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Enquête

« La GPEC n’a pas systématisé les passerelles entre les métiers »

Enquête | publié le : 04.09.2012 | ÉLODIE SARFATI

E & C : Dans le cadre d’une enquête à paraître effectuée pour la Dares, vous avez étudié une dizaine d’accords GPEC de grands groupes et leur mise en œuvre. Dans quelle mesure la GPEC accompagne-t-elle les transformations de l’entreprise ?

M. M. : Dans cette étude, nous avons voulu analyser la façon dont les deux principaux aspects de la GPEC sont appliqués, à savoir sa dimension collective – l’accompagnement de projets stratégiques de l’entreprise – et sa dimension individuelle, qui passe par la sécurisation des parcours professionnels. Il en ressort que la GPEC est d’abord un instrument au service des entreprises. Elle sert à gérer les réorganisations, mais pas seulement. Il peut s’agir, comme dans les banques, de renouveler les effectifs partant à la retraite, voire, dans un groupe de haute technologie, d’augmenter le turnover pour rajeunir le personnel.

E & C : Lorsqu’ils accompagnent les transformations de l’entreprise, les outils de la GPEC sont-ils orientés vers la mobilité interne ou externe ?

M. M. : Il n’y a pas de réponse unique. Certaines entreprises utilisent exclusivement la mobilité interne, car ce n’est pas dans leur culture de raisonner en termes de mobilité externe et elles ont en général une longue tradition de dialogue social. L’éventail des outils va de la simple bourse des métiers sur l’intranet à des dispositifs complets de reconversion. Dans d’autres cas de figure, si les outils de la mobilité interne sont valorisés sur le papier, dans les faits, c’est en général la mobilité externe qui a primé, car l’entreprise garde la main et agit en fonction de ses intérêts. Certaines utilisent la GPEC avant tout pour accompagner des suppressions d’emploi ou préfèrent recruter des jeunes diplômés plutôt que d’investir sur la formation de leurs salariés. Repositionner les salariés en interne, mettre en œuvre des passerelles entre les métiers, cela demande une forte volonté de la part d’une entreprise.

E & C : Quand elle n’est pas liée à un objectif précis de réorganisation, la GPEC a-t-elle favorisé la mobilité professionnelle des salariés, notamment lorsque leur métier est menacé à terme ?

M. M. : Pas vraiment. Certes, les entreprises ont généralement défini des cartographies ou des référentiels de métiers, des observatoires ou des commissions ad hoc au sein desquels on échange sur l’évolution des métiers. Elles ont en revanche assez peu développé sur le terrain les passerelles entre les métiers. Celles-ci ne sont généralement mises en œuvre que dans le cadre des projets de l’entreprise, sur des postes qu’elle a ciblés, mais les passerelles ne sont pas systématisées. C’est pourquoi l’appropriation par les salariés des outils de la GPEC demeure marginale – pourtant, l’un des objectifs de la GPEC est de les rendre acteurs de leur évolution professionnelle. Les parcours professionnels étant mal identifiés, ils n’ont pas de visibilité sur les évolutions possibles entre leur métier et un autre, ce qui freine la mobilité. Quant aux salariés qui occupent un emploi menacé et dont on sait que le reclassement sera compliqué, ils devraient bénéficier d’importants moyens en formation pour garantir leur employabilité. Là encore, ce n’est le cas que si cela correspond à un besoin identifié par l’entreprise. Les directions déplorent bien souvent une trop faible culture de la mobilité en France, mais, de leur côté, elles demandent à leurs salariés de bouger au moment où elles en ont besoin, et ce, dans des délais contraints.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI