E & C : L’expression publique des salariés sur leur employeur n’est pas un phénomène récent. Que changent les réseaux sociaux ?

S. C. : La publication d’insultes ou de révélations sur Internet concernant un employeur n’est jamais qu’une variation technologique d’un problème classique, qui existait avant Internet. Le phénomène a cependant ceci de particulier que les salariés qui s’expriment sur les réseaux sociaux sont extrêmement insouciants. Ils pensent que ce qu’ils y écrivent restera dans le cercle intime. Or, contrairement à ce qu’arguent les fournisseurs d’accès aux réseaux sociaux, les amis de mes amis n’y sont pas toujours mes amis, comme l’a montré l’affaire Alten (lire p. 26).

E & C : Que peuvent faire les entreprises pour réduire les risques ?

S. C. : Le droit fixe des limites à la liberté d’expression des salariés et commence à prendre en compte la spécificité des réseaux sociaux, notamment la question de savoir si celui-ci est ouvert ou fermé. Toutefois, les entreprises préfèrent éviter les contentieux, dont l’issue est réputée favorable aux salariés. Il est vrai que, si le dossier n’est pas très étayé, mieux vaut ne pas saisir le juge.

À mon sens, la charte négociée est une bonne solution. Cette charte ne doit pas être un catalogue de bonnes intentions mais être précise sur l’accès aux réseaux sociaux depuis le poste de travail, notamment sur la durée de cet accès pendant les heures de travail et sur les informations que les salariés peuvent diffuser.

D’autre part, la charte doit être opposable, car l’employeur ne peut reprocher à un salarié d’enfreindre une règle qu’il ne connaît pas. C’est pourquoi je recommande de l’annexer au règlement intérieur.

E & C : En développant des réseaux sociaux internes, les entreprises se prémuniraient-elles contre une expression incontrôlée de leurs salariés sur Internet ?

S. C. : L’une remplaçant l’autre… Je ne sais pas. En revanche, lorsqu’une entreprise crée son réseau social, elle devient éditrice, ce qui, pour elle, est plus risqué. En outre, un réseau social interne, sur lequel les salariés vont lisser leur expression, ne se substitue pas à un réseau social sur Internet.