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Une arme contre la crise et la pénibilité

Pratiques | publié le : 28.08.2012 | CHRISTIAN ROBISCHON

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Une arme contre la crise et la pénibilité

Crédit photo CHRISTIAN ROBISCHON

Seul un tiers des CIF visent un diplôme de niveau supérieur. Les autres préparent à une transition professionnelle sans montée en qualification, pour fuir un travail pénible ou pour réagir rapidement face à la crise, assure une étude menée par sept Fongecif.

À quoi sert le CIF ? Une étude menée par sept Fongecif (Alsace, Bretagne, Centre, Île-de-France, Paca, Pays de la Loire et Rhône-Alpes) auprès de 40 000 bénéficiaires du congé individuel de formation, et présentée début juillet, a identifié quatre types d’usage de ce CIF, soit autant de formes de transition professionnelle. La “transition sans montée en qualification”, autrement dit le changement de domaine d’activité sans changement de niveau, est le cas le plus courant : 53 % des bénéficiaires de CIF sont concernés. Suivent la “transition externe avec montée en qualification” (28 %), la “transition interne à qualification constante” (12 %) et la “transition interne avec hausse de niveau” (7 %). Les deux tiers des changements s’opèrent donc sans montée en qualification.

À qui sert le CIF ? Là encore, la réponse est nette : le public bénéficiaire est marqué par une surreprésentation des bas niveaux de qualification (41 % de niveaux V et VI, seulement 30 % au-delà du bac) et des salariés travaillant dans des PME (70 % des personnes en sont originaires).

Tels sont les enseignements majeurs de cette étude d’une ampleur inégalée sur le CIF et le parcours professionnel. Les sept Fongecif ont mis en commun leurs informations sur 40 000 bénéficiaires du CIF en 2009 et 2010, « soit 57 % du total national », relève Vincent Pigache, vice-président du Fongecif Ile-de-France. Ils en ont décortiqué la trajectoire : de quels métiers viennent-ils, vers lesquels se dirigent ceux qui en changent, au terme de quelle formation ? À cette fin, les organismes paritaires ont créé un observatoire, financé sur leurs fonds propres.

Sécuriser son emploi

Cette étude élargit un premier travail mené par trois Fongecif (Alsace, Bretagne, Rhône-Alpes) sur 5 600 bénéficiaires quelques années plus tôt, selon une grille de lecture un peu différente. Elle s’accompagne de 25 monographies, descriptions détaillées de changements d’orientation professionnelle par le témoignage personnel des intéressés.

La transition telle que définie par l’Observatoire désigne deux passages : de la situation professionnelle initiale à la formation consécutive à l’entrée en CIF, puis de cette formation à un nouvel emploi. L’étude s’est concentrée sur la première phase. En effet, la passerelle emploi-formation s’analysera à partir des conclusions attendues à la rentrée d’une autre enquête du FPSPP dans le cadre de son évaluation du CIF.

Mais pourquoi les deux tiers des transitions professionnelles dues au CIF s’opèrent-elles sans montée en qualification ? Les raisons sont multiples. Le manque de confiance dans la capacité à suivre une formation supérieure est un véritable frein psychologique, et l’inquiétude créée par la crise pousse certains à se reconvertir dans l’urgence ou à acquérir rapidement une compétence de plus dans leur entreprise ou leur branche afin de sécuriser leur emploi. Exemples respectifs de ces cas de figure très fréquents : un préparateur en outillage, alerté par les délocalisations de sa société, qui choisit de devenir maréchal-ferrant ; et un chauffeur-livreur qui ajoute la spécialité de conducteur-grutier.

Des choix de plus en plus individualisés

« Mais le changement n’est pas que subi : la recherche du mieux-être et d’un meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle intervient dans de nombreux cas », observe Frédérique Dorgère, chargée d’études au Fongecif Bretagne, coordinatrice technique de l’observatoire. On quittera ainsi de son plein gré son métier pour aller vers un autre moins usant physiquement ou moralement, ou permettant de passer plus de temps avec sa famille. Ainsi, une ouvrière en agroalimentaire, en proie à des douleurs physiques, est devenue auxiliaire de vie ; un maître d’hôtel, une fois jeune papa, s’est reconverti en électricien, métier aux horaires de travail plus stables… « Un quart d’entre eux vont jusqu’à choisir un métier de diplôme inférieur, moins rémunéré, mais jugé plus sécurisé. En somme, les choix sont de plus en plus individualisés », ajoute Frédérique Dorgère.

Sans surprise, la minorité des bénéficiaires du CIF visant une hausse de qualification se recrute parmi le public le plus qualifié au départ. Pour ceux qui s’élèvent en niveau de diplôme tout en restant dans leur métier d’origine, le CIF ne représente souvent qu’une étape dans un parcours qui vise à monter de plusieurs crans. Ainsi, un titulaire d’un BTS passé de technicien de maintenance à chargé d’affaires par le CIF vise désormais le diplôme d’ingénieur par une VAE.

