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Délocalisations : des droits aux logiques opposées

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 04.09.2012 |

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Délocalisations : des droits aux logiques opposées

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Si le droit du travail national et communautaire limitent les délocalisations pour éviter que les entreprises françaises ou étrangères implantées en France ou en Europe ferment leurs usines pour s’installer à l’étranger, le droit international appréhende les délocalisations comme une pratique positive permettant d’assurer le développement et la stabilité des pays émergents.

Notre droit du travail est traditionnellement conçu comme un outil visant à rétablir l’équilibre des rapports de force entre employeurs et salariés. Il est aussi appréhendé comme un “rempart” contre les délocalisations d’entreprise. En cette période de crise, il devient, plus que jamais, un élément de protectionnisme économique pour éviter que les entreprises françaises ou étrangères implantées sur notre territoire national ou communautaire ferment leurs usines pour produire, à moindre coût, à l’étranger.

Rappelons ainsi qu’en droit français la mise en œuvre d’une réorganisation susceptible d’avoir un impact sur l’emploi doit reposer sur des difficultés économiques avérées ou à tout le moins prévisibles. Ce faisant, toute fermeture d’entreprise ou d’établissement justifiée par une simple amélioration de rentabilité – fût-ce aux fins de permettre au groupe auquel elle appartient de rester compétitif face à des concurrents produisant à l’étranger – reste interdite et sévèrement réprimée.

Au-delà, des mesures d’ordre dissuasif existent : un employeur projetant de procéder à des licenciements pour motif économique doit, au préalable, en informer l’administration. Le préfet, s’il estime que ce projet est de nature à affecter l’équilibre économique du ou des bassins d’emploi au sein duquel il doit être mis en œuvre, peut imposer aux employeurs de contribuer à des actions visant à en atténuer les effets… Il s’agit pour l’essentiel de mesures dites de « revitalisation du bassin d’emploi », prévoyant la ratification d’une convention entre l’entreprise et l’autorité administrative et le versement par l’employeur d’une contribution, dont l’objet est de permettre la mise en place d’actions tendant à dynamiser l’emploi dans les zones “sinistrées”.

Le droit communautaire suit cette même logique. Plusieurs textes et résolutions œuvrent ainsi à limiter les délocalisations et à favoriser le retour d’entreprises en Europe au moyen d’aides spécifiques.

La législation internationale appréhende, en revanche, les délocalisations d’une manière radicalement opposée. Le droit international, comme notre droit national, arbitre les rapports entre employeurs et salariés. Le droit du travail constitue, à cet égard, un moyen de promouvoir activement les Droits de l’Homme en améliorant les conditions de vie des travailleurs les plus pauvres.

Les délocalisations d’entreprises sont dès lors considérées, sous cet angle, comme une pratique positive. Les normes élaborées par l’Organisation internationale du travail (OIT) en attestent : prohibition du travail forcé, âge minimum des salariés, réglementation du travail de nuit, sécurité et santé des travailleurs… Les entreprises s’implantant dans les pays défavorisés, contraintes de respecter les normes ratifiées par le pays d’accueil, participent ce faisant à l’amélioration des conditions de vie des salariés qu’elles emploient.

L’OIT s’est d’ailleurs attelée à la mise en œuvre d’un vaste programme promu sous l’appellation « pour un monde meilleur ». Une commission sur la dimension sociale de la mondialisation a ainsi été créée en 2002. Déjà, dans un rapport rendu en février 2004, le Bureau international du travail affirmait que la mondialisation impliquait l’émergence « d’une conscience planétaire, sensible à l’injustice que représente la pauvreté, la discrimination entre les sexes, le travail des enfants… »

Le droit international du travail appréhende le marché mondial dans sa globalité, loin des problématiques nationales individuelles auxquelles sont confrontés les pays marqués par la crise. En charge d’assurer la régulation d’un marché mondial en pleine construction, le droit international ne peut que favoriser les délocalisations puisqu’elles constituent le plus sûr moyen d’assurer le développement et la stabilité des pays émergents. Les délocalisations, comme outil contribuant à la création d’un monde meilleur…

Rémi Dupiré, avocat au cabinet Dupiré & Associés, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social