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E-tracts et intranets syndicaux : dernières nouveautés

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 18.09.2012 |

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E-tracts et intranets syndicaux : dernières nouveautés

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Les syndicats ont abandonné les affiches au profit de sites Internet, les courriers au profit des courriels et les tracts au profit des “e-tracts”. La pratique évoluant plus rapidement que le Code du travail, la Cour de cassation est venue préciser les dispositions applicables aux “e-tracts” et autres intranets syndicaux au moyen de deux arrêts des 10 janvier et 23 mai 2012.

Dans la première espèce, un délégué syndical avait adressé depuis son ordinateur et sa messagerie personnels un tract signé de l’intersyndicale à l’attention des 35 agences du Crédit maritime mutuel de Bretagne-Normandie. Ce tract était arrivé dans la boîte mail des directeurs de ces agences.

Or, l’article L. 2142-6 du Code du travail prévoit que seul un accord d’entreprise peut autoriser la mise à disposition des tracts de nature syndicale par diffusion sur la messagerie électronique de l’entreprise. Cependant, en l’espèce, aucun accord d’entreprise n’avait été signé dans ce domaine. La diffusion de tracts syndicaux sur la messagerie professionnelle de salariés n’était pas autorisée.

Dans ces circonstances et sûre de son bon droit, l’entreprise avait adressé un avertissement au salarié délégué syndical. Avertissement que ce dernier s’était empressé de contester.

La cour d’appel, constatant l’absence d’accord d’entreprise relatif aux “e-tracts” syndicaux, avait estimé que la sanction était proportionnée à la faute constatée.

Toutefois, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. En effet, la cour constate que seuls les directeurs d’agence, et non l’ensemble des salariés, avaient reçu cet e-tract. Sur ce fondement, elle considère que le délégué syndical n’a pas « diffusé » son tract au sens de l’article L. 2142-6 du Code du travail. L’e-tract n’était donc pas répréhensible.

L’exigence d’un accord collectif n’est plus un préalable nécessaire en cas d’envoi d’un e-tract syndical à partir de sa boîte mail personnelle aux seuls représentants de l’employeur, même s’ils sont nombreux. Il est donc probable que les boîtes mail des représentants de l’employeur seront bientôt assaillies d’e-tracts sans réelle possibilité pour celui-ci de réagir.

Dans le second arrêt rendu le 23 mai 2012, la Cour de cassation vient préciser sa jurisprudence de 2011 relative au principe d’égalité entre syndicats s’agissant de l’accès à un intranet dédié. En effet, depuis les arrêts des 21 septembre 2011 et 11 janvier 2012, un accord pris sur la base de l’article L. 2142-6 du Code du travail relatif à la mise en place d’un intranet syndical doit bénéficier aussi bien aux syndicats représentatifs qu’à ceux qui ne le sont pas, pour autant qu’ils aient créé une section syndicale. L’arrêt du 23 mai, se fondant sur ce même principe d’égalité, précise qu’il est tout aussi interdit de distinguer syndicats représentatifs au niveau de l’entreprise ou d’un établissement.

En l’espèce, l’accord d’entreprise limitait la possibilité de créer des liens entre les sites syndicaux centraux et ceux des établissements aux seuls syndicats représentatifs au niveau de l’entreprise. Cependant, un syndicat représentatif au niveau d’un établissement avait inséré des liens renvoyant aux sites syndicaux d’autres établissements. L’entreprise avait alors fermé le site de ce syndicat, ce que ce dernier avait contesté en justice. La Cour de cassation, donnant raison au syndicat, sanctionne l’attitude de l’employeur sur ce point.

La cour a jugé que les syndicats représentatifs au niveau local ou d’un établissement doivent pouvoir bénéficier de l’ensemble des fonctionnalités offertes par l’intranet aux syndicats représentatifs au niveau central. Sur le fondement du principe d’égalité entre syndicats, la Cour de cassation limite donc la liberté de négociation des entreprises en matière d’intranet syndical.

Il ressort de ces arrêts une nette tendance de la Cour de cassation à étendre la liberté d’utilisation des technologies de l’information et de communication par les syndicats, ce qui risque de conduire les entreprises à être d’autant plus méfiantes.

Amélie d’Heilly, avocate à GLH Associés, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.