Selon l’observatoire, le choix d’opérer une transition professionnelle intervient en moyenne vers l’âge de 40 ans, au bout de quatorze ans de carrière. Il concerne donc des personnes relativement bien “établies” (même si peu d’entre elles sont restées dans le même métier depuis leur entrée dans la vie active). Ceci explique sans doute leur temps de maturation assez long : une année entière s’écoule en moyenne entre l’idée d’entrer en CIF et le début de la formation. Celle-ci dure en moyenne 900 heures et se solde par un succès dans la quasi-totalité des cas. Ce délai de construction du projet s’allonge au fur et à mesure que l’on descend dans le niveau de qualification et le statut professionnel : il est de 13 mois pour un niveau V et 14 pour un niveau VI contre 9 mois pour un bac + 5. Treize mois sont également nécessaires à un ouvrier au lieu de 11 pour un cadre.

Accompagnement dans la durée

L’accompagnement par les conseillers du Fongecif n’est donc pas de trop pour guider ces personnes, que leur transition se fasse par choix ou par nécessité. Tel est également le message que délivre en filigrane l’observatoire. Sur ce plan, les sept Fongecif se sont sentis rassérénés par le verdict de « satisfaction sur le travail accompli » exprimé le 5 juillet par Philippe Dole, responsable du programme Contrat de sécurisation professionnelle de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales). Celui-ci avait incité les Fongecif à lancer une telle étude afin de compiler des données objectives sur la ­légitimité du CIF. Or l’étude confirme bien la vocation des Fongecif d’offrir un accompagnement individualisé dans la durée, en priorité pour un public fragilisé dans son emploi.

Cependant, Philippe Dole a également ouvert une autre piste à laquelle les Fongecif comme les formateurs devront être attentifs : « Ces résultats incitent à revoir les méthodes de formation, a-t-il conclu. Pour certains publics, le processus cognitif classique représente une difficulté, alors qu’ils seraient plus à l’aise dans une pédagogie axée sur le geste. »

L’ESSENTIEL

1 65 % des transitions s’opèrent sans élévation du niveau de qualification, qu’elles amènent à changer de domaine ou de métier en restant dans sa branche.

2 Outre des changements subis à cause de la crise, ces chiffres montrent que la recherche d’un épanouissement personnel passe avant la quête d’un diplôme supérieur et de la hausse de rémunération qu’il induit.

3 Le CIF est activé en moyenne au bout de quatorze ans de vie active, auxquels s’ajoute une année pour construire le projet personnel jusqu’à l’entrée en formation.

TRANSPORT, SANTÉ ET SOCIAL
Trois secteurs en tête des suffrages

Parmi la panoplie de 335 métiers étudiés par l’Observatoire des transitions professionnelles, quelles catégories d’entre eux “attirent” le plus les personnes en mal d’avenir ? Trois secteurs d’activité remportent les suffrages les plus importants : le transport-manutention, qui concentre 20 % des formations consécutives à l’entrée en CIF, la santé (8 %) et le travail social (6 %). Quelques parcours types ont été identifiés. On constate ainsi que les CIF de changement de métier sans hausse de qualification sont fréquents pour des reconversions vers le social de personnes venant du commerce et de la vente, vers les métiers de la santé et du transport pour celles issues de la branche nettoyage, et vers l’électricité à partir du gros œuvre du bâtiment. Le transport attire particulièrement les publics originaires du bâtiment ou de la sécurité.

Les CIF avec hausse de qualification témoignent plutôt d’un passage, par exemple, de l’électricité-électronique à l’informatique, du secrétariat au monde du transport et de l’hôtellerie au secteur social.

Moins on est diplômé, plus on restreint ses choix

L’étude 2012 corrobore les conclusions d’une première enquête menée mi-2010 en Alsace, en Bretagne et en Rhône-Alpes, auprès de 2 600 bénéficiaires d’un CIF en 2007.

Premièrement : il existe une corrélation entre la variété des formations qu’envisage le candidat et son niveau de qualification initiale : moins on est diplômé, plus le choix se restreint. Ainsi, 51 % des salariés de niveau infra V s’orientent vers le transport ou le secteur de la santé et du social (aide-soignant, auxiliaire de vie…), alors que les niveaux III ont davantage réparti leur parcours de transition entre comptabilité-gestion (26 %), santé-social (17 %), enseignement (9 %), transport (8 %) et informatique (7 %).

Deuxièmement : la faculté à viser un nouveau métier plus ou moins distant de celui de départ varie selon le métier d’origine. Magasinier-manutentionnaire, conducteur routier mais aussi informaticien, auxiliaire de vie et agent d’hôpital ont des « aires de mobilité réduites » ; alors qu’ouvrier d’industrie agroalimentaire ou d’industrie mécanique, caissière, secrétaire, personnel en cuisine, agent de sécurité, vendeur en non-alimentaire et télévendeur ont une « aire de mobilité large ».

Enfin, troisième constat : les femmes diversifient leur choix bien plus que les hommes.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON