communautés de pratique, annuaires enrichis, réseaux sociaux d’entreprise, moteurs de préconisation…

E & C : Et demain ?

P. P. : L’enjeu du KM est d’aider les entreprises à défendre leur position sur le marché mondial. Il a encore de beaux jours devant lui, car sa pratique est très ancienne, sans doute aussi vieille que l’humanité. À l’avenir, le knowledge manager disposera de plus en plus de méthodes et d’outils : réalité virtuelle augmentée, exploitation du big data… Cela facilitera une adaptation permanente, sous-tendue par une vision stratégique des évolutions.

* Pierre Prével est ancien responsable e-learning-KM de deux groupes bancaires français, coanimateur de l’association Cop-1, secrétaire général adjoint de l’Observatoire des réseaux sociaux d’entreprise et codirecteur du projet Netexplo digital ready.

Auteur

  • L.G.