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« J’ai voulu alerter sur les atteintes à la santé au travail »

Actualités | L’INTERVIEW | publié le : 28.08.2012 | MARTINE ROSSARD

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« J’ai voulu alerter sur les atteintes à la santé au travail »

Crédit photo MARTINE ROSSARD

E & C : Vous avez refusé début août la Légion d’honneur. Pour quelles raisons ?

A. T.-M. : Depuis trente ans, mes recherches en santé publique et mes activités citoyennes et associatives m’amènent à alerter sur les atteintes à la santé au travail et à la santé environnementale. Recevoir une distinction pour avoir mis en évidence des risques industriels évitables qui menacent la santé et la vie des ouvriers et celles des riverains d’usines dangereuses me semble presque indécent. La reconnaissance que j’attends passe par l’aide à nos recherches, notamment des postes pour nos chercheurs. Et par des stratégies de prévention des risques professionnels. Je constate au contraire une dégradation des conditions de travail, notamment pour les salariés de la sous-traitance. Je suis pessimiste.

E & C : Qu’attendez-vous de la loi du 20 juillet 2011 sur la santé au travail entrée en vigueur en juillet 2012 ?

A. T.-M. : Cette loi n’assure pas l’indépendance des médecins du travail. Elle renforce la mainmise patronale sur les services de médecine du travail. Il y a conflit d’intérêts. Il faudrait des professionnels indépendants ayant le droit, comme les inspecteurs du travail, d’entrer dans les entreprises et de faire cesser le travail en cas de danger. Il faudrait aussi travailler sur la déclaration et la reconnaissance des maladies professionnelles, actuellement catastrophiques, notamment pour les cancers.

E & C : Pouvez vous préciser ce point ?

A. T.-M. : Le nombre de nouveaux cas annuels de cancers a doublé depuis 1980 et dépasse aujourd’hui les 300 000. On sait aussi qu’un ouvrier a 10 fois plus de risques de décéder d’un cancer qu’un cadre. Mais seuls 2 000 cancers par an sont reconnus d’origine professionnelle ! En dehors des cancers dus à l’amiante, la reconnaissance s’avère très difficile, notamment pour les salariés les plus précaires, en l’absence de prise en compte des polyexpositions. Nos recherches en Seine-Saint-Denis montrent que des travailleurs de divers secteurs sont exposés en permanence à des cocktails de cancérogènes. La réglementation sur les cancérogènes n’est pas appliquée. Celle sur les mesures de précaution sur les chantiers de désamiantage non plus. Le Code pénal prévoit pourtant des sanctions pour mise en danger de la vie d’autrui.

Auteur

  • MARTINE ROSSARD