logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

LE KM N’EST PAS KO

Enquête | publié le : 18.09.2012 | LAURENT GÉRARD

Image

LE KM N’EST PAS KO

Crédit photo LAURENT GÉRARD

La gestion des connaissances et savoirs de l’entreprise, ou knowledge management (KM), est devenue plus proche des attentes opérationnelles de l’activité. Mais n’hésite pas non plus à faire émerger les talents cachés des collaborateurs. Le pari ? Tomber sur une pépite qu’on ne soupçonnait pas. Mais la hiérarchie est parfois réticente.

Qui parle encore de KM, knowledge management, gestion des connaissances de l’entreprise ? Où sont passés les nombreux séminaires, débats, échanges qui fleurissaient voilà dix-quinze ans sur ce thème ? À l’époque, certains n’hésitaient pas à déclarer que la formation professionnelle traditionnelle était finie et que l’avenir de la construction des compétences et des connaissances passait désormais par l’échange, l’informel, le peer to peer, l’apprentissage direct…

Trop ambitieux, trop idéaliste ? En tout cas, aujourd’hui, peu d’entreprises emploient le terme KM, « qui fait peur et a laissé un souvenir de lourdeur bureaucratique », explique Pierre Prével, secrétaire général adjoint de l’association Cop-1, réunissant les responsables du KM dans les grandes entreprises. Il est vrai que le sujet n’a pas été aidé par les débats publics des dix dernières années sur la formation professionnelle, qui ne l’ont le plus souvent abordé que sous l’angle des moyens, des Opca, des “tuyaux”… mais rarement sous l’angle de la gestion des savoirs et des pédagogies. Sur ce point, gouvernants comme partenaires sociaux gestionnaires du système de formation continue n’ont rien promu : on attend toujours des analyses qualitatives des différentes réformes, restructurations…

Repositionnement

Pendant ce temps, le KM a continué d’exister dans les (grandes) entreprises et, finalement, il n’est pas KO : il s’est repositionné. En juin dernier, dans la revue de l’Association des professionnels de l’information et de la documentation (ADBS), une trentaine de responsables de KM ont fait un point sur l’état de l’art de la gestion des connaissances. Quatre d’entre eux ont accepté d’aller plus loin dans la présentation concrète de leurs réalisations en témoignant dans ce dossier.

Ziryeb Marouf, qui pilote l’ambitieux projet Plazza d’Orange (lire p. 24), explique l’angle d’attaque de ce réseau social très ouvert : il s’agit de « créer un annuaire social sur les compétences, afin de trouver des choses extraordinaires alors qu’on ne les cherche pas au départ ». Un leitmotiv partagé par Lamis Zolhof, à la tête de la cellule de gestion de la connaissance et du travail collabora-tif de l’infrastructure de la SNCF (lire p. 26) : « L’objectif est de gagner en savoir, en qualité et en temps, tout en évitant de réinventer des pratiques déjà existantes. » La double difficulté de cette « ouverture des portes et des fenêtres sur les échanges, les connaissances et les vécus des salariés » réside dans l’attente du rendu et dans l’attitude de la hiérarchie. « La valeur ajoutée des échanges transversaux qualitatifs, qui permettent de profiter de l’expérience des autres, est difficilement mesurable », observe Judith Will, KM manager à BNP Paribas Cardif (lire p. 29). « Cette logique collaborative va à l’encontre de l’esprit de hiérarchie », constate Maryannick Van Den Abeele, KM manager à La Poste.

Point d’achoppement

À cela s’ajoutent les difficultés propres à la fonction des responsables du KM. Leur positionnement dans l’organigramme de l’entreprise est très divers : certains ont la chance d’être rattachés au Comex, d’autres se sentent très seuls ! Leurs relations avec les autres acteurs du service ressources humaines demeure un point d’achoppement : certains regrettent de vivre dans un rapport concurrentiel, notamment avec le service formation, d’autres n’ont de cesse de se féliciter du travail collaboratif mené avec lui !

Quoi qu’il en soit, les promoteurs du knowledge management veulent continuer à porter le message que l’avenir économique ne passera que par la connaissance et les échanges à son propos. Un point de vue conforté par l’analyse d’Aurélie Dudezert, maître de conférences en sciences de gestion et spécialiste du management des connaissances à l’École centrale : « La connaissance devient la ressource clé pour les entreprises. Le problème est que la connaissance est bien souvent indissociable de l’individu : elle est portée par lui, elle se développe selon un processus particulier associant l’individu à l’organisation, elle est très largement tacite et intégrée à des situations et des pratiques de travail… Ce qui fait que la connaissance n’est pas contrôlable et gérable selon les modalités traditionnelles de gestion des ressources. L’entreprise peut gérer et contrôler certaines formes de connaissance explicite et formalisée, mais elle doit surtout être un facilitateur de sa création pour toutes ses autres formes, en agissant sur ses voies de circulation afin de faciliter son développement. Puis elle doit en tirer les conséquences pour son organisation. » Toutes les entreprises sont-elles prêtes à l’entendre ?

L’ESSENTIEL

1 Malgré des difficultés à trouver sa place dans les organigrammes, le knowledge management n’a pas disparu. Il est à la recherche de nouvelles approches qui valoriseront les connaissances des salariés.

2 Le travail collaboratif et les échanges transversaux permettent de révéler les ressources “cachées” de l’entreprise.

3 Les obstacles au développement de ces nouvelles pratiques résident dans la difficulté à les gérer et à les contrôler selon des modalités traditionnelles.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD