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Enquête

UN BASTION ANTI-OPA EN BÉTON

Enquête | publié le : 10.07.2012 | JOSÉ GARCIA LOPEZ

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UN BASTION ANTI-OPA EN BÉTON

Crédit photo JOSÉ GARCIA LOPEZ

Le groupe de BTP et de concessions propose un dispositif d’épargne original : la société d’investissement à capital variable d’actionnariat salarié. Un outil de dissuasion massive pour contrer les attaques boursières et préserver l’indépendance du groupe.

Le mur de l’actionnariat salarié, les concurrents prédateurs d’Eiffage s’y sont déjà heurtés. La dernière tentative d’OPA sur le groupe français remonte à 2007 : face au poids des salariés actionnaires, l’Espagnol Sacyr fait alors un flop. Ce que pèse le personnel dans le capital du groupe ? Pas moins de 25 % détenus par 65 500 salariés et ex-salariés, soit 85 % des effectifs en France. Du gros calibre parmi les entreprises françaises ! Et plus de vingt ans que cela dure : en 1990, les collaborateurs ont d’abord été incités à participer au capital de leur société via un rachat d’entreprise par ses salariés (RES), puis en 2002 à travers une Sicav d’actionnariat salarié (Sicavas).

Pour Stéphane Bergeret, directeur des relations sociales, l’actionnariat salarié joue un rôle important dans la construction du groupe : « Nous avons grandi par croissance externe. La participation des salariés au capital est un facteur d’intégration. Elle a créé un lien solide entre les nombreuses sociétés qui nous ont rejoints. »

Les ouvriers impliqués

Cet actionnariat concerne l’ensemble les catégories professionnelles de l’entreprise. « Tout le personnel peut devenir actionnaire », souligne Béatrice Brénéol, présidente de la Sicavas. La majeure partie du capital (68 %) est d’ailleurs détenue par les ouvriers. Les clés du succès de la Sicavas ? Un généreux abondement – à hauteur de 50 % de l’intéressement et de 25 % de la participation réinvestis, avec un plafond de 4 680 euros – encourage les investissements. Stéphane Bergeret reconnaît que cette politique d’abondement et de partage des profits concourt au succès de l’actionnariat interne. Mais ce dernier « dépasse la simple logique d’épargne salariale pour créer une forme différente d’attachement à son entreprise. On porte un autre regard sur sa société et son organisation quand on en est actionnaire ».

Les salariés ont voix au chapitre : ils élisent parmi eux quatre administrateurs de la Sicavas et sont aussi représentés au sein du conseil d’administration du groupe par la présidente de la société d’investissement.

Correspondants locaux

Sur le terrain, quelque 550 « correspondants Sicavas », répartis dans les unités du groupe, conseillent et informent leurs collègues, surtout en période de souscription des actions. Et, un peu plus que par le passé, ils doivent aujourd’hui répondre aux doutes des salariés.

Certes, malgré la crise, avec 28 000 souscripteurs (53 % des effectifs en France) et un montant de 142 millions d’euros engrangés, 2011 a plutôt été un bon cru pour la Sicavas. Mais, en 2012, la direction laisse entendre que le taux de souscription va se tasser. Motif ? « Nous avons distribué un peu moins d’intéressement et de participation cette année », observe Béatrice Brénéol. De son côté, Philippe Luppo, représentant CFDT (deuxième organisation syndicale de l’entreprise après la CGT) au CCE d’Eiffage, admet que l’abondement joue un rôle d’amortisseur et limite le risque de l’investissement en actions pour les salariés. Mais le syndicaliste souhaiterait que ces derniers disposent d’une offre de placement plus diversifiée : « Il manque au dispositif de redistribution des fruits de la croissance de l’entreprise un mécanisme sécurisé tel que le Perco. Il ne s’agit pas de concurrencer l’actionnariat salarié mais de permettre aux salariés de choisir leur placement, sans mettre tous leurs œufs dans un même panier. »

Malgré la période de tourmente sur les marchés financiers, pas question pour Eiffage de délaisser l’actionnariat salarié : « Les collaborateurs savent que la bourse connaît des fluctuations indépendantes des réussites du groupe. Ils ont conscience que leur mobilisation en tant qu’actionnaires a déjà sauvé l’entreprise et qu’elle permet de préserver, si ce n’est leur emploi, du moins leur outil de travail », note la présidente de la Sicavas. D’ailleurs, lors de la menace d’OPA de 2007, les salariés ont souscrit massivement à la Sicavas, alors même que le cours de l’action Eiffage atteignait des sommets. Aujourd’hui, la valeur du titre ayant nettement chuté, Brigitte Brénéol reçoit plus de demandes d’achat. Lorsque les actions reprendront des couleurs, les salariés investisseurs espèrent bien y trouver leur compte.

EIFFAGE

• Activité : BTP et concessions.

• Effectifs : 70 000 salariés dans le monde, dont 58 000 en France.

• Chiffre d’affaires 2011 : 13,7 milliards d’euros.

Auteur

  • JOSÉ GARCIA LOPEZ