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Crèches d’entreprise : faire ou faire faire ?

Pratiques | publié le : 11.09.2012 | SÉVERINE CHARON

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Crèches d’entreprise : faire ou faire faire ?

Crédit photo SÉVERINE CHARON

Fortement aidées par les pouvoirs publics, les crèches d’entreprise se développent. La tendance est à la délégation de gestion à un prestataire, ce qui permet d’en optimiser l’utilisation, au détriment toutefois de la dimension fédératrice.

Au mois de mai dernier, la P’tite Hirondelle, la crèche d’entreprise de l’assureur lyonnais April, a fêté son cinquième anniversaire. Depuis 2007, elle a accueilli 125 enfants de salariés. Avec un effectif composé à 70 % de femmes et un âge moyen de 35 ans, c’est une réponse importante à la problématique de la parentalité pour April. L’exemple est emblématique des entreprises qui ont investi le champ de la garde des très jeunes enfants grâce aux aides des pouvoirs publics et des caisses d’allocations familiales (CAF) initiées en 2004. Cette politique en faveur du développement des crèches d’entreprise s’inscrit dans l’objectif global de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Une crèche favorise l’emploi féminin et l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Selon une enquête réalisée par Babilou, un gestionnaire de crèches d’entreprise, huit parents sur dix estiment que ce service concourt à leur fidélisation à l’entreprise.

Plébiscite

Pourtant, chez April, tout n’était pas joué au départ, et la crèche n’était pour l’assureur qu’un projet parmi d’autres. « Dans l’Aprilium, le nouveau siège social d’April, un espace libre subsistait au rez-de-chaussée. Le personnel a été consulté pour choisir entre plusieurs possibilités, notamment un restaurant d’entreprise, une salle de sport et une crèche. La crèche a été plébiscitée », raconte Émilie Bertrand, responsable emploi et image employeur chez April. Mise en place par April sous forme d’une association loi 1901, elle accueille 28 berceaux, et a fonctionné avec un budget de 245 000 euros en 2011. April prend en charge 60 % de ce montant, mais le coût final est très raisonnable : compte tenu du crédit impôt famille et de la déductibilité des frais (lire encadré), le coût net annuel pour l’employeur s’élève à 40 000 euros, soit un peu moins de 120 euros par mois et par enfant accueilli à temps plein. Du côté des familles, les coûts sont également modérés puisque le barème national de la Cnaf est appliqué, comme pour une crèche municipale : c’est donc la solution de garde la moins coûteuse qui soit.

Une demande sur trois satisfaite

Au conseil d’administration de la crèche siègent la directrice de la structure, des parents salariés et des dirigeants d’April. La gestion au quotidien est assurée par la directrice de la crèche qui emploie ses propres salariés, mais elle est suivie de près par les parents et par April. « Pour gérer les demandes et accorder les places, nous avons un système de priorisation des dossiers et une commission d’admission qui se tient en avril. Nous ne pouvons satisfaire qu’une demande sur trois chaque année, mais nous ne détectons pas de frustration chez les collaborateurs. Ceux-ci jouent le jeu, car ils apprécient grandement que leur employeur propose un service encore très peu répandu », précise Émilie Bertrand. La gestion directe d’une crèche par l’entreprise reste cependant une exception.

Les laboratoires Weleda, qui emploient à Huningue, en Alsace, environ 330 personnes, ont eux aussi profité de la politique publique d’aide à la création de crèche. Bâtiment HQE, projet pédagogique fidèle à la méthode Steiner-Waldorf (le philosophe Rudolf Steiner, qui a inspiré les écoles du même nom, est également le fondateur de Weleda), l’entreprise a voulu créer une crèche à son image. « Bien sûr, l’entreprise Weleda a pleinement conscience qu’en proposant les services d’une crèche à ses salariés – dont 70 % de femmes âgées de 37 ans en moyenne –, elle contribue à leur sérénité. Mais ce projet va beaucoup plus loin et s’inscrit pleinement dans la culture de l’entreprise par ses choix architecturaux, environnementaux et pédagogiques », précise Estelle Bisch, directrice des ressources humaines à Weleda France. Du coup, les laboratoires, contrairement à April qui a installé sa crèche dans des locaux vacants de son siège social, ont investi 1,3 million d’euros pour la construction du bâtiment destiné à accueillir la crèche. La CAF a de son côté encouragé le projet en apportant une subvention de 250 000 euros.

