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Enquête

LES RÉSEAUX SOCIAUX SANS SOUCIS

Enquête | publié le : 11.09.2012 | E. F.

Afin d’encourager ses salariés à devenir ses ambassadeurs sur les réseaux sociaux, France Télécom-Orange a publié un guide de bonnes pratiques qui fait l’impasse sur les risques encourus et devra encore s’imposer face à une culture de la hiérarchie.

Encourager les salariés à parler de leur employeur sur les réseaux sociaux tout en cadrant leur expression. C’est à ce petit exercice de communication que s’est livré France Télécom-Orange en publiant, en 2011 un “Guide de bonnes pratiques d’utilisation des médias sociaux”. Le groupe de téléphonie, fournisseur d’accès ADSL, se devait en effet d’adopter une attitude offensive sur les médias sociaux. Orange, dont 35 000 salariés sont inscrits sur le forum interne, Plazza, saisit l’opportunité de faire de ses collaborateurs des ambassadeurs de la marque. En outre, « il était important de mettre en avant l’expertise de nos spécialistes des médias sociaux, notamment les community managers, et d’intégrer ces médias dans les usages quotidiens afin de fidéliser les jeunes recrutés, habitués à ces outils », explique Éric Barilland, directeur de l’image et de la communication employeur à la DRH groupe.

Expression libre mais responsable

Par ailleurs, l’entreprise, soucieuse de son image et de ses secrets industriels, devait aussi fixer des règles et des limites à l’expression de ses salariés sur le Web 2.0. « Nos relations avec les blogs et les réseaux sont émaillées de moments positifs et négatifs, mais le guide n’est pas une réponse à un événement particulier, explique Éric Barilland. Il est né du besoin de salariés qui avaient déjà l’habitude de s’exprimer sur les médias sociaux de formaliser des conseils par écrit. » D’où des échanges, auxquels la direction des RH a également contribué, aboutissant à deux documents pour une expression libre mais responsable sur les réseaux sociaux. Francis Hamy, secrétaire national aux conditions de travail de la CFE-CGC-Unsa d’Orange, assure que les représentants du personnel n’ont pas été mis dans la boucle.

Usage encouragé

Le premier document, public, est le guide des bonnes pratiques à destination de « l’ensemble des employés du groupe France Télécom-Orange qui souhaitent utiliser les médias sociaux pour effectuer des tâches professionnelles et s’exprimer à propos du groupe ». Il s’adresse également aux collaborateurs extérieurs (intérimaires, sous-traitants…) qui s’expriment sur l’entreprise ainsi qu’à ses représentants officiels.

Le second document, confidentiel, décrit « la politique de maîtrise de l’information sur les médias sociaux externes ». Ce dernier, qui traite de la politique de sécurité du groupe, s’adresse aux entités, aux managers et aux responsables des systèmes d’information. « Nous avons dissocié les deux questions pour dédramatiser le sujet, le but étant d’encourager l’usage des médias sociaux », explique Éric Barilland. De fait, le guide, qui doit tout de même avoir été « lu et accepté » par le salarié qui souhaite un accès Internet total depuis son poste de travail (les autres ne disposant que d’un accès limité), ne contient rien qui puisse décourager les bonnes volontés. En décrivant ce qu’il convient de faire, il donne également, en creux, ce qu’il ne faut pas faire, mais sans jamais évoquer les sanctions en cas de manquement.

Après avoir présenté son objectif et défini, à l’attention des néophytes, Internet et ses possibilités, le guide émet des recommandations sur la manière d’utiliser les médias sociaux, en distinguant trois cas de figure : dans un objectif professionnel (veille, conférence en ligne, consultation de CV, accès à des forums professionnels) ; pour des raisons personnelles (dès lors que le salarié parle de l’entreprise ou depuis le réseau d’entreprise quel que soit le sujet); et enfin pour les représentants officiels du groupe.

Les auteurs ne sont pas avares de conseils sur la manière de s’inscrire sur les médias sociaux, de contribuer, de partager des fichiers et de protéger ses données. En revanche, ils sont beaucoup moins diserts sur ce que risquent les salariés. À l’intention de ceux qui voudraient parler d’Orange sur leur blog ou leur page personnelle, il est simplement rappelé qu’ils sont soumis au devoir de réserve et au principe de loyauté définis dans leur contrat de travail, et qu’ils « doivent respecter la loi ». Silence donc sur le risque de licenciement pour avoir dénigré sa hiérarchie sur Facebook (prud’hommes de Boulogne-Billancourt, 19 novembre 2010). S’agissant des salariés qui se connectent depuis leur lieu de travail, le guide précise que les informations enregistrées peuvent être utilisées pour identifier des actes délictueux, et que les manquements aux règles de protection de l’information peuvent engager la responsabilité de son auteur. Ce qui permet à l’entreprise de satisfaire à l’obligation d’informer le salarié sur l’utilisation de la collecte des données. Mais silence également sur la faute grave pesant sur le cadre abusant (41 heures en un mois, en l’espèce) de sa connexion Internet professionnelle à des fins personnelles (Cour de cassation, 18 mars 2009). « Les règles évoluent beaucoup », justifie Éric Barilland. « C’est une bonne synthèse des connaissances en matière d’utilisation des réseaux sociaux, déclare Francis Hamy. Mais ce mélange de droit strict et de droit mou est typique de la façon de faire de France Télécom-Orange. » Il constate par ailleurs que le guide n’est pas très connu des salariés et que les demandes d’accès à l’Internet, conditionnées à l’acceptation des recommandations du guide, ne sont pas nombreuses.

Injonctions contradictoires

Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC-Unsa d’Orange, donne plusieurs explications à ce désintérêt : l’âge moyen élevé des salariés de France Télécom, une fierté d’appartenance « qui n’a pas retrouvé son niveau d’avant la crise [des suicides] », et, surtout, les injonctions contradictoires de la direction. « Il y a une strate de managers qui est restée après le départ de l’ancienne direction. Ils ne croient pas que les salariés puissent avoir une autonomie et ne veulent pas des réseaux sociaux, qui risqueraient de les fragiliser. »

Retrouvez le “guide de bonnes pratiques d&rsquo;utilisation des médias sociaux” de France Télécom sur <www.wk-rh.fr>, Entreprise & Carrières, rubrique docuthèque.

Auteur

  • E. F.