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LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION

Comment raccrocher les “décrocheurs” ?

LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION | Analyse | publié le : 10.07.2012 | LAURENT GÉRARD

Onze pour cent des jeunes français de 15-24 ans sont des “décrocheurs”, c’est-à-dire des “laissés-pour-compte”, ni en emploi, ni en formation professionnelle, ni en études ; 11 %, c’est la moyenne européenne selon des chiffres de l’OCDE de 2010. C’est mieux qu’en Espagne, au Royaume-Uni et en Italie (15 %), à peu près l’équivalent du Canada et de l’Allemagne (inférieur à 10), mais nettement moins bien qu’au Danemark et aux Pays-Bas (entre 5 % et 6 %). Que faire de ces jeunes et quel rôle peuvent jouer les entreprises vis-à-vis d’eux ?

C’est l’objet d’un travail mené par l’Institut Montaigne et Entreprise & Personnel, publié dans une note datée de juin 2012 intitulée : “Choisir les bons leviers pour l’insertion professionnelle des jeunes non qualifiés”. « Il ne s’agissait pas de trouver une idée super originale qui aurait tout changé, explique Sandra Enlart, directrice d’Entreprise & Personnel. Vu le nombre de notes sorties sur le sujet, cela aurait été très prétentieux. Nous avons au contraire voulu réfléchir aux leviers qui nous semblaient importants à prioriser pour agir. »

Guichet unique

Le premier levier concerne surtout les entreprises : il s’agit d’y « faire émerger un environnement favorable à l’accueil de jeunes peu qualifiés », précise Laurent Bigorgne, de l’Institut Montaigne, par « la mise en place d’un guichet unique jeunes au service des entreprises, leur offrant un interlocuteur clairement identifié qui réduirait les nombreux coûts de transaction liés à l’identification de potentiels et aux questions administratives, de contrat, de statut des jeunes pris en entreprise… » Un référent au sein de ce guichet unique aurait pour mission d’accompagner l’entreprise dans les premiers mois de travail du jeune, pour réduire le taux de ruptures de contrats d’apprentissage.

Parallèlement, ajoute Foucauld Lestienne, directeur délégué des ressources humaines à La Poste et membre du groupe de travail, il faut « identifier au sein des entreprises les activités requérant peu de qualifications mais ouvrant à une professionnalisation progressive ».

Ensuite, inévitablement, « développer l’alternance ». En réorientant la taxe d’apprentissage vers les jeunes n’ayant pas obtenu de diplôme supérieur au bac et ne poursuivant pas d’études supérieures, en simplifiant le recrutement, et en ouvrant davantage le secteur public à cette pratique. « Une variante aux contrats de professionnalisation pourrait être imaginée notamment dans le secteur des services et de l’artisanat, précise Bernard Masingue d’Entreprise & Personnel. D’une durée d’un an, ils correspondraient à de vrais emplois à temps partiel dans des entreprises, complétés par une formation de base. Ils seraient financés par un prélèvement sur les crédits de la formation professionnelle pour décharger partiellement les entreprises. »

Promotion de la diversité

Enfin, dernière partie de ce premier pilier : « Promouvoir systématiquement la diversité dans les entreprises, en les incitant à recruter davantage sur des critères d’habiletés, de capacités et de compétences concrètes nécessaires à la réalisation des tâches inhérentes au poste, notamment pour les fonctions requérant un savoir technique limité, appuie Iana Dreyer de l’Institut Montaigne. Une politique de contrats publics pourraient conditionner leur octroi à l’obtention d’un label diversité renforcé d’une dimension jeunes. »

Mais ce premier levier serait inefficace sans deux autres réformes profondes : une gestion véritablement décentralisée de l’insertion professionnelle des jeunes au niveau des bassins d’emploi, ainsi qu’une refondation de l’orientation à l’école et une valorisation des métiers requérant peu de diplômes. Dans la première logique : désigner un vrai chef de file, ouvrir un guichet unique pour les jeunes, donner davantage d’autonomie financière et en ressources humaines aux collèges et lycées, décentraliser les « plates-formes de suivi et d’appui aux décrocheurs » mises en place en février 2011 et pilotées par le ministère de l’Éducation nationale… Dans la deuxième : ouvrir le monde enseignant aux professionnels via un statut de professeur associé, introduire dès le collège des cours d’orientation dispensés par des professionnels extérieurs à l’Éducation nationale, redéfinir les missions du poste de conseiller d’orientation et l’ouvrir à des professionnels issus des entreprises… Bref, des chantiers de fond.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD