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Enquête

LA LIBERTÉ D’EXPRESSION SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX A SES LIMITES

Enquête | publié le : 11.09.2012 | E. F.

UNE LIBERTÉ RELATIVE

Le principe qui régit l’expression des salariés sur les réseaux sociaux et dans l’espace public en général est celui de la liberté relative. Le Code du travail dispose en effet que « les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail » (L 2281-1). Plus loin, le Code précise que « les opinions que les salariés – quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle – émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement » (L 2281-3). Toutefois, l’employeur peut poser des limites : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché » (L 1121-1).

LA JURISPRUDENCE POSE LES LIMITES

La jurisprudence prend ensuite le relais pour décrire ce qui justifie une restriction. La première limite est le respect de l’employeur. Ainsi, la liberté d’expression du salarié s’exerce sous réserves de l’abus, entendu comme des propos injurieux, diffamatoires et excessifs (chambre sociale de la Cour de cassation, 20 octobre 2011, n° 10-30680). Par exemple, qualifier son lieu de travail de « camp de concentration » est un abus (Cass. soc. du 6 mars 2012, n° 10-27256). En outre, les juges sont beaucoup moins tolérants lorsque les propos injurieux ont été écrits que lorsqu’ils ont été prononcés sous le coup de la colère.

La seconde limite repose sur le principe émergent de “délicatesse”. Ainsi, un salarié « n’a pas le droit de révéler qu’un collègue est malade », illustre Stéphane Choisez, avocat spécialisé dans les risques d’entreprise, associé au cabinet NCA. Il constate par ailleurs que, si la jurisprudence définit ce qu’est une insulte ou une diffamation sur les réseaux sociaux, ce n’est pas encore le cas s’agissant de la confidentialité. Toutefois, précise-t-il, « on peut se faire l’écho de ce qui est connu, par exemple un rachat révélé par la presse, mais pas de ce qui est confidentiel, comme un processus industriel ».

NUL N’EST CENSÉ IGNORER LE PARAMÉTRAGE DE SON COMPTE

Les réseaux sociaux introduisent ensuite la question de savoir ce qui relève de la conversation privée ou du débat public. La jurisprudence qui émerge est que l’excuse d’ignorance du fonctionnement du réseau social est insuffisante à éviter une sanction. C’est ce qu’ont estimé les prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 19 novembre 2010 en donnant raison à Alten, qui avait licencié deux salariés ayant échangé sur Facebook des propos critiques concernant leur hiérarchie, ensuite rapportés par un autre salarié. Les licenciés ont argué que l’échange n’était pas ouvert à tous les internautes, mais le tribunal a constaté que le salarié avait « choisi » de paramétrer son compte pour le partager avec « ses amis et leurs amis », « permettant ainsi un accès ouvert ». Même raisonnement de la cour d’appel de Besançon le 15 novembre 2011 (n° 10-02642). « Nul n’est censé ignorer le paramétrage de son réseau social », résume Stéphane Choisez, qui explique que la publicité donnée aux propos prime sur leur gravité. À noter toutefois qu’un arrêt de la cour d’appel de Douai du 16 décembre 2011 (n° 10-02317) va dans le sens contraire pour des propos diffamatoires d’un salarié sur son profil Facebook, non ouvert au public.

Auteur

  • E. F.