Après la conception, Weleda a choisi de déléguer la gestion à un spécialiste, Crèche Attitude. Jusqu’à présent, tous les salariés de Weleda qui en ont fait la demande – qu’ils travaillent à temps plein ou partiel – ont pu faire garder leurs enfants dans cette crèche, dont les quelques places encore vacantes sont proposées à des entreprises voisines. Pour l’employeur, libéré de la gestion opérationnelle de la structure d’accueil comme du recrutement du personnel, cette opération se traduit par un coût annuel de 12 500 euros brut et de 2 083 euros net par berceau en temps plein, soit 173,50 euros mensuels, donc un peu plus qu’à April.

Sujet sensible

Apparus dans le sillage des incitations financières mises en œuvre par les pouvoirs publics, les gestionnaires privés de crèches comme Crèche Attitude ( ou Babilou, Crèche & Cie, People & Baby, Les Petits Chaperons Rouges…) changent la donne. En amont, ils jouent un rôle de conseil auprès de DRH qui n’ont pas forcément une juste connaissance des aides existantes. En aval, les gestionnaires prennent en charge la structure, le recrutement du personnel et, sujet sensible, l’attribution des places en fonction du barème décidé par l’employeur. « Au final, le coût moyen net mensuel d’un berceau est de 250 euros », déclare Rodolphe Carle, Pdg de Babilou, sachant que le coût de l’immobilier, l’amplitude horaire et le taux de fréquentation de la crèche sont les principaux déterminants du coût d’une place.

Justement, pour optimiser la fréquentation des structures, les gestionnaires mettent en place depuis deux ans des réseaux de réservation (BBbook, 1001 Crèches…), ce qui contribue à transformer les crèches voulues et créées par un employeur en structures ouvertes à la réservation, même si ce dernier (ou une mairie) en est le réservataire principal. Avec ces réseaux, pour le même coût, les gestionnaires proposent aux entreprises des places dans une crèche proche de leur siège social ou des places dans un réseau de crèches privées.

Cette solution a été retenue par IBM l’année dernière. « À la suite du déménagement du siège social à Bois-Colombes (92), le projet de crèche d’entreprise a pris forme. Une étude de besoins a permis de déterminer la proportion de collaborateurs prêts à venir à Bois-Colombes avec leur enfant, et de définir le partage des places entre la crèche proche du siège et la réservation de places dans le réseau », explique Christine Dureuilh, assistante sociale à la DRH d’IBM France.

Satisfaire les demandes

Le projet permet également une montée en charge progressive : 40 places en septembre 2011, 50 en septembre 2012. « À terme, nous proposerons 60 places et devrions ainsi satisfaire la très grande majorité des demandes exprimées par les salariés employés à temps plein relevant du CE Paris Banlieue », indique Christine Dureuilh.

Par ailleurs, autre avantage du système de réservation de places, il rend le service également accessible à des salariés nomades (consultants, commerciaux…) et à de très petites entreprises. Cette solution perd en revanche l’aspect fédérateur que présentent les projets d’April ou de Weleda.

L’ESSENTIEL

1 Facilitant la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, la crèche d’entreprise est très prisée des salariés.

2 Depuis 2004, les aides des pouvoirs publics et des caisses d’allocations familiales ont permis à certaines entreprises de proposer ce mode de garde à un coût modéré.

3 Si le recours à un gestionnaire privé offre une grande facilité de mise en œuvre, le bénéfice de la gestion directe réside dans son aspect fédérateur.

Fortes incitations financières des pouvoirs publics

Alors qu’en 2010, 833 000 bébés sont nés en France (plus qu’en 2006 ou 2008, années records depuis vingt-cinq ans), l’offre publique de garde des enfants de moins de 3 ans continue à être jugée défaillante, selon le rapport Grésy sur l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et familiales, publié en 2011. Selon les travaux de la parlementaire Michèle Tabarot, publiés en 2008, un tiers des femmes qui se sont arrêtées de travailler à la naissance de leur enfant évoquent un problème de garde et « une majorité d’écrits converge actuellement vers un chiffre de besoins non couverts de 350 000 places », rappelle le rapport Grésy. Dans ce contexte, l’entreprise est désormais partie prenante dans la question de la parentalité, un sujet explicitement intégré dans l’accord national interprofessionnel sur l’égalité professionnelle de 2004. Afin de favoriser l’action de l’employeur, le Crédit impôt famille (CIF), créé en 2004, a même été doublé à 50 % en 2009 pour les dépenses destinées à financer la création ou le fonctionnement de crèches. Par ailleurs, le coût d’une place en crèche est une charge fiscalement déductible, et donne donc lieu à une économie d’impôt sur les sociétés.

Auteur

  • SÉVERINE CHARON