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« Le modèle de l’entreprise gagne le secteur associatif »

Enquête | publié le : 28.08.2012 | VIOLETTE QUEUNIET

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« Le modèle de l’entreprise gagne le secteur associatif »

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

E & C : Vous êtes spécialiste de l’emploi dans le monde associatif*. Constatez-vous des évolutions marquantes dans ce secteur ?

M. H. : Le monde associatif a basculé dans une nouvelle configuration historique qui remonte aux années quatre-vingt. Cela se traduit par un premier élément objectif, qui est le nombre de salariés : ils sont 2 millions à travailler dans les associations, contre 600 000 dans les années quatre-vingt. Et je ne compte ni les 20 000 jeunes en service civique ni les nombreux stagiaires, ni toute une zone “grise” de salariés au statut hybride entre salariat et bénévolat. L’autre point majeur est la rationalisation du monde associatif. Nombreuses sont les associations qui ne se définissent plus en référence à la loi de 1901 (basée sur le bénévolat) mais comme des entreprises sociales. Les pratiques de direction et d’organisation du travail se transforment pour se rapprocher de celles des entreprises. Les associations ont dû s’adapter à l’évolution de leurs bailleurs de fonds. Les financements publics sont de plus en plus attribués sur projet, dans le cadre de commandes publiques, avec en aval une évaluation des performances sur la base d’indicateurs de gestion.

E & C : Il y a donc une montée en compétences des salariés ?

M. H. : En effet, cela nécessite des cadres qualifiés. On voit se développer un encadrement intermédiaire – gestionnaires, responsables RH, etc. – très diplômé. C’est une rupture forte. Auparavant, cet encadrement était largement autodidacte et s’était formé sur le tas. Beaucoup de ces diplômés, aujourd’hui, sont issus de formations supérieures qui, c’est la grande nouveauté, sont spécialisées dans l’économie sociale et solidaire ou l’entrepreneuriat social. Le système de formation s’est adapté à ce débouché et participe à nourrir des aspirations professionnelles qui vont s’épanouir dans ce monde-là.

E & C : L’entrepreneuriat social attire-t-il des jeunes diplômés en quête de sens ?

M. H. : C’est un discours que tient le secteur mais qui n’est pas totalement fondé. Après tout, on peut trouver du sens dans une entreprise classique, du moins je l’espère ! Je pense que cet engouement pour l’entrepreneuriat social s’explique plutôt par une diminution de l’emploi public qui, jusqu’à présent, n’avait cessé de croître en France. Les jeunes qui intègrent l’économie sociale et solidaire ont nourri des aspirations à des carrières d’enseignants, dans la santé, à l’hôpital, qu’ils n’ont pu mener dans la fonction publique. Le profil statistique des jeunes dans l’économie sociale et solidaire ressemble d’ailleurs beaucoup à celui du secteur public : femme, très qualifiée et souvent enfant de fonctionnaire.

E & C : Quelles sont les aspirations des salariés en matière de RH ?

M. H. : C’est d’abord un besoin d’application de principes basiques. Pratiquement un tiers des salariés ne sont rattachés à aucune convention collective contre seulement 8 % dans le secteur marchand. Les principes élémentaires du droit du travail ne sont pas toujours appliqués. Une rationalisation est donc nécessaire, sauf à voir se multiplier les conflits. C’est surtout vrai dans les associations de petite taille. La majeure partie des 2 millions de salariés est concentrée dans de grosses structures que j’appelle entreprises associatives. Ce sont souvent des organisations multisectorielles qui ont mutualisé leurs fonctions supports, comme les RH. Cette professionnalisation est nécessaire pour répondre aux aspirations des jeunes : ils veulent travailler comme les autres salariés, avec les mêmes droits et des conditions acceptables, mais à côté du salariat capitaliste.

* Auteur de Les Métamorphoses du monde associatif, PUF, 2009. Lire son interview dans Entreprise & Carrières n° 1066.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET