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Enquête

DU NAVAL AU NUCLÉAIRE

Enquête | publié le : 04.09.2012 | E. S.

La baisse de commandes de son donneur d’ordre principal a conduit la PME normande à former ses ouvriers à d’autres métiers.

« On n’a peut-être pas d’accord GPEC, mais on en a quand même adopté la démarche »: chez ACE, la reconversion des ouvriers du pôle naval a été une réussite. Sous-traitant de DCNS depuis une vingtaine d’années, il se trouve confronté, dès 2008, à une importante baisse de charge. Pour les 120 ouvriers très spécialisés qui travaillent sur les coques des sous-marins, l’avenir s’annonce difficile. Pour ACE, il s’agit alors de trouver une alternative au chômage partiel et au licenciement économique pour ses meuleurs, préchauffeurs ou encore soudeurs à l’arc. Or, avec le lancement du chantier de l’EPR de Flamanville, ACE, également sous-traitant d’EDF et d’Areva, a d’autres perspectives de développement.

« Nous savions que nous aurions besoin de tuyauteurs et de soudeurs formés au procédé TIG, explique Florence Jaouën, la DRH. Sur ces compétences, nous n’avions pas les ressources suffisantes en interne et ce sont des métiers en tension sur le marché du travail. » L’idée de reconvertir les salariés du pôle naval vers ces métiers porteurs, également défendue par la CFDT, majoritaire, s’impose alors. Mais elle n’est pas si évidente, car ces ouvriers, dont 35 % ont plus de 50 ans, disposent de savoir-faire pointus mais spécifiques à la fabrication de sous-marins et peu transférables : « Ils faisaient ce métier depuis parfois plus de quinze ans et certains, comme les meuleurs, n’avaient pas de qualification », ajoute Bernard Pivain, délégué syndical CFDT.

« Quand on m’a parlé de formation, j’ai été pris d’angoisse, car j’avais quitté les bancs de l’école à 18 ans », se souvient Jacques, préchauffeur depuis quatorze ans et désormais titulaire d’un CAP tuyauteur. « Cela n’a pas été simple, confirme Florence Jaouën. Les salariés allaient intégrer un nouveau chantier, sur un nouveau lieu de travail, dans un autre environnement, avec d’autres collègues. Ils appréhendaient aussi ces changements. Je les ai reçus plusieurs fois en entretien. Pendant les formations, j’allais régulièrement les voir. Ils ne se sont jamais sentis abandonnés. »

Bernard Pivain, de son côté, met en avant sa propre expérience pour convaincre les plus réticents : à 48 ans, après avoir été préchauffeur pendant vingt ans, il a passé un BTS pour devenir animateur sécurité environnement, à la suite d’une inaptitude.

Donnant-donnant

Dispensées par l’Afpa, les formations durent jusqu’à quatre mois et s’étalent sur 2009 et 2010. Durant cette période, plus de 70 % de l’effectif d’ACE suit une formation et le budget alloué monte à 6 % de la masse salariale. « Avec l’accord des salariés, nous avons mixé DIF et périodes de professionnalisation, précise la DRH. C’était une façon de les rendre acteurs de la démarche, et une forme de donnant-donnant. »

Au final, hormis une rupture conventionnelle, tous les salariés concernés vont au bout de la démarche et retrouvent un emploi, parfois mieux rémunéré. « Un jeune salarié, meuleur depuis sept ans, sans diplôme, a suivi une formation de décontamineur. Il est aujourd’hui responsable d’une équipe de cinq personnes dans le démantèlement, sur le chantier d’Areva à La Hague », raconte Bernard Pivain. En tout, une vingtaine d’ouvriers opèrent une véritable reconversion et obtiennent une qualification en tuyauterie, robinetterie ou chaudronnerie. Et 70 autres suivent une formation d’acquisition de nouvelles compétences en informatique ou soudage.

Leur intégration sur le nouveau poste se fait progressivement, en fonction de la montée en charge des autres pôles d’activité. « Il a fallu accepter quelques situations temporaires de sureffectifs, mais il y a eu une grande solidarité entre les salariés. Certains ont anticipé leurs congés pour permettre à tout le monde de travailler », souligne Florence Jaouën. Pour elle, l’expérience « nous a appris à mieux anticiper. Nous nous réunissons régulièrement avec les opérationnels pour faire le point sur nos besoins et nos ressources internes. Elle a aussi créé une certaine appétence à la formation. Récemment, un ouvrier formé en tuyauterie est venu me voir pour demander une formation en soudage ».

ACE

• Activité : fabrication et maintenance d’équipements industriels.

• Effectifs : 370 salariés.

• Chiffre d’affaires : 35 millions d’euros.

Auteur

  • E. S.