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RATIONALITÉ, EFFICACITÉ QUALITÉ ?

Enquête | publié le : 03.07.2012 | LAURENT GÉRARD

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RATIONALITÉ, EFFICACITÉ QUALITÉ ?

Crédit photo LAURENT GÉRARD

En matière de formations linguistiques, les entreprises usent de techniques d’achat sévères. Le marché se concentre et subit la concurrence d’anglophones du bout du monde, qui proposent leurs services à prix cassés via Internet. Une solution pour préserver la qualité : segmenter ses achats.

Les tendances de fond observées depuis plusieurs années sur le marché des formations linguistiques ne font que se confirmer. Du côté des (grandes) entreprises, le mot d’ordre est « efficacité-rationalité », et tout est bon pour y arriver : analyse poussée des besoins ; cahier des charges et appels d’offre pilotés par des services achats féroces ; multiplication des formes d’intervention pédagogique avec la montée en puissance des cours par e-learning, téléphone, classes virtuelles… Et, pour boucler la boucle, suivi de plus en plus poussé de la réalité des apprentissages des salariés à travers une lutte affirmée contre l’absentéisme.

Marie-Hélène Douvier, qui cumule les fonctions de responsable du management interculturel, des compétences linguistiques et des formations holding à Total, explique que l’entreprise pétrolière a « progressivement relié toutes ses formations linguistiques à un objectif d’intégration interculturelle, car nos salariés doivent pouvoir communiquer dans des contextes professionnels multiculturels divers ».

À Aéroports de Paris, l’analyse de recherche d’efficacité a donné à Dominic Williams, responsable formation linguistique, l’idée de la création d’une fonction de « facilitateur linguistique, qui aidera les salariés à suivre des programmes composés d’éléments multiples et multimodaux ».

Véronique Poli, responsable de la question à France Télécom, confirme que « 30 % des formations aux langues sont aujourd’hui proposées en e-learning, en mobile learning ou en blended learning. C’est considérable : en 2009, elles ne représentaient que 14 % des cours ».

Suivi de la consommation

Enfin, quand Marie-Laure Greffier, directrice de la formation du groupe Renault, a constaté que « le taux d’absentéisme aux formations langue avait atteint le chiffre de 50 % en 2010 », et que, « sur la seule région d’Île-de-France, cela coûtait 1,6 million d’euros », elle a décidé d’en faire un sujet de débat avec ses partenaires sociaux : ces derniers « ont bien compris les enjeux et ont été un soutien fort » dans la mise en place d’un suivi précis et poussé de la consommation des formations.

Bref : dans ces entreprises, le temps de la formation à l’anglais comme récompense ou achat de la paix sociale n’est plus de mise. Et, comme la pédagogie linguistique est spécifique (il ne s’agit pas d’apprendre un geste, une technique, un logiciel mais une langue voire une culture, dont l’apprentissage n’est jamais fini), les entreprises ont décidé de rentabiliser leurs investissements qui, dans les quatre cas évoqués, représentent entre 6 % et 8 % des fonds formation dépensés.

Un marché en mutation

Conséquences du côté des prestataires : ce marché est à “l’avant-garde” des mutations que connaissent tous les marchés de la formation. « Depuis 1995, on peut estimer les prix du marché à la baisse de 25 % à 30 %, inflation comprise, juge Claude Lépineux, du cabinet Co-Efficient Conseil. La progression de l’e-learning, du tutorat par mail, de l’enseignement par téléphone sur des sites offshore et des plates-formes d’externalisation contribue au développement de cette culture : les langues connaissent ce que les domaines bureautique et informatique ont été les premiers à vivre dans les années 2000. Enfin, l’évaluation des acquis et l’individualisation des services proposés est une culture déjà banalisée sur ce marché où la pression tarifaire est importante. Difficile d’imaginer accéder à des cours de langue sans évaluation de niveau à l’entrée, individualisation de parcours de formation et formation multimodes et séquencée dans le temps. Attention cependant à l’illusion technocratique suivante : j’ai mis en ligne, donc les apprenants apprennent ! »

Une analyse partagée par Andrew Wickham, du cabinet Linguaid, auteur d’une récente étude non publique sur la base des bilans financiers de 250 prestataires : « Depuis une bonne dizaine d’années, les grandes entreprises et administrations centralisent leurs dispositifs et réduisent le nombre de prestataires, afin de mieux maîtriser la qualité et l’homogénéité des prestations et les coûts, comme dans les autres domaines d’approvisionnement. »

Malgré cela, la toute dernière étude Xerfi de mai, non publique également, intitulée « Le marché de l’enseignement des langues à l’horizon 2015 », affirme que, « pénalisé par la crise depuis 2009, le marché retrouvera quelques couleurs en 2012, où il progressera alors de 0,5 % en valeur avant de rebondir plus franchement en 2013 (+ 3 %), même s’il ne retrouvera pas son niveau de 2008 ». Vérification dans quelques mois.

L’ESSENTIEL

1 Avec la recherche de l’efficacité au meilleur coût, les entreprises font subir une forte pression aux prestataires de formations linguistiques.

2 Les méthodes pédagogiques font de plus en plus souvent appel aux nouvelles technologies, avec des parcours multimodaux.

3 Afin de vérifier la réalité des acquis, les entreprises luttent contre le fort absentéisme qui caractérise souvent ce type de formation.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD